S05-P03-C07 Valvulopathies Partie 1 (Chapitre archivé)

S05-P03-C07 Valvulopathies Partie 1 (Chapitre archivé)

Cardiologie

Olivier Dubourg

Chapitre S05-P03-C07 – Partie I

Valvulopathies

Partie I : Rétrécissement aortique calcifié

Jean-Luc Monin

 

ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre.
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Le rétrécissement aortique calcifié (RAC) est actuellement la maladie valvulaire acquise la plus fréquente dans les pays industrialisés d’Europe et du continent nord-américain [22]. Du fait de la quasi-disparition des valvulopathies rhumatismales dans ces pays, le RAC d’origine « dégénérative » et la bicuspidie se partagent plus de 90 % des causes [36]. Compte tenu du vieillissement progressif des populations, il est probable que la prévalence de cette maladie continuera d’augmenter au cours des prochaines décennies. La prise en charge des patients porteurs d’un RAC sévère occupe donc actuellement une place prépondérante dans l’activité des équipes médicochirurgicales de cardiologie. Après l’interrogatoire et l’examen clinique, l’échocardiographie-Doppler cardiaque reste la pierre angulaire de l’évaluation d’un RAC, permettant l’évaluation du degré de calcification valvulaire, le calcul de la surface aortique et du gradient de pression transvalvulaire ainsi que l’évaluation du retentissement ventriculaire gauche et des lésions associées. La mise en évidence d’un RAC sévère symptomatique est une indication consensuelle de remplacement valvulaire aortique chirurgical, qui reste le traitement de référence actuellement [6], [48]. Au stade asymptomatique, un certain nombre de paramètres de stratification du risque (hémodynamiques, radiologiques et hormonaux) sont actuellement en cours d’évaluation, l’indication opératoire restant largement débattue. Au stade de dysfonction systolique ventriculaire gauche avec bas débit cardiaque, l’étude hémodynamique sous dobutamine permet d’évaluer la réelle sévérité de l’obstacle aortique et participe à la stratification du risque opératoire [19], [29].

Étiologie

Mis à part les formes rhumatismales actuellement très minoritaires dans les pays industrialisés, les deux principales causes de RAC à l’heure actuelle sont la forme « dégénérative » du sujet âgé (maladie de Monckeberg) et les anomalies congénitales de la valve aortique (bicuspidie essentiellement).

Forme calcifiée du sujet âgé/bicuspidie : histologie

Un RAC est caractérisé macroscopiquement par un épaississement des sigmoïdes avec calcification progressive des valves sur le versant artériel ; l’absence de fusion commissurale différencie les formes calcifiées d’un rétrécissement aortique rhumatismal (Figure S5-P3-C7-1). L’hypothèse initiale d’une maladie dégénérative liée à l’âge est actuellement démentie par la mise en évidence de similitudes histologiques avec la plaque d’athérosclérose, associées à des nombreux facteurs de risque communs. Au stade initial, la sclérose valvulaire aortique est caractérisée par un épaississement progressif des valves sans limitation d’ouverture [46]. Le développement de la fibrose et des calcifications valvulaires entraîne une limitation progressive de l’ouverture des valves, proportionnelle au degré de calcification. La fusion commissurale est classiquement absente, toutefois une fusion très limitée (sur 1 à 2 mm) d’une ou de plusieurs commissures peut être retrouvée [36].

Fig_05-03-07_01

Rétrécissement aortique calcifié. a) Rétrécissement aortique calcifié du sujet âgé : pièce anatomique, vue aortique. Calcifications massives sur le versant aortique des valves, respectant le bord libre ; absence de fusion commissurale. b) Sténose aortique rhumatismale : fusion commissurale, sclérose et rétraction valvulaire.

L’étude histologique révèle un épaississement sous-endothélial sur le versant aortique des valves, préférentiellement vers leur base d’insertion, avec déplacement de la limitante élastique et rupture localisée de l’endothélium [32]. Des infiltrats lipidiques s’y associent, ainsi qu’un infiltrat cellulaire composé majoritairement de macrophages et de lymphocytes T [32]. On note également des zones de calcification situées en profondeur, alors que l’infiltrat cellulaire est plus proche de l’endothélium ; cela suggère un processus actif évoluant par strates successives d’inflammation suivies de fibrose et de calcification [32]. Ce processus affecte de manière identique les valves bicuspides ; les différences étant d’une part une évolution plus précoce, liée au caractère favorisant des forces d’étirement sur les tissus valvulaires en cas de bicuspidie ; d’autre part les calcifications débutent volontiers sur les raphés et le bord libre des valves, zone de plus forte contrainte sur une bicuspidie. Les rares cas de valves unicuspides subissent de manière très précoce le même processus inflammatoire et calcifiant [37].

Rétrécissement aortique rhumatismal

En cas de rétrécissement aortique d’origine rhumatismale, on retrouve initialement des dépôts thrombotiques sur le bord libre des valves, responsables de la fusion commissurale. Le processus de fusion peut affecter les trois commissures de manière symétrique ou prédominer sur une commissure, pouvant ressembler au raphé d’une bicuspidie ; secondairement, intervient un processus de calcification qui est généralement au second plan derrière la fusion commissurale et moins sévère que dans les formes calcifiées du sujet âgé ou sur bicuspidie.

Diagnostic différentiel : obstacle paravalvulaire

L’association d’un gradient de pression significatif sur la voie d’éjection gauche avec des sigmoïdes aortiques relativement fines et souples doit faire rechercher un obstacle paravalvulaire. Un diaphragme situé dans la chambre de chasse sous-aortique est mieux visible par voie apicale centrée sur la voie d’éjection aortique, compte tenu de l’orientation perpendiculaire des ultrasons qui donne une meilleure résolution sur une membrane relativement fine. Beaucoup plus rarement, on peut observer un obstacle supravalvulaire en forme de sablier au-dessus des ostia coronaires (jonction sinotubulaire), le plus souvent dans le cadre d’un syndrome de Williams-Beuren [34]. Compte tenu des difficultés diagnostiques en échographie transthoracique, l’échographie trans-œsophagienne ou l’IRM cardiaque peuvent être d’une aide précieuse au diagnostic d’obstacle paravalvulaire aortique.

Physiopathologie de l’obstruction valvulaire

La surface valvulaire aortique chez l’adulte est habituellement comprise entre 3 et 4 cm2 Un obstacle à l’éjection ventriculaire gauche devient hémodynamiquement significatif si la surface aortique est inférieure ou égale à 1,5 cm2. Les études cliniques prospectives montrent que les symptômes liés au RAC (dyspnée d’effort, angor, syncopes) surviennent en moyenne pour une surface aortique inférieure ou égale à 1 cm2 (surface indexée δ 0,6 cm2/m2), correspondant le plus souvent à un pic de vitesse transvalvulaire supérieure à 4,0 m/s et un gradient de pression moyen supérieur à 40 mmHg [31] ; ces valeurs seuils définissent donc actuellement un RAC sévère [6], [48]. Rappelons que la sévérité hémodynamique ne préjuge pas de l’indication opératoire, la tolérance hémodynamique d’un RAC résultant de l’interaction complexe entre l’obstacle valvulaire, d’une part, et l’adaptation ventriculaire gauche et de la vascularisation artérielle périphérique, d’autre part.

Retentissement ventriculaire gauche

Une sténose valvulaire aortique réalise un obstacle fixe à l’éjection ventriculaire gauche, avec accélération de la vitesse d’éjection et apparition d’un gradient de pression systolique ventricule gauche/aorte. Le ventricule gauche tente de s’adapter à cette surcharge barométrique en développant une hypertrophie pariétale concentrique (réplication parallèle des sarcomères) afin de maintenir une contrainte pariétale normale. En théorie, l’hypertrophie ventriculaire gauche permet d’équilibrer la contrainte pariétale et de préserver la fonction systolique ventriculaire gauche. Cependant, l’étude du raccourcissement systolique à mi-paroi démontre que l’hypertrophie ventriculaire gauche entraîne une altération de la fonction pompe ventriculaire gauche, malgré une fraction d’éjection conservée [49]. L’hypertrophie ventriculaire gauche entraîne donc per se une altération de la fonction pompe, liée en grande partie au développement d’une fibrose sous-endocardique prédominant sur les segments basaux du ventricule gauche, mise en évidence par une diminution du volume d’éjection systolique, de la fraction de raccourcissement à mi-paroi et de la fonction longitudinale ventriculaire gauche qui semblent de meilleurs indices que la fraction d’éjection, faussement rassurante dans ce contexte [1], [49].

Désadaptation à la charge

L’aggravation progressive de l’obstacle aortique fait qu’à un certain point, l’hypertrophie ventriculaire et l’étirement des sarcomères arrivent à leur limite, sans possibilité d’adaptation supplémentaire de la précharge ventriculaire gauche. Dans ces conditions de précharge fixée, l’augmentation progressive de la post-charge entraîne l’élévation de la contrainte pariétale, elle-même responsable d’une diminution de la fraction d’éjection. La désadaptation à la charge (afterload mismatch) est donc définie par l’impossibilité pour le ventricule gauche de maintenir un volume d’éjection systolique adéquat et des pressions de remplissage normales, compte tenu de l’augmentation de la post-charge. L’afterload mismatch entraîne une dysfonction systolique ventricule gauche directement liée à l’augmentation de la contrainte pariétale (relation linéaire), à l’opposé d’une anomalie intrinsèque de la contractilité myocardique. Dans la plupart des cas, cette dysfonction systolique est en grande partie réversible après levée de l’obstacle aortique, bien qu’une évolution prolongée puisse s’accompagner d’une fibrose collagène entraînant une dysfonction systolique irréversible [49].

Examen clinique

La longue période de latence fonctionnelle du rétrécissement aortique explique que cette pathologie soit souvent diagnostiquée au stade asymptomatique par la découverte d’un souffle systolique aortique lors d’un examen systématique.

Signes d’examen

L’examen clinique du RAC est dominé par la présence d’un souffle systolique éjectionnel dont l’intensité n’est pas corrélée à la sévérité de l’obstacle aortique.

Souffle systolique aortique

L’accélération et les turbulences du flux éjectionnel aortique se traduisent par la présence d’un souffle systolique, habituellement maximal au bord droit du sternum (2e espace intercostal droit), irradiant vers les carotides. Le maximum d’intensité peut être déplacé vers le bord gauche du sternum, du 2e au 4e espace intercostal gauche. Le souffle de RAC présente toutes les caractéristiques d’un souffle éjectionnel :

– début après le premier bruit cardiaque (B1), maximum d’intensité mésosystolique et fin avant le deuxième bruit (B2) ;

– renforcement de l’intensité du souffle après une diastole longue ;

– tonalité grave, rauque, râpeuse.

L’intensité du souffle, dépassant rarement 3/6, est proportionnelle au gradient de pression transvalvulaire et donc au volume d’éjection systolique, possiblement renforcé par une insuffisance aortique coexistante. En cas de bas débit cardiaque, du fait de la diminution du volume d’éjection et du gradient transvalvulaire, un souffle discret n’est pas incompatible avec un RAC sévère. En pratique, sur une série consécutive de 123 patients asymptomatiques (débit cardiaque normal) ayant un RAC modéré à sévère, l’intensité du souffle était de 1, 2, 3 ou 4/6 dans respectivement 2, 17, 64 et 12 % des cas ; aucun patient ne présentait de souffle supérieur à 4/6 et l’intensité du souffle ne permettait pas de prédire la sévérité de l’obstacle aortique de manière fiable.

Signes cliniques de sévérité

Le signe physique majeur en faveur d’un RAC sévère est la diminution ou l’abolition du deuxième bruit cardiaque (B2). La diminution de B2 est liée à l’abolition de la composante aortique du deuxième bruit du fait de la rigidité des sigmoïdes ; c’est un signe très spécifique en faveur d’un RAC sévère dont la sensibilité peut être prise en défaut : un B2 relativement conservé n’est pas incompatible avec un RAC sévère. Les signes d’insuffisance ventriculaire gauche sont également à rechercher (tachycardie, bruit de galop présystolique [B4] lié à l’impact de la systole auriculaire [patient en rythme sinusal]), de même que les râles crépitants ou sibilants pulmonaires et les signes de distension jugulaire (insuffisance cardiaque globale).

Anomalies valvulaires associées

Les anomalies auscultatoires fréquemment associées sont la présence d’un souffle diastolique d’insuffisance aortique et/ou d’un souffle holosystolique de pointe d’insuffisance mitrale.

Symptômes

L’apparition de symptômes est un tournant évolutif important en cas de RAC sévère ; de ce fait, leur recherche à l’interrogatoire est cruciale. Une difficulté majeure réside dans le fait que la plupart des patients, notamment les plus âgés, ont tendance à réduire progressivement leur activité physique de manière plus ou moins consciente, ce qui peut masquer d’éventuels symptômes à l’effort.

Diminution de la tolérance à l’effort

En cas de RAC sévère, le premier symptôme est volontiers une diminution de la tolérance à l’effort, assez difficile à mettre en évidence, d’où l’intérêt primordial du test d’effort dans ce contexte. En effet, il est fréquent d’entendre les patients justifier leur diminution d’activité physique par toute autre raison que leur maladie valvulaire : leur âge, l’arthrose, les conditions climatiques, etc. Toute la difficulté de l’interrogatoire est d’objectiver une diminution significative de l’activité physique ou de la tolérance à l’effort, qui précède généralement les symptômes plus francs : angor, syncope ou dyspnée d’effort.

Angor d’effort

L’angor d’effort est classiquement présent dans 30 à 40 % des cas de sténose aortique sévère, dont un cas sur deux ne présente pas de sténose coronaire significative. Indépendamment d’éventuelles sténoses coronaires, l’ischémie myocardique est liée à l’hypoperfusion des couches sous-endocardiques, elle-même en rapport avec l’hypertrophie pariétale et la diminution de la réserve coronaire. En cas de RAC sévère, la présence d’un angor est corrélée avec une élévation significative de la contrainte pariétale et des pressions intraventriculaires gauches ainsi qu’une réserve coronaire altérée, par comparaison avec les patients sans angor. Indépendamment d’un éventuel angor clinique, les séries chirurgicales contemporaines retrouvent des sténoses coronaires significatives dans 40 à 50 % des cas de RAC [37].

Syncope d’effort

Une syncope d’effort survient dans 15 % des cas de RAC sévère, la médiane de survie correspondante étant de 3 ans [9]. L’origine des syncopes est probablement liée à une réaction inadaptée des barorécepteurs intraventriculaires gauches à l’effort. Il existe en effet une inhibition du réflexe vasoconstricteur avec chute tensionnelle à l’effort et malaise présyncopal en cas de RAC sévère. Il est vraisemblable que les troubles du rythme ventriculaires soient rarement le facteur déclenchant initial d’une syncope en cas de RAC sévère, survenant plutôt secondairement après une chute tensionnelle prolongée.

Dyspnée d’effort

Considérée comme un signe fonctionnel tardif de RAC sévère, la dyspnée d’effort est associée à une médiane de survie courte, de l’ordre de 2 ans [9]. La dyspnée est liée à l’élévation des pressions de remplissage ventriculaire gauche avec élévation transitoire de la pression capillaire pulmonaire à l’effort. Par ailleurs, plusieurs études ont retrouvé 20 à 25 % de dyspnée lors de tests d’effort pratiqués chez des patients qui se déclarent asymptomatiques. Une dyspnée modérée, volontiers occultée par le malade, est donc probablement un signe fonctionnel précoce de RAC sévère [16] dont la valeur pronostique est moins péjorative que celle d’une dyspnée sévère accompagnée de signes physiques d’insuffisance cardiaque.

Échocardiographie-Doppler

L’échocardiographie-Doppler transthoracique (ETT) est la pierre angulaire de l’évaluation diagnostique et pronostique d’un patient porteur d’un RAC [48]. Cet examen permet dans la plupart des cas une évaluation fiable du degré de calcification valvulaire et un calcul précis des gradients de pression transvalvulaires et de la surface fonctionnelle aortique par l’équation de continuité ; l’ETT permet également d’évaluer le retentissement ventriculaire gauche du RAC, la présence d’éventuelles valvulopathies associées et le calcul des pressions pulmonaires.

Calcification valvulaire aortique

L’étude soigneuse de la valve aortique en échographie bidimensionnelle (incidences parasternale longitudinale et transverse) permet d’évaluer le degré de calcification valvulaire et la mobilité des sigmoïdes. Malgré son caractère semi-quantitatif, l’appréciation visuelle du degré de calcification valvulaire aortique a une bonne valeur pronostique pour la survenue d’événements cardiaques à moyen terme chez les patients initialement asymptomatiques [38]. La présence de calcifications valvulaires massives sans ouverture visible des sigmoïdes est en règle associée à une sténose sévère. À l’opposé, une valve modérément calcifiée correspond généralement à une sténose modérée, à l’exception toutefois de certaines valvulopathies rhumatismales dont le degré de calcification.

Pic de vitesse et gradient de pression transvalvulaire

Le pic de vitesse (Vmax) et le gradient de pression moyen transvalvulaire sont deux paramètres fondamentaux de l’évaluation hémodynamique d’un RAC, notamment à cause de leur impact pronostique majeur [5]. Dans 8 à 9 cas sur dix, les vitesses transvalvulaires les plus élevées sont enregistrées par voie apicale ; il est donc indispensable d’interroger les autres fenêtres Doppler, notamment la voie parasternale droite, qui est la deuxième fenêtre la plus rentable et la voie suprasternale qui peut donner de bons résultats, notamment en cas de bicuspidie. Le calcul des gradients transvalvulaires repose sur l’équation simplifiée de Bernoulli qui relie le gradient de pression instantané (P) au carré de la vitesse du flux sanguin : P = 4 V22, V2 étant la vitesse maximale transvalvulaire. La planimétrie de la courbe de vitesse transvalvulaire aortique obtenue par le Doppler continu permet le calcul automatique du gradient de pression moyen.

Surface valvulaire aortique

La surface aortique (SAo) peut être calculée par l’équation de continuité, validée en 1985 par l’équipe norvégienne de Liv Hatle [43] : SAo = SABV × (ITVABV/ITVAo), où SABV est la surface sous-aortique correspondant au plan de l’anneau basal virtuel, qui passe par le point d’insertion le plus bas des trois sigmoïdes aortiques, ITVABV et ITVAo étant respectivement les intégrales temps-vitesse sous-aortique (anneau basal virtuel) et transvalvulaires. Le diamètre sous-aortique (anneau basal virtuel) doit être mesuré exclusivement en incidence parasternale longitudinale (en utilisant le zoom) et en systole, entre les points d’insertion des sigmoïdes aortiques (Figure S5-P3-C7-2) [43]. Le diamètre sous-aortique étant corrélé avec la surface corporelle et non modifié par l’âge, les valeurs couramment retrouvées sont de 20 α 2 mm chez la femme et de 22 α 3 mm chez l’homme [19] ; des valeurs plus élevées sont courantes en cas de bicuspidie aortique. En pratique, toute mesure inférieure à 17 mm chez la femme ou 19 mm chez l’homme est exceptionnelle et donc sujette à caution. La courbe de vitesses sous-aortique est enregistrée en Doppler pulsé, incidence apicale alignée sur la voie d’éjection aortique. L’échantillon Doppler pulsé doit être placé 5 mm en amont des valves puis amené très progressivement au contact des valves en mode spectral, jusqu’à l’entrée dans la zone de turbulences (aliasing). Le cineloop permet ensuite de sélectionner pour les mesures les flux d’éjection sous-aortiques laminaires de plus haute vélocité, dont la localisation spatiale correspond à l’anneau basal virtuel [43].

Fig_05-03-07_02

Diamètre de l’anneau basal virtuel aortique en échocardiographie transthoracique. Incidence parasternale longitudinale zoomée. La mesure est prise en systole, valve ouverte, au ras de l’insertion des sigmoïdes, de bord interne à bord interne. Noter le bourrelet septal, mieux dégagé sur les deux mesures (b) et (c), la mesure étant prise au ras de l’insertion des sigmoïdes, en aval du bourrelet. La sous-estimation de 3 mm du diamètre sous-aortique (a) entraîne une sous-estimation de 0,3 cm2 (SAo = 0,9 cm2) de la surface valvulaire aortique réelle (b et c, SAo = 1,2 cm2).

Index de perméabilité

L’index de perméabilité est le rapport entre les pics de vitesse sous-aortique et transvalvulaire. Cette mesure simple est utile, notamment en cas de fibrillation atriale, où l’on peut mesurer les pics de vitesse sur le même flux enregistré en Doppler continu. Une valeur seuil inférieure à 25 % est en faveur d’une sténose aortique serrée [33]. L’index de perméabilité est très sensible (97 %), mais relativement peu spécifique (69 %), et peut donc surestimer la sévérité de l’obstacle valvulaire aortique [33].

Autres paramètres hémodynamiques

La résistance valvulaire aortique (RVA) est le produit du gradient moyen transvalvulaire par le temps d’éjection systolique (TES), divisé par le volume d’éjection systolique (VES) :

RVA (dyn × s × cm–5) = (1,33) (gradient moyen) (TES)/VES

où TES = temps d’éjection systolique et VES = volume d’éjection systolique [8]. La valeur seuil proposée pour une sténose critique est de 300 dyn × s × cm–5 [8]. La résistance valvulaire est censée être moins dépendante du flux que la surface valvulaire et bien corrélée avec la contrainte pariétale ventriculaire gauche. Toutefois, cet indice surtout validé pour la recherche est peu utilisé en pratique courante. D’autres indices de sévérité d’une sténose valvulaire aortique ont été proposés, comme l’index de « perte d’énergie » du ventricule gauche (left ventricular stroke work loss), également peu utilisé en pratique courante [45]. Plus récemment, l’impédance valvulo-aortique (Zva) a été proposée comme indice de post-charge globale du ventricule gauche [11] :

Zva = PA systolique × gradient moyen transvalvulaire/index -d’éjection systolique

La principale limite de cet indice est l’absence de discrimination entre la part liée à l’obstacle valvulaire aortique et la part éventuelle d’une HTA chronique, fréquente chez les sujets âgés ; de ce fait, cet indice est peu utilisé en pratique clinique.

Examens complémentaires

ECG d’effort

En cas de RAC sévère, la présence de symptômes à l’effort (angor, dyspnée, syncope ou lipothymie) est une contre-indication absolue à tout test d’effort et toute recherche d’ischémie par des moyens non invasifs quels qu’ils soient [6]. En revanche, chez un patient asymptomatique ou supposé tel, la pratique d’un ECG d’effort est un moyen sûr et efficace de stratification du risque [35]. Le test d’effort permet de démasquer les « faux » asymptomatiques (30 % à 37 % des cas selon les séries) et les patients dont la tolérance à l’effort est médiocre. Ces patients encourent un risque spontané d’événements cardiaques indésirables, nettement supérieur au risque opératoire [2], [16]. Par conséquent, en cas de RAC sévère supposé asymptomatique, un test d’effort positif (symptômes démasqués à l’effort) est une indication opératoire de classe I et une indication de classe IIa en cas de chute tensionnelle à l’effort [48].

Échographie transœsophagienne

L’échographie transœsophagienne (ETO) peut être indiquée en cas de difficulté de mesure du diamètre sous-aortique, notamment en vue de l’implantation d’une prothèse transcathéter (TAVI). Un intérêt potentiel de l’ETO est la planimétrie de l’orifice aortique : bien qu’il semble exister une bonne corrélation entre la surface anatomique mesurée par planimétrie et la surface fonctionnelle (équation de continuité), certaines études ont rapporté une tendance à la surestimation de la surface mesurée par planimétrie ETO et insistent sur les limites de cette méthode en cas de calcification importante des valves [13]. En pratique, la planimétrie de l’orifice aortique n’est fiable que pour les valves peu calcifiées, correspondant généralement à des sténoses peu à moyennement sévères. En cas de calcification valvulaire massive, la planimétrie n’est pas fiable [13].

Échocardiographie sous dobutamine

L’échographie sous faibles doses de dobutamine est essentiellement utile en cas de RAC avec bas débit/ bas gradient et altération de la fraction d’éjection ventricule gauche, définis par l’association d’une surface aortique inférieure à 1,0 cm², une fraction d’éjection inférieure à 40 % et un gradient moyen inférieur à 30, voire 40 mmHg [29]. Cet examen permet essentiellement de répondre à deux questions : existe-t-il d’une réserve contractile ventriculaire gauche sous dobutamine ? L’obstacle valvulaire aortique est-il réellement sévère ? Trois cas de figure sont donc possibles [17] :

– groupe insuffisance aortique : réserve contractile ventricule gauche sous dobutamine avec élévation des gradients transvalvulaires sans variation de surface aortique : RAC sévère avec réserve contractile ventricule gauche ;

– groupe IB : réserve contractile surface aortique finale supérieure ou égale à 1,2 cm2 et gradient moyen restant inférieur ou égal à 30 mmHg : RAC modéré (pseudo-sévère) au second plan derrière une cardiomyopathie primitive [19] ;

– groupe II : absence de réserve contractile ventricule gauche, on ne peut conclure quant à la réelle sévérité de l’obstacle aortique, le pronostic est médiocre quel que soit le traitement choisi [19], [29].

Échocardiographie d’effort

L’intérêt de l’échocardiographie d’effort pour l’évaluation des RAC asymptomatiques a été évaluée essentiellement dans deux études européennes publiées en 2005 et 2010 [24], [26]. Dans la première étude, une augmentation du gradient moyen transvalvulaire supérieur à 18 mmHg au cours de l’effort était un facteur prédictif indépendant de la survenue d’événements cardiaques (symptômes d’effort, œdème pulmonaire, remplacement valvulaire ou décès) ajoutant à la valeur pronostique de l’échographie de repos et de l’ECG d’effort simple [24]. La seconde étude multicentrique comporte 135 patients asymptomatiques ayant un RAC moyennement serré à serré, évalués par échocardiographie d’effort et suivis de manière prospective pendant 20 mois [26]. Dans cette étude, l’impact pronostique du gradient moyen à l’effort est significatif, mais il n’est pas plus pertinent que celui du gradient de repos. Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer la difficulté technique de l’enregistrement des gradients transvalvulaires aortiques pendant l’effort. Ces résultats préliminaires méritent donc d’être confirmés plus largement et le niveau de recommandation de l’échographie d’effort en cas de RAC asymptomatique est au mieux faible dans les recommandations européennes (classe IIb) [48], voire inexistant dans les recommandations américaines [6].

Cathétérisme cardiaque et coronarographie

Les indications actuelles du cathétérisme cardiaque sont très rares, en pratique lorsque les résultats de l’échocardiographie-Doppler sont ininterprétables (difficultés techniques) ou discordants avec le contexte clinique [48]. Le cathétérisme permet la mesure invasive des gradients de pression transvalvulaire (gradient instantané maximal et gradient moyen) et le calcul de la surface aortique par la formule de Gorlin, qui exprime la surface valvulaire en fonction du débit cardiaque divisé par la racine carrée du gradient moyen. Lorsque la quantification par écho-Doppler est fiable et concordante avec la clinique, le cathétérisme n’a pas d’indication [48]. En effet, indépendamment des rares accidents mortels, le franchissement d’un RAC par cathétérisme expose au risque d’embolie cérébrale, retrouvée dans 22 % des cas à l’IRM cérébrale dont 3 % ont un déficit neurologique [30]. À l’opposé, les indications de coronarographie à titre pré-opératoire restent très larges. En pratique, la coronarographie pré-opératoire doit être pratiquée chez tous les hommes après 40 ans, en cas d’antécédent de maladie coronaire, de signes d’ischémie myocardique ou de dysfonction ventriculaire gauche ainsi que chez les femmes ménopausées ou ayant des facteurs de risque vasculaires [48].

IRM cardiaque

La visualisation directe de la valve aortique en IRM dans un but de planimétrie de la surface valvulaire a été rapportée sur de petites séries. Indépendamment du coût et de la disponibilité réduite de l’IRM cardiaque, la planimétrie par IRM présente les mêmes limites qu’en échocardiographie en cas de calcification valvulaire importante. En revanche, l’intérêt d’évaluer la fibrose myocardique par IRM a été rapporté par plusieurs études [3], [18]. Une étude multicentrique anglaise chez 143 patients ayant un RAC modéré à sévère a montré que l’étude du rehaussement tardif après injection de gadolinium permettait de distinguer trois groupes de patients : absence de fibrose (n = 49), séquelle d’infarctus myocardique (n = 40) et fibrose liée à l’hypertrophie ventriculaire gauche (hypertrophie ventriculaire gauche, n = 54). La sévérité du RAC est comparable dans les trois groupes. Par rapport au groupe indemne de fibrose, la présence d’une fibrose liée à l’hypertrophie ventriculaire gauche multiplie par huit le risque de décès à 2 ans ; ce risque est multiplié par six en cas de fibrose séquellaire d’un infarctus [18]. Dans cette étude, la fibrose myocardique est un facteur de risque indépendant de mortalité, au même titre que la fraction d’éjection [18]. De plus, trois cas de mort subite sont survenus dans le groupe ayant une fibrose liée à l’hypertrophie ventriculaire gauche, ce qui favorise l’hypothèse d’arythmies ventriculaires pouvant expliquer le lien entre fibrose myocardique et mortalité.

Tomodensitométrie cardiaque

La tomodensitométrie cardiaque permet de quantifier le degré de calcification valvulaire aortique, ce qui présente un intérêt pronostique et diagnostique [15]. Une équipe française a validé la quantification de la charge calcique valvulaire par une tomodensitométrie multicoupe sur une série de 179 patients ayant un RAC modéré à serré et une fraction d’éjection supérieure à 40 % [15]. Une valeur seuil de 1 651 unités Agatston permet de diagnostiquer un RAC serré avec une sensibilité de 82 % et une spécificité de 80 % (technique de référence : échocardiographie-Doppler). Plus intéressant, en cas de bas débit cardiaque avec une fraction d’éjection basse, le score calcique permet de différencier une sténose sévère d’une sténose pseudo sévère dans dix-sept cas sur vingt [15]. De plus, avant l’implantation d’une prothèse aortique par voie transcathéter, la tomodensitométrie permet des mesures précises de l’ensemble des diamètres de la racine aortique (anneau, sinus de Valsalva, jonction sinotubulaire et portion ascendante), une évaluation de l’importance et de la position des calcifications annulaires et valvulaires ainsi que la position exacte des ostia coronaires. Ces éléments sont importants pour choisir la taille de la prothèse, prédire son positionnement, son déploiement et la qualité de son apposition sur l’anneau et les parois aortiques.

Peptides natriurétiques

Plusieurs études récentes sont en faveur de l’intérêt des dosages de peptides natriurétiques cardiaques en cas de RAC [4], [20]. Les molécules les plus intéressantes sont le peptide natriurétique de type B (B-type natriuretic peptide [BNP]) et le NT-pro-BNP. Les taux plasmatiques de ces hormones sont assez bien corrélés avec les symptômes, notamment la classe NYHA [20] et ont une valeur pronostique indépendante pour la survenue d’événements cardiaques [4]. Le marqueur le plus intéressant serait le BNP, moins variable en fonction de l’âge et de la fonction rénale. Une étude prospective franco-belge a proposé un score de stratification du risque d’événements cardiaques en cas de RAC asymptomatique, fondé sur le pic de vitesse transvalvulaire et le taux de BNP circulant [28]. Ce score peut être calculé selon la formule suivante :

Score = [Vmax (m/s) × 2] + [Log-N BNP × 1,5] + 1,5 (en cas de sexe féminin)

Vmax étant le pic de vitesse transvalvulaire et Log-N le logarithme népérien du taux de BNP exprimé en pg/ml [28]. Dans cette étude, le taux d’événements cardiaques (décès, apparition des symptômes ou ECG d’effort positif) augmentait progressivement en fonction des valeurs de score réparties en quartiles. Malgré ces résultats, la valeur additionnelle des dosages hormonaux en cas de RAC asymptomatique reste à démontrer à grande échelle ; de ce fait, le niveau de recommandation en pratique courante reste faible (classe IIb) [48].

Histoire naturelle et facteurs pronostiques

De la sclérose valvulaire au rétrécissement aortique

Une sclérose valvulaire aortique est définie par l’épaississement des valves à l’échographie sans restriction d’ouverture ni obstacle hémodynamique significatif (pic de vitesse transvalvulaire < 2,5 m/s). D’après la cohorte américaine de la cardiovascular health study,une sclérose valvulaire aortique est présente dans 26 % des cas (et un RAC dans 2 % des cas) après 65 ans [46]. La prévalence respective de la sclérose valvulaire et du RAC augmente à 35 et 3 % au-delà de 75 ans et à 48 et 4 % pour les sujets de plus de 85 ans [46]. Il est intéressant de noter que parmi les sujets de plus de 85 ans, un peu moins de la moitié (48 %) n’ont aucun épaississement ni calcification valvulaire aortique, ce qui va à l’encontre d’un processus dégénératif lié à l’âge [46]. Les facteurs prédictifs de sclérose valvulaire aortique sont essentiellement les suivants : l’âge (odds-ratio : 2,18 par décennie), le sexe masculin (risque doublé par rapport aux femmes), le tabagisme, l’hypercholestérolémie et l’hypertension artérielle ; ces facteurs de risque sont donc communs avec l’athérosclérose. Cependant, certains éléments diffèrent entre l’athérosclérose et la sclérose valvulaire aortique, notamment l’importance des calcifications valvulaires liées à un dérèglement local du métabolisme phosphocalcique, ce qui explique probablement que moins de la moitié des patients ayant un RAC sévère ont également une maladie coronaire significative [37].

Critères hémodynamiques de sévérité

À l’heure actuelle, l’évaluation hémodynamique d’un RAC repose quasi exclusivement sur l’échocardiographie-Doppler. Un point reste fondamental : aucune mesure hémodynamique prise isolément ne permet de conclure formellement quant à la sévérité de l’obstacle aortique ; il est donc primordial d’intégrer l’ensemble des paramètres hémodynamiques mesurés par l’échocardiographie-Doppler (éventuellement complétés par d’autres critères d’imagerie cardiaque ou des paramètres biologiques) afin d’évaluer la sévérité de l’obstacle aortique [48]. Lorsque la fonction systolique ventricule gauche et le débit cardiaque sont préservés, les critères hémodynamiques en faveur d’un RAC sévère sont actuellement : un pic de vitesse transvalvulaire (Vmax) supérieur à 4,0 m/s et un gradient de pression moyen supérieur à 40 mmHg et/ou une surface valvulaire inférieure à 1,0 cm2 (surface indexée < 0,6 cm2/m2) (Tableau S05-P03-C07-I). Rappelons que ces critères de sévérité ne préjugent pas de la tolérance fonctionnelle, variable d’un patient à l’autre, ni de l’indication opératoire qui reste largement fondée sur la présence de symptômes à l’effort [6], [48].

Tableau S05-P03-C07-I Critères hémodynamiques de sévérité d’un rétrécissement aortique calcifié (RAC) fondés sur les mesures en échocardiographie-Doppler transthoracique.

Paramètre

RAC modéré

RAC moyennement sévère

RAC sévère

Pic de vitesse transvalvulaire (Vmax)

< 3,0 m/s(1)

3-4 m/s(1)

> 4,0 m/s(1)

Gradient moyen de pression

< 25 mmHg(1)

25-40 mmHg(1)

> 40 mmHg(1)

Surface valvulaire

>1,5 cm2

1,5-1,0 cm2

< 1,0 cm2

Surface valvulaire indexée (surface corporelle)(2)

< 0,6 cm2/m2

Index de perméabilité

< 25 %

(1) Volume d’éjection systolique préservé. (2) Utile en cas de petit gabarit, ne pas utiliser chez un patient obèse.

(Modifié d’après les recommandations américaines et européennes [6], [48]).

Paramètres hémodynamiques discordants

Paramètres discordants chez un patient asymptomatique

Une discordance entre les différents critères de sévérité peut être constatée dans 25 à 30 % des cas de RAC, malgré une fraction d’éjection ventricule gauche préservée (> 50 %, voire 55 %). Une étude ancillaire de l’étude SEAS (simvastatine and ezetimibe in aortic stenosis) portant sur 1 873 patients retrouvait des paramètres échographiques discordants chez 435 patients (29 %) : surface aortique inférieure à 1,0 cm2 malgré un pic de vitesse inférieur à 4,0 m/s et/ou un gradient moyen inférieur à 40 mmHg [27]. À l’opposé, 184 patients (12 %) avaient un RAC « modéré » avec une surface comprise entre 1,0 et 1,5 cm2 et un gradient moyen compris entre 25 et 40 mmHg [23]. Point fondamental, tous ces patients étaient asymptomatiques au départ ; ils ont été suivis de manière prospective. Les patients du groupe « discordant » étaient majoritairement des femmes (55 %), avec une surface aortique et un débit cardiaque significativement plus bas que dans le groupe « RAC modéré », malgré une masse myocardique ventricule gauche indexée plus basse. Le taux d’événements indésirables (décès, apparition des symptômes, remplacement valvulaire) était strictement comparable entre les deux groupes après un suivi moyen de 3,5 ans [23]. Il est donc logique de conclure que les patients du groupe « discordants » avaient pour la plupart un RAC modéré. Il est également probable que dans ce contexte de discordance hémodynamique chez un patient asymptomatique, les deux explications probables sont :

– une (ou plusieurs) erreurs de mesure (sous-estimation du diamètre sous-aortique en premier lieu) ;

– des patients de petit gabarit pour lesquels une surface valvulaire aortique à 0,9 cm2 peut correspondre à un RAC modéré [23]. De ce fait, l’utilisation de la surface valvulaire aortique indexée prend toute sa valeur en cas de petit gabarit [48].

Concept de bas débit/bas gradient paradoxal

Le concept de bas débit/bas gradient paradoxal a été proposé pour expliquer certains cas de RAC avec critères hémodynamiques discordants malgré une fraction d’éjection ventricule gauche préservée chez des patients symptomatiques à l’effort. Un RAC avec bas débit/bas gradient paradoxal correspond à une surface aortique inférieure à 1,0 cm2 (ou 0,6 cm2/m2) malgré un gradient de pression moyen inférieur à 40 mmHg, associé à un volume d’éjection systolique indexé inférieur à 35 ml/m2 et une fraction d’éjection ventricule gauche préservée (> 50 %) [11]. Pour expliquer la possibilité d’un bas débit cardiaque malgré une fraction d’éjection préservée, plusieurs études ont fait le lien entre l’altération de la fonction longitudinale du ventricule gauche et la présence d’une fibrose sous-endocardique prédominant sur les segments basaux du ventricule gauche [1], [21]. Cette fibrose myocardique peut être quantifiée par IRM cardiaque (rehaussement tardif après injection de gadolinium) ou authentifiée par biopsie myocardique peropératoire ; elle est irréversible et influence de manière péjorative le pronostic global, y compris en post-opératoire [21]. Ainsi l’explication de la dysfonction systolique ventricule gauche en cas de bas débit paradoxal réside-t-elle dans l’altération de la fonction myocardique longitudinale du ventricule gauche, notamment sur les segments basaux, où prédomine la fibrose myocardique [1], [21], [49].

Évolutivité, facteurs pronostiques

Pic de vitesse transvalvulaire

L’étude de Seattle, première étude prospective basée sur les données de l’écho-Doppler cardiaque, a évalué 123 patients initialement asymptomatiques ayant un RAC modéré à sévère (pic de vitesse transvalvulaire initial  2,5 m/s) [31]. Cette étude a permis de définir la progression annuelle moyenne d’un RAC, soit une perte surface valvulaire de 0,1 α 0,2 cm2 et une augmentation moyenne de 7 α 7 mmHg du gradient moyen et de 0,3 α 0,3 m/s du pic de vitesse transvalvulaire (Vmax) [31]. Après un suivi moyen de 30 mois, 67 patients sont restés asymptomatiques et 56 patients ont présenté un événement indésirable (huit décès dont quatre d’origine cardiaque et 48 remplacements valvulaires). La Vmax à l’entrée dans l’étude était le facteur pronostique le plus puissant : 79 % des patients ayant une Vmax initiale supérieure à 4 m/s ont été opérés ou sont décédés après 2 ans ; à l’opposé, 84 % des patients ayant une Vmax initiale inférieure à 3 m/s sont restés asymptomatiques plus de 2 ans [31]. Le pic de vitesse aortique est donc un paramètre simple et robuste pour la stratification du risque chez les patients asymptomatiques. De plus, une progression annuelle de la Vmax supérieure à 0,3 m/s est également un facteur pronostique indépendant pour la survenue d’événements indésirables [31], [38].

Plusieurs études ont confirmé l’impact pronostique majeur du pic de vitesse transvalvulaire aortique [5], [28], [40]. Dans une étude prospective centrée sur les patients asymptomatiques ayant un RAC très sévère (Vmax initiale > 5,0 m/s), le pic de vitesse initial (valeur seuil : 5,5 m/s) était discriminant pour la survenue d’événements indésirables à moyen terme, contrairement à la surface aortique (valeur seuil : 0,6 cm2) [40]. La comparaison de l’impact pronostique des différents paramètres montre que la Vmax (comme le gradient moyen) est constamment supérieure à la surface valvulaire pour prédire la survenue d’événements indésirables, y compris en présence d’une dysfonction ventricule gauche [5]. Comment expliquer cette hiérarchie dans l’impact pronostique ? Une partie de la réponse réside probablement dans la meilleure reproductibilité des indices Doppler : une seule mesure permet de calculer la Vmax dont la variabilité se situe autour de 3 % [33]. À l’opposé, trois mesures successives (diamètre de l’anneau basal virtuel, ITV sous-aortique et ITV transvalvulaire) sont nécessaires pour calculer la surface par équation de continuité, d’où une variabilité interobservateur de l’ordre de 0,1 à 0,2 cm [2], [33].

Autres facteurs pronostiques

En cas de RAC sévère asymptomatique, en plus du pic de vitesse transvalvulaire, les deux principaux facteurs prédictifs du risque d’événements indésirables sont les résultats de l’ECG d’effort [2], [16], [35] et le degré de calcification valvulaire. Dans une étude prospective sur 128 patients initialement asymptomatiques ayant un RAC sévère (pic de vitesse aortique  4 m/s), le degré de calcification valvulaire estimé visuellement à l’échographie était le seul facteur pronostique indépendant d’événements ultérieurs : le taux de survie sans événement à 5 ans étant de 75 α 9 % en cas de calcification modérée contre 20 α 5 % en présence de calcifications sévères [38]. La valeur pronostique du degré de calcification valvulaire aortique quantifié par scanner cardiaque (score d’Agatston) a été confirmée par ailleurs [15].

Bas débit/bas gradient avec fraction d’éjection ventricule gauche altérée

La définition d’un RAC avec bas débit/bas gradient et fraction d’éjection basse associe : une surface aortique inférieure à 1,0 cm2 malgré un gradient moyen inférieur à 40 mmHg (et/ou une Vmax < 4,0 m/s), une fraction d’éjection ventricule gauche inférieure à 40 % et un index cardiaque inférieur à 3,0 l/min/m2 [29]. Dans ce cas, la diminution du gradient transvalvulaire aortique s’explique facilement par le bas débit cardiaque lié à la fraction d’éjection basse. Dans ce contexte de RAC avec bas débit/bas gradient, le risque opératoire est significativement plus élevé que la moyenne [12]. Dans ce contexte, l’échographie sous faible dose de dobutamine présente deux intérêts : stratification du risque opératoire et évaluation de la réelle sévérité du RAC. Une augmentation de plus de 20 % du volume d’éjection systolique sous dobutamine définit la réserve contractile ventricule gauche, présente dans deux tiers des cas [29]. En cas de réserve contractile, le risque opératoire est acceptable (5 à 10 %) et la plupart des patients tirent un bénéfice significatif de la chirurgie, en termes de survie et d’amélioration fonctionnelle [29]. À l’opposé, l’absence de réserve contractile est un puissant facteur de risque opératoire (mortalité opératoire de 20 à 30 %) mais ne représente pas en soi une contre-indication à la chirurgie, compte tenu du bénéfice post–opératoire chez les survivants [47]. Ajoutons que pour les patients à haut risque opératoire, l’implantation d’une bioprothèse aortique par voie transcathéter pourrait être une alternative valable, bien que non complètement validée dans ce contexte.

Le second intérêt du test à la dobutamine est d’évaluer la réelle sévérité de l’obstacle aortique, une sténose pseudo-sévère étant retrouvée dans 10 à 15 % des cas de bas débit/bas gradient, au second plan derrière une cardiomyopathie ischémique ou primitive [19]. En cas de sténose pseudo-sévère, l’équilibration du traitement médical de première intention peut permettre une amélioration hémodynamique significative avec un pronostic à moyen terme comparable à celui d’une cardiomyopathie dilatée sans valvulopathie significative [19].

Traitement

Il n’existe aucun traitement médical spécifique de la sténose aortique. Le traitement curatif de référence demeure le remplacement valvulaire aortique chirurgical. Les prothèses aortiques transcathéter, de développement plus récent, sont actuellement réservées aux patients jugés inopérables ou à haut risque opératoire après concertation d’une équipe multidisciplinaire médicochirurgicale (heart team) [48].

Échec des statines

Compte tenu des similitudes histologiques et de facteurs de risque communs avec l’athérosclérose, l’hypothèse d’un effet bénéfique des traitements hypolipidémiants sur la progression du RAC a été envi-sagée. Plusieurs études rétrospectives étaient en faveur d’un effet -bénéfique des statines sur la progression du RAC [39], [42]. À l’opposé, les résultats des études prospectives randomisées sont tous négatifs [10], [14], [41]. Pour l’étude SALTIRE, 134 patients (âge moyen = 68 α 10 ans) ont été randomisés (atorvastatine : 80 mg, n = 77 versus placebo, n = 78) et suivis pendant 2 ans [14]. Les résultats sont négatifs : l’atorvastatine n’ayant pas d’effet supérieur au placebo sur la progression du pic de vitesse transvalvulaire ou du score calcique [14]. Deux autres études rando-misées ayant testé l’effet de la rosuvastatine [10] et de l’association simvastatine-ezétimibe [41] sont également négatives. Aucun traitement médical à ce jour n’a démontré un quelconque effet bénéfique sur la progression d’une sténose valvulaire aortique.

Remplacement valvulaire chirurgical

Le remplacement valvulaire aortique chirurgical reste le traitement curatif de référence du RAC. Le risque opératoire moyen d’un remplacement valvulaire aortique isolé varie de 1 à 3 % pour des patients jusqu’à 70 ans et de 4 à 8 % pour des patients plus âgés [7], [22], [44]. Le risque opératoire double en cas de pontages coronaires associés ; il est bien entendu modulé par les facteurs de risque opératoire habituels : âge, classe NYHA, fonction systolique ventriculaire gauche, degré d’urgence, diabète, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire ou maladie neurologique. L’ensemble de ces facteurs est pris en compte par des scores de risque dont l’EuroSCORE et le score STS, dont il est actuellement établi qu’ils surestiment le risque opératoire pour les patients présumés à haut risque [44]. Le choix entre bioprothèse ou prothèse mécanique dépend essentiellement de l’âge et des risques liés à un éventuel traitement anticoagulant au long cours. Les recommandations actuelles sont en faveur de l’implantation d’une bioprothèse après 65 ans en position aortique ou après 70 ans en position mitrale compte tenu d’une dégénérescence plus rapide [48]. À l’opposé, une prothèse mécanique est recommandée avant 60 ans en position aortique ou avant 65 ans en position mitrale [48].

Bioprothèse aortique transcathéter

La première implantation chez l’homme d’une bioprothèse aortique par cathétérisme (TAVI) a été réalisée par Alain Cribier au CHU de Rouen en 2002. Depuis cette date, cette technique a été largement validée par un nombre colossal de publications parmi lesquelles l’étude PARTNER occupe une place primordiale [25], [44]. Le programme PARTNER comporte essentiellement deux études commanditées par la Food and Drugs Administration pour la validation clinique de la prothèse Cribier/Edwards aux États-Unis [25], [44]. L’étude PARTNER-B avait pour but de démontrer la supériorité du TAVI sur un traitement essentiellement médical chez des patients âgés présentant un RAC serré symptomatique et jugés inopérables par une équipe médicochirurgicale [25]. Pour cette étude, 358 patients (âge moyen : 83 α 8 ans, EuroSCORE autour de 30 %, présence d’une aorte « porcelaine » (15 %), d’une irradiation médiastinale (8 %) ou autres comorbidités) ont été randomisés 1/1 entre TAVI par voie fémorale et traitement médical éventuellement associé à la pratique d’une ou plusieurs valvuloplasties aortiques au ballon (84 % des patients) [25]. Les résultats montrent un taux de mortalité à 1 an nettement inférieur dans le groupe TAVI par rapport au groupe conventionnel (30 versus 50 %, p < 0,001) avec une réduction significative du taux d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, au prix d’un taux global d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) significativement plus élevés [25]. Cependant, malgré le taux d’AVC, le pronostic global des patients est nettement amélioré par le TAVI : il suffit d’implanter cinq patients pour éviter un décès à 1 an ; pour le critère combiné décès + hospitalisation pour insuffisance cardiaque, le nombre à implanter est seulement de trois patients [25]. La supériorité du TAVI sur le traitement médical chez les patients inopérables a été confirmée après 2 ans de suivi.

La cohorte PARTNER-A avait pour but de démontrer l’équivalence entre TAVI et remplacement valvulaire aortique chirurgical chez des patients âgés présentant un RAC serré symptomatique, jugés à haut risque opératoire par un staff médico-chirurgical [44]. Dans PARTNER-A, 699 patients (âge moyen autour de 85 ans, Euro-SCORE logistique = 29 α 15 %) ont été randomisés 1/1 entre TAVI (voie fémorale ou transapicale) et chirurgie traditionnelle. Le taux de mortalité globale à 1 an est équivalent dans les deux groupes (TAVI versus chirurgie : 24 versus 27 %, p = 0,44), de même que le taux de réhospitalisation ou le taux combiné de décès + AVC laissant une séquelle neurologique (27 versus 28 %, p = 0,68) [44]. Cette équivalence du TAVI par rapport à la chirurgie chez les patients à haut risque opératoire a été également confirmée à plus long terme (2 ans).

Indications thérapeutiques

Rétrécissement aortique sévère et symptomatique

La médiane de survie en cas de RAC sévère est de 5 ans en présence d’un angor et de respectivement 3 et 2 ans en présence de syncope ou d’insuffisance cardiaque [9]. À l’opposé, la survie à 10 ans des patients après remplacement valvulaire aortique est quasiment celle de la population générale. De ce fait, la présence de symptômes associés à un RAC sévère est une indication opératoire de classe I, en l’absence de contre-indication à la chirurgie [6], [48]. En cas de RAC avec bas débit/bas gradients, l’échographie sous dobutamine permet d’évaluer la réelle sévérité de l’obstacle aortique [17] et participe à la stratification du risque opératoire [29]. Dans ce contexte, les recommandations actuelles modulent donc le niveau de recommandation d’un remplacement valvulaire aortique en fonction de la présence (classe IIa) ou de l’absence de réserve contractile ventricule gauche (classe IIb) [48]. Bien que non indiqué de manière explicite dans les recommandations, le TAVI semble une alternative valable pour les patients ayant un RAC sévère en bas débit/bas gradient avec fraction d’éjection basse pour lesquels l’ensemble du bilan pré–opératoire est en faveur d’un risque chirurgical élevé, voire très élevé [44], [48]. Dans les rares cas de RAC avec bas débit/bas gradient paradoxal (FEVG préservée), les recommandations sont en faveur de la chirurgie après confirmation multiparamétrique de la sévérité du RAC [48]. Les recommandations européennes actuelles d’intervention en cas de RAC sévère symptomatique sont détaillées dans le Tableau S05-P03-C07-II.

Tableau S05-P03-C07-II Indications opératoires en cas de rétrécissement aortique sévère (patients majoritairement symptomatiques).

Classe

La chirurgie est indiquée en cas de RAC sévère associé
à des symptômes clairement liés au RAC

I

La chirurgie est indiquée chez les patients ayant un RAC sévère et devant être opérés de pontages ou autre chirurgie cardiaque

I

La chirurgie doit être envisagée chez les patients ayant un RAC modéré et devant être opérés de pontages ou autre chirurgie cardiaque

IIa

La chirurgie doit être envisagée chez les patients ayant un RAC serré à haut risque opératoire, chez qui un TAVI est envisageable, mais pour lesquels la heart team considère que la chirurgie est
la meilleure option.

IIa

La chirurgie doit être envisagée chez les patients symptomatiques ayant un RAC avec bas débit/bas gradient (< 40 mmHg) malgré une FEVG préservée après confirmation
de la sévérité du RAC

IIa

La chirurgie doit être envisagée chez les patients symptomatiques ayant un RAC sévère avec bas débit/bas gradient et FEVG basse en cas de réserve contractile ventriculaire gauche

IIa

La chirurgie peut être envisagée chez les patients symptomatiques ayant un RAC sévère avec bas débit/bas gradient et FEVG basse en l’absence de réserve contractile ventriculaire gauche

IIb

RAC : rétrécissement aortique calcifié.

(Modifié d’après les recommandations européennes ESC/EACTS 2012 [48].)

Rétrécissement aortique sévère asymptomatique

L’indication opératoire au stade asymptomatique reste une source de débats. Les recommandations européennes et américaines [6], [48] sont en faveur d’une chirurgie précoce au stade asymptomatique en cas de RAC sévère éventuellement associé à l’un des items suivants :

– mauvaise tolérance hémodynamique objectivée par l’ECG d’effort ;

– valve sévèrement calcifiée avec progression annuelle du pic de vitesse transvalvulaire supérieure à 0,3 m/s ;

– rares cas de dysfonction ventricule gauche asymptomatique, définie par une fraction d’éjection inférieure à 50 %.

Les recommandations européennes actuelles d’intervention en cas de RAC sévère asymptomatique sont détaillées dans le Tableau S05-P03-C07-III. Rappelons que la chirurgie précoce n’est pas indiquée en cas de RAC sévère asymptomatique dans le seul but d’une prévention de la mort subite, compte tenu d’un risque global de la chirurgie supérieur (à court et moyen termes) par rapport au risque spontané de mort subite [6], [48].

Tableau S05-P03-C07-III Indications opératoires en cas de rétrécissement aortique sévère asymptomatique.

Classe

La chirurgie est indiquée en cas de RAC sévère asymptomatique avec dysfonction ventricule gauche (FEVG < 50 %) en l’absence d’autre cause

I

La chirurgie est indiquée en cas de RAC sévère asymptomatique en cas de test d’effort anormal démasquant des symptômes clairement liés au RAC

I

La chirurgie doit être envisagée chez les patients asymptomatiques en l’absence de dysfonction ventriculaire gauche et d’anomalie au test d’effort en cas de faible risque opératoire associé à l’un des critères suivants :

 

– RAC critique défini par une Vmax > 5,5 m/s

 

– calcification valvulaire sévère avec progression rapide
de la Vmax  0,2 m/s dans l’année

IIa

La chirurgie peut être envisagée chez les patients asymptomatiques en l’absence de dysfonction ventriculaire gauche et d’anomalie au test d’effort, en cas de faible risque opératoire associé à l’un des critères suivants :

 

– taux élevé de BNP/NT-proBNP plasmatique lors de dosages répétés, sans autre cause

 

– élévation du gradient moyen transvalvulaire > 20 mmHg
à l’échographie d’effort

 

– hypertrophie concentrique ventriculaire gauche sévère
en l’absence d’hypertension

IIb

RAC : rétrécissement aortique calcifié.

(Modifié d’après les recommandations européennes ESC/EACTS 2012 [48].)

Bicuspidie/dilatation de la racine aortique

Une dilatation du culot aortique est fréquente en cas de bicuspidie, liée à une anomalie du tissu aortique probablement d’origine génétique. La mesure des différents diamètres aortiques est importante dans ce cas (Figure S5-P3-C7-3), éventuellement confirmée par scanner ou IRM en cas de difficultés techniques en échocardiographie. Compte tenu du risque de dissection aortique spontanée, le remplacement prophylactique de l’aorte ascendante est recommandé pour tous les patients en cas de diamètre maximal aortique supérieur à 55 mm, indépendamment de la sévérité de l’atteinte valvulaire [48]. Le seuil décisionnel de 55 mm est également valable en cas de bicuspidie chez un homme de gabarit standard ; il doit être ramené à 50 mm en cas de bicuspidie associée à des facteurs de risque de dissection, notamment la présence d’antécédents familiaux de dissection ou mort subite, d’antécédents personnels de coarctation ou hypertension artérielle [48]. En cas de petit gabarit, des seuils plus bas peuvent être considérés.

Grossesse/chirurgie non cardiaque

En cas de RAC sévère chez une femme enceinte, l’hypervolémie liée à la grossesse et l’augmentation de post-charge pendant l’accouchement exposent la patiente au risque de d’œdème pulmonaire. Bien que cette situation soit actuellement rare chez les femmes en âge de procréer, les recommandations actuelles sont en faveur d’un remplacement valvulaire aortique avant de débuter une grossesse, en choisissant de préférence une bioprothèse compte tenu du risque élevé d’accidents thrombo-emboliques et hémorragiques en cas de prothèse mécanique [48]. En cas de RAC sévère chez un patient devant subir une intervention chirurgicale non cardiaque, la décision de remplacement valvulaire est modulée en fonction du risque de l’intervention non cardiaque et du caractère symptomatique éventuel du RAC [48]. En pratique, un remplacement valvulaire préalable à l’intervention non cardiaque est recommandé en cas d’intervention non cardiaque à haut risque ou de RAC symptomatique chez un patient dont le risque pour la chirurgie aortique est acceptable [48]. À l’opposé, en cas de RAC sévère et asymptomatique, une intervention extracardiaque à risque intermédiaire ou faible peut être envisagée [48].

Patient asymptomatique : modalités de surveillance

Lorsqu’une stratégie de surveillance d’un RAC sévère asymptomatique est choisie, le patient doit être éduqué en vue d’une reconnaissance des premiers symptômes (fatigabilité inhabituelle à l’effort, dyspnée modérée) qui doivent l’amener à consulter sans attendre la prochaine consultation programmée. Le niveau d’activité autorisée dépend de la tolérance objectivée lors de l’ECG d’effort et les efforts violents doivent être évités. La fréquence des visites de contrôle doit être planifiée à l’avance avec le patient en fonction du degré de sévérité de la valvulopathie : consultation avec échocardiographie-Doppler semestrielle en cas de RAC sévère, consultation semestrielle et échocardiographie-Doppler annuelle en cas de RAC modéré [48].

Fig_05-03-07_03

Mesure des diamètres de la racine aortique en échocardiographie transthoracique. Incidence para-sternale longitudinale haute, sans zoom, permettant de dégager la plus grande longueur d’aorte ascendante. Les mesures sont prises en diastole (valve fermée) de bord d’attaque à bord d’attaque. (1) sinus de Valsalva ; (2) jonction sinotubulaire ; (3) portion ascendante.

Bibliographie

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Monin JL. Rétrécissement aortique calcifié. Valvulopathies. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2018-S05-P03-C07.