S32
Maladies infectieuses
Chapitre S32-P04-C02
Amœbose
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L’amœbose occupe le deuxième rang des maladies parasitaires les plus meurtrières au monde. Le parasite en cause est Entamœba histolytica. Ce protozoaire est principalement retrouvé chez les voyageurs en zones tropicales ou les migrants originaires de zones d’endémie. Environ 10 % de la population mondiale serait infectée par des amibes parasites du genre Entamœba dont la plus pathogène est Entamœba histolytica. Le tableau clinique est variable allant de la simple colonisation asymptomatique à la colite amibienne ou aux abcès viscéraux potentiellement graves. L’infection peut survenir des mois ou des années après l’exposition au parasite.
Épidémiologie
Ce parasite est cosmopolite, mais reste prédominant dans les zones aux conditions socio-économiques et sanitaires les plus précaires. Dans les pays développés, cette infection parasitaire peut être vue chez les voyageurs ou les migrants en provenance de zones d’endémie. La plupart des infections sont asymptomatiques, mais une forme invasive peut survenir au décours d’une colite amibienne avec des abcès hépatiques, voire une dissémination hématogène à d’autres organes. L’infection peut survenir des mois ou des années après l’exposition à risque et ce diagnostic différentiel doit être recherché dans certaines situations évocatrices. Même si on estime à 500 millions le nombre de personnes infectées à travers le monde, la majorité sont en fait colonisés par E. dispar qui n’est pas pathogène. Environ 40 000 à 100 000 personnes meurent chaque année de cette maladie, ce qui en fait la deuxième cause de décès par infection parasitaire. Les voyageurs vers les zones endémiques sont également à risque. Dans une étude réalisée chez des voyageurs allemands, 0,3 % des 2 700 voyageurs étaient infectés par E. histolytica au retour des tropiques [7]. L’abcès amibien du foie touche principalement les hommes de 18 à 50 ans dans des proportions de 3 à 20 fois plus selon les études [5]. La plupart des individus se contaminent par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par des fæces contenant des kystes d’E. histolytica. D’autres modes de transmissions atypiques ont été rapportés comme les rapports sexuels anaux ou oraux, les lavements digestifs ou la transmission intrafamiliale…
Physiopathologie
Le genre Entamœba contient de nombreuses espèces dont six d’entre elles vivant dans la lumière intestinale de l’homme (E. histolytica, E. dispar, E. moshkovskii, Entamœba polecki, E. coli et E. hartmanni) [1]. L’amœbose est causée par un protozoaire, Entamœba histolytica, seule amibe pathogène pour l’homme dont on distingue trois formes : le kyste, résistant dans le milieu extérieur, permet la dissémination du parasite (ingestion par l’intermédiaire d’eau ou d’aliments souillés) ; la forme végétative non pathogène, Entamœba histolytica minuta, qui vit en saprophyte dans le tube digestif et peut être éliminée sous cette forme dans les selles, s’enkyster ou se transformer en forme invasive hématophage ; et la forme végétative invasive, Entamœba histolytica histolytica, hématophage et histolytique responsable de l’amœbose maladie (Figures S32-P04-C02-1 et S32-P04-C02-2).
Clinique
Colite amibienne
L’infection invasive intestinale peut survenir des jours ou des années après l’infection initiale et est caractérisée par des douleurs abdominales et une diarrhée sanglante. Une diarrhée aqueuse, glaireuse, une constipation, un ténesme peuvent également se voir. Le côlon droit est le plus souvent atteint. La fièvre est en général absente sauf dans les formes très sévères.
La colite nécrosante fulminante extensive, la forme la plus sévère, est le plus souvent fatale. Ces formes sévères touchent le plus souvent les patients les plus jeunes, les personnes âgées, dénutries, enceintes et celles recevant des corticoïdes. Les personnes séropositives pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) sont également plus à risque. Les complications de la forme intestinale comprennent les sténoses, la fistule rectovaginale, la formation d’une masse pseudo-tumorale intra-intestinale (amœbome), l’occlusion, l’ulcération anale, le mégacôlon toxique, la perforation intestinale, la péritonite, le choc et le décès.
Amœbose extra-intestinale
Les formes extra-intestinales sont beaucoup moins fréquentes. La dissémination hématogène peut être à l’origine d’atteintes d’autres organes. Le plus fréquemment touché est le foie par l’intermédiaire du passage dans la veine porte. Cette forme peut survenir des années après exposition ou à la faveur d’une immunodépression. Les abcès sont souvent uniques et situés préférentiellement dans le lobe droit. Le tableau clinique comprend le plus souvent une hépatomégalie douloureuse en contexte de fièvre. La cholestase biologique est classique avec polynucléose neutrophile et syndrome inflammatoire marqué. Les complications incluent les surinfections bactériennes, fistules dans les cavités péritonéales, pleurales et péricardiques, thrombose veineuse, choc septique et décès.
La survenue de localisations emboliques à partir du foie est très rare : dissémination au cerveau, rate, poumons et tractus génito-urinaire. Les abcès cérébraux sont exceptionnels et, dans ce cas, associés à une mortalité élevée. Les amœboses coliques ne sont pas habituellement associées à ces formes extra-intestinales (Figures S32-P04-C02-3 et S32-P04-C02-4).
Diagnostic
Le diagnostic d’amœbose invasive est habituellement évoqué sur le tableau clinique et l’exposition du patient, les examens radiologiques mais surtout par les résultats microbiologiques. De nombreux tests en laboratoire existent pour l’identification d’E. histolytica, E. dispar et/ou E. moshkovskii avec des sensibilités et spécificités différentes. Les premiers examens comprennent souvent un examen parasitologique des selles fraîches 3 jours de suite à la recherche de trophozoïtes et de kystes, mais l’examen microscopique ne permet pas de différencier E. histolytica d’E. dispar. L’identification est alors possible par des biopsies d’organes atteints, la sérologie, la détection d’antigène et la biologie moléculaire. La culture est possible mais longue et difficile techniquement. La sérologie est un examen utile en zones non endémiques ayant une bonne sensibilité et spécificité pour diagnostiquer les formes invasives intestinales ou hépatiques. La sérologie peut mettre 7 à 10 jours à se positiver dans le sang. La détection d’antigène dans les selles, le sérum ou le liquide de ponction d’abcès est un examen sensible et rapide permettant d’identifier E. histolytica en quelques heures.
Les meilleures sensibilités et spécificités sont apportées par la biologie moléculaire, mais son utilisation reste encore limitée en pratique courante. Dans les formes coliques pures, en cas d’examens parasitologiques des selles négatives, la rectoscopie peut révéler des ulcérations muqueuses en « coups d’ongles » et la biopsie permettre de retrouver E. histolytica au sein des tissus (Tableau S32-P04-C02-I).
Test | Colitis | Abcés du foie |
---|---|---|
Microscopie – Selles – Liquide de l’abcés | 25-60 % NA | 10-40 % ≤ 20 % |
Détection d’antigène – Selles – Sérum – Liquide de l’abcés | 90-40 % 65 % (early) NA | ~ 40 % ~ 100 % (avant ~ 40 % |
Hémagglutination indirecte (anticorps) – Sérum obtenu durant le stade aigu de la maladie – Sérum obtenu durant la convalescence | 70 % 90 % | 70-80 % > 90 % |
Traitement et perspectives thérapeutiques
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande de traiter toutes les amœboses prouvées à E. histolytica, quels que soient les symptômes. Le traitement médical varie selon le tableau clinique. En revanche, les infections à E. dispar et E. moshkovskii ne nécessitent pas de traitement.
Amœbose infestation
En cas de présence dans les selles d’E. histolytica sous forme minuta ou de kystes, en dehors des régions d’endémie (pas de risque de recontamination), il est proposé un traitement par un amœbicide de contact non absorbable. On peut proposer l’association tiliquinol-tibroquinol (Intetrix®), 2 gélules matin et soir pendant 10 jours. Le médicament le plus efficace dans cette indication, mais non disponible en France, est la paromomycine à la dose de 500 mg trois fois par jour par voie orale. Ces traitements permettent d’éliminer le parasite de la lumière intestinale et de prévenir l’invasion tissulaire.
La chirurgie peut être nécessaire en cas de perforation, abcès, occlusion, sténose colique ou mégacôlon toxique.
Amœbose colique
Le traitement repose sur un amœbicide avec bonne diffusion dans les tissus de la classe des nitro-imidazolés. Le plus utilisé est le métronidazole à la posologie de 30 mg/kg/j chez l’enfant, 1,5 à 2 g/j chez l’adulte pour une durée de traitement de 7 jours.
Le traitement doit être complété par un amœbicide de contact pour éviter les rechutes possibles dans les mois ou années suivantes dans la mesure où le métronidazole pénètre peu dans la lumière intestinale. En cas d’amœbose colique maligne, le traitement doit associer réanimation, chirurgie et antibiothérapie à large spectre incluant le métronidazole pour son action amœbicide et sur les anaérobies.
Amœbose hépatique
Le traitement repose également sur un amœbicide avec bonne diffusion tissulaire comme le métronidazole à la même posologie que dans l’amœbose colique pour une durée de 10 à 14 jours. Le traitement doit là aussi être complété par un amœbicide de contact pour éviter les rechutes possibles dans les mois ou années suivantes.
La ponction-drainage sous échographie de l’abcès n’est pas nécessaire dans la majorité des cas, mais se justifie : pour évacuer un abcès volumineux, proche de la capsule hépatique et qui risque de se rompre ; pour éliminer un abcès à pyogène ; à visée antalgique ; en cas d’évolution non favorable sous traitement spécifique présomptif.
Il faut noter que les lésions échographiques se normalisent très lentement (85 % après 12 mois) et que l’échographie abdominale n’apporte pas de bons critères de guérison dans le cadre du suivi. Des images cicatricielles kystiques sont possibles sur l’échographie. Les rechutes surviennent dans environ 5 % des cas.
Autres localisations extra-intestinales
En raison de du caractère exceptionnel de ces localisations, il n’y a pas de recommandations pour le traitement de ces formes cliniques.
Prophylaxie
La prévention passe par le respect de l’hygiène de l’alimentation en milieu d’endémie : lavage des mains fréquent et avant les repas, privilégier les plats cuits, éviter les crudités, peler les fruits, boire de l’eau en bouteille. Il n’existe à l’heure actuelle ni chimioprophylaxie, ni vaccin.
Perspectives
Il a été rapporté que deux personnes différentes infectées avec la même souche d’E. histolytica pouvaient présenter des tableaux cliniques complètement différents. Des études chez la souris ont permis de retrouver des gènes candidats (codant interleukin-1, iNOS, COX-2, TNF-α et interferon γ) expliquant une susceptibilité différente à ce parasite. Des études de polymorphismes génétiques pourraient donc être réalisées chez certains patients en cas de formes sévères ou atypiques.
La caractérisation génotypique de différentes souches amibiennes à travers le monde pourrait également permettre d’établir si certaines souches particulières sont plus associées à des colites amibiennes, des abcès hépatiques ou une simple colonisation. Le génome complet du parasite permettrait en outre de rechercher d’autres gènes codant des facteurs de virulence.
Bibliographie