S03 Médecine interne

S03 Médecine interne

S03

Médecine interne

 

Loïc Guillevin

Coordonnateur

Professeur des Universités, Praticien hospitalier, service de Médecine interne, hôpital Cochin, Paris

Le système immunitaire est un système biologique constitué d’un ensemble coordonné d’éléments de reconnaissance et de défense qui protègent l’organisme des agressions infectieuses et des proliférations malignes. Il existe deux grands types de mécanismes de défense : les mécanismes de défense non spécifiques ou innés, et les mécanismes de défense spécifiques ou acquis, mettant en jeu les lymphocytes.

Loin d’être exhaustif, ce chapitre vise à mettre en place les principes fondamentaux de fonctionnement du système immunitaire normal, qui permettront de comprendre la physiopathologie de maladies auto-immunes et/ou inflammatoires chroniques.

L’immunité innée est la première ligne de protection contre les agressions extérieures. Elle est non spécifique, rapidement mise en place et transitoire.

Les revêtements cutanéomuqueux, grâce aux épithéliums de surface de la peau, des muqueuses digestives, respiratoires ou génitales, constituent une première barrière de défense contre les infections. Cette barrière est triple, à la fois mécanique, chimique et microbiologique. Mécaniquement, les cellules épithéliales sont réunies par des jonctions dites serrées, et leur surface est littéralement balayée par l’air ou les liquides en contact avec les épithéliums. Chimiquement, les cellules des muqueuses produisent des enzymes et/ou des peptides qui participent à la défense antimicrobienne : lysozyme (salive, sueurs, larmes), pepsine (tube digestif), peptides antibactériens (défensines au niveau de l’intestin).

Prototype des maladies auto-immunes non spécifiques d’organe, le lupus érythémateux systémique (LES) est une connectivite fréquente, d’expression clinique très variable, allant de formes cliniques bénignes à certaines formes spontanément très sévères. Son évolution est marquée par la survenue de poussées et de rémissions successives. Cette affection est caractérisée par la production d’anticorps dirigés contre le noyau des cellules et plus particulièrement par la production d’anticorps anti-ADN double brin (ou anti-ADN natif). Il s’associe parfois à une biologie antiphospholipides, voire à un syndrome des antiphospholipides défini par l’association de thromboses récidivantes ou de manifestations obstétricales et d’anticorps antiphospholipides.

La prévalence du LES est estimée entre 50 et 250 cas pour 100 000 habitants, plus élevée dans certains groupes ethniques, notamment chez les Asiatiques et les Afro-Américains. Le lupus touche principalement les femmes jeunes, avec une prédominance entre 20 et 40 ans et neuf femmes atteintes pour un homme à cette période. Cette prédominance féminine est moins marquée chez les enfants et les personnes plus âgées. Une étude française récente ayant utilisé des données de l’assurance maladie retrouve une prévalence moyenne de 47 cas pour 100 000 habitants, et une incidence de 3,32 cas pour 100 000 habitants. De grandes disparités étaient retrouvées selon les régions avec une prévalence maximale aux Antilles (126,7 cas pour 100 000 habitants) et minimale dans les régions du nord-ouest de la métropole (29,6 cas pour 100 000 habitants). Au total, on estime, en France, à 25 000, le nombre de patients ayant un LES.

Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est défini par l’association de manifestations thrombo-emboliques et/ou obstétricales et d’anticorps antiphospholipides détectables sur au moins deux prélèvements espacés de plus de 12 semaines (conférence de consensus de Sydney de 2005). Ces auto-anticorps sont les anticoagulants circulants lupiques (ACC ou LA pour lupus anticoagulant), les anticorps anticardiolipine (aCL) et les anticorps anti-β2-glycoprotéine de type I (anti-β2-GPI). Le SAPL constitue la première cause de thrombophilie acquise.

 

L’appellation « connectivite mixte » (mixed connective tissue disease ou MCTD) a été initialement proposée par Sharp en 1972 : cette affection regroupe en proportion variable des signes de lupus érythémateux systémique (LES), de sclérodermie systémique, de dermato-polymyosite et de polyarthrite rhumatoïde ; elle est associée à une variété particulière d’auto-anticorps, anti-U1RNP.

Il existe quatre principaux systèmes de critères diagnostiques : les critères de Sharp, de Kusakawa, de Kahn et d’Alarcon-Segovia. Jusqu’à présent, les différentes études ont indiqué des résultats similaires pour ces critères, en termes de sensibilité et de spécificité, mais une étude récente a indiqué une sensibilité supérieure pour les critères de Kasukawa par rapport à ceux proposés par Alarcon-Segovia et Sharp.

L’hétérogénéité et la faible sensibilité de ces critères s’expliquent par le débat, toujours d’actualité, cherchant à classer la MCTD soit comme une entité propre, soit comme un syndrome de chevauchement entre plusieurs connectivités, synchrones chez un même patient. De plus, le diagnostic de plus en plus précoce des connectivités a donné naissance au concept des UCTD (undifferentiated connective tissue disease), qui ne répondent ni aux critères de classification des connectivités caractérisées, ni aux critères de MCTD.

La sclérodermie systémique (ScS) est une maladie systémique rare, associant des anomalies microcirculatoires responsables de phénomènes de vasoconstriction et de remodelage, une accumulation de collagène aboutissant à une fibrose de divers organes (peau, poumon, tube digestif…) et une composante auto-immune avec l’identification d’auto-anticorps.

La prévalence de la ScS varie de 3 à 24 cas pour 100 000 habitants avec des maxima observés aux États-Unis et en Australie. Son incidence est également variable, comprise entre 0,4 et 2 cas pour 100 000 habitants/an. La ScS touche 3 à 8 femmes pour un homme et débute rarement avant l’âge de 20 ans ; on observe un pic de fréquence entre 45 et 60 ans.

Certains facteurs environnementaux et professionnels contribuent à augmenter le risque de développer une ScS. Parmi ces derniers, le rôle de la silice cristalline est communément admis, et la documentation d’une exposition à la silice autorise une reconnaissance de la ScS au titre de maladie professionnelle (Tableau 25 bis). Les études cas-témoins récentes sont en faveur de la responsabilité d’autres toxiques, en particulier les solvants organiques.

Le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS), ou syndrome de Sjö-gren, est une maladie auto-immune caractérisée par une infiltration lymphoïde des glandes exocrines, en particulier salivaires et lacrymales entraînant une sécheresse buccale (xérostomie) et oculaire (xérophtalmie). Si la maladie est le plus souvent bénigne, environ 50 % des patients présenteront au cours de leur maladie des complications systémiques. La physiopathologie du SGS, comme c’est le cas pour de nombreuses maladies auto-immunes, est multifactorielle. Elle fait peut-être intervenir des facteurs environnementaux sur un terrain génétique prédisposant au développement de l’immunité. La cellule épithéliale salivaire est au cœur de la réponse immune pathologique, et l’hyperactivation B chronique est l’une des caractéristiques de cette maladie. Le SGS primitif est d’ailleurs la maladie auto-immune pour laquelle le risque de survenue d’un lymphome B est le plus élevé.

Le SGS peut être primitif ou associé à une autre maladie systémique (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux systémique, myopathies inflammatoires ou sclérodermie). De plus, le SGS peut s’associer à d’autres maladies auto-immunes spécifiques d’organes, principalement les thyroïdites auto-immunes et la cirrhose biliaire primitive.

Au fil des décennies, les classifications des vascularites se sont succédé, chacune améliorant la précédente. Quelques classifications anciennes ont laissé place à un système plus compréhensible intégrant la clinique, l’histologie et la pathogénie. Les vascularites sont hétérogène, comprenant des angéites non nécrosantes, comme la maladie de Takayasu et l’artérite à cellules géantes, et des angéites nécrosantes comme la périartérite noueuse (PAN), la maladie de Kawasaki, la granulomatose avec polyangéite (Wegener) (GPA), la vascularites à IgA ou la granulomatose éosinophilique avec polyangéite (Churg-Strauss) (GEPA). Classer les maladies a une finalité clinique, pathogénique et thérapeutique. La meilleure compréhension des mécanismes pathogéniques est aussi susceptible de conduire à des traitements distincts, adaptés et efficaces.

La périartérite noueuse (PAN) est une vascularite nécrosante touchant les artères de moyen calibre. Elle fut décrite en 1866 par Küssmaul et Maier. C’est la seule vascularite systémique dont une cause a pu être identifiée, puisqu’un certain nombre de cas sont liés au virus de l’hépatite B (PAN-VHB). Depuis les campagnes de dépistage et de vaccination contre le VHB en France, les cas de PAN sont devenus de plus en plus rares. Nous aborderons ici les principales manifestations cliniques ainsi que la pathogénie, l’évolution et le traitement de la PAN, qu’elle soit ou non liée à une infection.

La granulomatose éosinophilique avec polyangéite (Churg-Strauss) (GEPA) est une vascularite systémique rare, décrite par Churg et Strauss, caractérisée par la présence d’un asthme sévère, d’une éosinophilie, d’une infiltration éosinophilique des tissus et de manifestations extrapulmonaires. L’histologie est celle d’une vascularite nécrosante des vaisseaux de petits et de moyen calibre, une infiltration tissulaire par des éosinophiles et la présence de granulome pariétal et périvasculaire. Le diagnostic est largement fondé sur les caractéristiques cliniques et sur des critères de classification. La GEPA est souvent révélée par des manifestations cliniques pulmonaires et extrapulmonaires. Une éosinophilie est présente, parfois importante. L’asthme est préexistant ou contemporain de la vascularite. Des anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), antimyéloperoxydase (MPO) sont présents chez moins de 40 % des patients. Le caractère hétérogène de la GEPA est probable et au moins deux phénotypes ont été décrits. Par commodité, nous regrouperons les diverses formes de la maladie sous le terme de GEPA mais il n’est pas exclu que cette maladie, ou plutôt ce syndrome, soit démembré dans les années qui viennent.

La granulomatose avec polyangéite (Maladie de Wegener) (GPA) associe une inflammation vasculaire des vaisseaux de petit calibre (vascularite) et une granulomatose vasculaire et extravasculaire. Sur le plan clinique, elle se caractérise, dans sa forme complète, par des manifestations systémiques, fièvre, altération de l’état général, arthralgies, myalgies et des signes ORL, une atteinte pulmonaire vasculaire et/ou granulomateuse et une atteinte rénale glomérulaire. D’autres manifestations systémiques de vascularite peuvent également être présentes. La maladie est associée dans la plupart des cas à la présence d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), majoritairement antiprotéinase 3 (anti-PR3). La GPA est une maladie grave, mortelle en l’absence de traitement. Toutefois la thérapeutique actuelle permet de contrôler l’évolution et d’obtenir des rémissions prolongées dans la plupart des cas, même si les rechutes restent fréquentes.

La maladie de Kawasaki est une vascularite systémique aiguë des artères de petit et moyen calibre, d’étiologie inconnue et de début brutal, qui atteint préférentiellement les patients âgés de 6 mois à 5 ans et exceptionnellement les adultes. Elle a été décrite pour la première fois en 1967 par le pédiatre japonais Tomisaku Kawasaki. La présentation typique associe une fièvre de plus de 5 jours et des anomalies cutanéomuqueuses.

La maladie de Kawasaki est particulièrement fréquente au Japon, où l’incidence est comprise entre 112 et 223 pour 100 000 enfants âgés de moins de 5 ans, comparativement aux États-Unis, où elle est d’environ 20 pour 100 000 enfants âgés de moins de 5 ans. L’incidence est 2,5 fois plus élevée chez les patients d’origine asiatique que chez les patients d’origine caucasienne, ce qui suggère une prédisposition génétique. La maladie est endémique dans les pays de l’hémi-sphère Nord avec des pics d’incidence d’allure épidémique ainsi qu’une recrudescence hivernale des cas, suggérant une composante infectieuse qui n’a pas encore été identifiée à ce jour.

La vascularite à IgA, purpura rhumatoïde, ou purpura de Schönlein-Henoch, est une vascularite systémique des vaisseaux de petit calibre en rapport avec des dépôts immuns prédominants d’immunoglobulines A (IgA). C’est cette définition qui a été retenue en 1994 à Chapel Hill à propos de la classification des angéites dont la vascularite à IgA : la présence de dépôts d’IgA est alors exigée dans les vaisseaux de petit calibre de la peau, l’intestin ou de rein (glomérule). Elle est caractérisée par l’association de signes cutanés, articulaires et gastro-intestinaux, qui peuvent survenir par poussées successives. Une atteinte rénale s’associe parfois à ces signes. La fréquence de cette atteinte est extrêmement variable selon les séries. Plus rarement, d’autres organes tels que le poumon, le cœur ou le système nerveux peuvent être concernés. Le pronostic de la maladie à court terme dépend de la sévérité de l’atteinte digestive mais, à long terme, elle est tributaire de l’atteinte rénale. Là aussi, le pronostic reste controversé malgré des publications récentes de séries pédiatrique et adulte montrant l’existence d’une insuffisance rénale chronique, évolutive parfois plus de 10 ans après la première poussée.

La polyangéite microscopique est une vascularite nécrosante systémique, associée aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), qui atteint les vaisseaux de petit calibre. Certaines manifestations cliniques comme la glomérulonéphrite, les hémorragies alvéolaires et la positivité des ANCA, majoritairement de type anti-MPO (myéloperoxydase), sont les principales caractéristiques de la maladie. Nous les décrirons ici, de même que la prise en charge thérapeutique, son évolution et son pronostic.

L’artérite de Takayasu est une artérite inflammatoire chronique d’étiologie inconnue affectant de façon segmentaire l’aorte et ses branches principales ainsi que les artères pulmonaires, artères dites de gros calibre.

Mikito Takayasu, qui était un ophtalmologiste, rapporta en 1905 le cas d’une femme de 21 ans ayant des anastomoses artérioveineuse papillaires en couronne au fond d’œil. En 1939, Okabayashi décrivit pour la première fois le tableau d’artérite de l’aorte et des artères issues de la crosse aortique après l’autopsie d’une femme de 28 ans décédée d’insuffisance cardiaque présentant une absence de pouls carotidiens et des membres supérieurs associée à des anastomoses artérioveineuses papillaires en couronne au fond d’œil. La localisation des lésions aux troncs supra-aortiques a initialement conduit à une appellation topographique de la maladie : syndrome de l’arche aortique ou maladie des femmes sans pouls. En 1951, Shimizui et Sano publièrent en anglais la description de la panartérite aortique ce qui contribua à sa diffusion en dehors du Japon. Dès 1953, Ross et McKusick colligeaient plus d’une centaine de cas de « syndrome de l’arche aortique ». En 1975, en hommage à l’auteur de la première description de la maladie, le terme d’artérite de Takayasu était consacré pour la description de cette panartérite aortique non spécifique, bien qu’il semble que des cas de la maladie aient été décrits antérieurement à Takayasu par Rokushu Yamamoto en 1830.

L’artérite à cellules géantes (ACG) ou maladie de Horton est une panartérite giganto-cellulaire segmentaire et focale non nécrosante qui touche les vaisseaux de gros calibre et en particulier ceux à destinée céphalique (aorte, troncs brachiocéphaliques, artères carotides externes mais aussi artères vertébrales…). Elle doit être distinguée des vascularites nécrosantes, en particulier des vascularites associées aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) qui peuvent se localiser à l’artère temporale, avec une sémiologie céphalique identique à celle de l’ACG.

La pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR) est un rhumatisme inflammatoire des ceintures (épaules et hanches) qui peut se présenter isolément ou en association avec l’ACG. Ainsi près de 50 % des patients ayant une ACG présentent-ils des symptômes de PPR, ce qui conduit à discuter les liens physiopathologiques entre ces deux entités bien que le passage d’une PPR vers une authentique ACG soit très rare.

Les cryoglobulinémies sont définies par la présence persistante, dans le sérum, d’immunoglobulines (Ig) qui précipitent au froid et se resolubilisent lors du réchauffement. Cette définition permet de distinguer les cryoglobulinémies des autres cryoprotéines, cryofibrinogènes notamment.

Afin d’éviter la formation prématurée du cryoprécipité, le prélèvement sanguin doit être acheminé à 37 °C jusqu’au laboratoire où la centrifugation est effectuée à 37 °C. Une fois centrifugé, le sérum est conservé au froid à 4 °C pour une durée de 8 jours. Après dissolution par réchauffement, le cryoprécipité est purifié, et son contenu séparé par électrophorèse puis typé par immuno-électrophorèse, permettant une classification clinico-biologique qui oriente l’enquête étiologique. Les techniques plus sensibles comme l’immunofixation ou l’immuno-empreinte (Western-blot) permettent un dosage pondéral des immunoglobulines du précipité et mettent parfois en évidence des cryoglobulines oligoclonales. Le cryoprécipité peut aussi être quantifié en cryocrite après centrifugation à froid du sérum dans un tube à hématocrite. La température maximale de cryoprécipitation peut varier de 11 à 37 °C, sans corrélation avec l’intensité des manifestations cliniques. Le taux de cryoglobulinémie varie chez un même sujet. Il n’y a pas de parallélisme entre l’importance des signes cliniques et la quantité de cryoglobuline présente dans le sérum, même si, en moyenne, les patients symptomatiques ont des taux plus élevés que les patients non symptomatiques.

La maladie de Behçet est une vascularite décrite en 1937 par Hulusi Behçet, dermatologue turc. Elle comportait initialement une triade associant aphtose buccale, aphtose génitale et uvéite. Depuis, la symptomatologie s’est enrichi de multiples localisations viscérales : neurologiques, vasculaires, articulaires, digestives et exceptionnellement rénales. Observée avec prédilection dans les pays du bassin méditerranéen et au Japon, elle est en fait ubiquitaire et les cas français autochtones sont fréquents en faisant une des vascularite les plus rencontrées, bien que sous-estimée. Les critères de classification internationaux en ont standardisé le diagnostic clinique. Il reste cependant une importante hétérogénéité entre les études à cet égard. Malgré cela, il faut tendre vers une harmonisation et les nouveaux critères internationaux de la maladie de Behçet peuvent laisser espérer une universalisation des outils de classification.

La polychondrite chronique atrophiante (PCA) est une connectivite rare caractérisée par une inflammation récidivante, parfois suivie de dégénérescence et de déformation des cartilages de l’oreille, du nez, du larynx et de l’arbre trachéobronchique. Les autres atteintes fréquentes, comme les arthrites, l’inflammation oculaire, l’atteinte audiovestibulaire, l’atteinte cutanée, l’insuffisance valvulaire et les vascularites systémiques associées pouvant atteindre les vaisseaux de tout calibre, permettent de la classer au sein des maladies systémiques.

Le syndrome de Cogan est un syndrome systémique rare, qui touche surtout l’adulte jeune et dont l’étiologie reste encore inconnue, même si des travaux récents apportent des arguments en faveur de sa nature auto-immune. C’est à l’ophtalmologiste David G. Cogan que revient le mérite d’avoir décrit, en 1945, à partir de quatre observations, cette entité qui associe une kératite interstitielle non syphilitique et une atteinte audiovestibulaire. Chez bon nombre de malades, la symptomatologie ne se résume pas à une atteinte de l’œil et de l’oreille, et le tableau clinique peut être celui d’une vascularite systémique intéressant le plus souvent les artères de gros calibre.

La maladie de Still de l’adulte est définie chez les personnes âgées de plus de 16 ans par l’association de quatre éléments clinico-biologiques cardinaux : fièvre marquée, éruption cutanée évanescente, arthralgies ou arthrites et hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles en l’absence de facteur rhumatoïde ou d’anticorps antinucléaires.

À ces manifestations peuvent s’associer de façon variable des éléments tels qu’un mal de gorge, des myalgies, une hépatopathie, des adénopathies, une splénomégalie, une péricardite, une pleurésie, des infiltrats pulmonaires, des douleurs abdominales ou d’autres signes plus rares.

L’exclusion d’un processus infectieux, d’une néoplasie ou d’une hémopathie maligne et de toute autre maladie inflammatoire est nécessaire avant de retenir ce diagnostic.

La fasciite avec éosinophilie, également dénommée fasciite à éosinophiles ou syndrome de Shulman, est une maladie rare dont les deux premiers cas ont été décrits par Lauwrence E. Shulman en 1974. Il s’agissait de deux hommes ayant développé, après des efforts physiques inhabituels, une induration des tissus sous-cutanés des membres et une limitation des mobilités articulaires. Il n’était constaté ni phénomène de Raynaud, ni manifestations systémiques. Les explorations biologiques révélaient une éosinophilie importante, une hypergammaglobulinémie polyclonale et une élévation de la vitesse de sédimentation, sans marqueurs d’auto-immunité. La biopsie cutanée profonde allant jusqu’au muscle révélait un épaississement important du fascia, siège d’un infiltrat inflammatoire lymphoplasmocytaire.

Depuis cette publication princeps, environ 300 cas ont été rapportés et ont permis de mieux caractériser la fasciite avec éosinophilie. Enfin, il importe de signaler qu’actuellement un grand nombre d’auteurs considèrent cette maladie comme appartenant au cadre des scléro-dermies localisées (morphées).

Les fibroses systémiques sont caractérisées par une signature histologique commune (manchon fibro-inflammatoire) en situations anatomiques diverses. La fibrose systémique peut être locorégionale, et intéresser alors un seul organe, ou être multifocale. Dans les formes locorégionales (rétropéritonéale, médiastinale ou mésentérique), le manchon fibreux entoure typiquement l’aorte et/ou les grosses branches de division de l’aorte, suggérant ainsi qu’une atteinte inflammatoire péri-aortique puisse être le primum movens de la fibrose. L’atteinte vasculaire ne peut toutefois pas rendre compte de l’observation de fibrose multifocale, associant de façon variable chez un même patient fibrose médiastinale, mésentérique et cervicale. Ces formes multifocales font aujourd’hui partie du spectre nosologique de la maladie associée aux IgG4. Dans ce chapitre seront développées successivement les fibroses rétropéritonéale, mésentérique, médiastinale et cervicocéphalique.

La sarcoïdose est une maladie systémique de cause inconnue, caractérisée par la formation de granulomes tuberculoïdes dans les organes atteints, avec une prédilection pour le poumon et le système lymphatique.

La présentation de la sarcoïdose est très diverse, avec quelques présentations fréquentes et typiques et d’autres plus rares et peu spécifiques, à l’origine de retards diagnostiques. La sarcoïdose donne une atteinte thoracique ganglionnaire hilaire bilatérale et médiastinale et pulmonaire dans 85-95 % des cas. Une atteinte extrapulmonaire est cliniquement décelable dans 30-70 % des cas. Certaines présentations cliniques sont particulièrement typiques : l’association d’adénopathies intrathoraciques hilaires bilatérales à un érythème noueux (syndrome de Löfgren), à une uvéite ou à une latence clinique. La maladie est le plus souvent bénigne, avec une résolution spontanée dans la moitié des cas. Certaines manifestations viscérales peuvent être sévères et entraîner une perte d’espérance de vie et une perte de qualité de vie.

Le granulome tuberculoïde est une lésion définie histologiquement par la présence de cellules géantes et de cellules épithélioïdes.

Nous considérerons qu’une granulomatose est systémique si elle concerne de multiples organes ou si elle s’accompagne de signes généraux et d’un syndrome inflammatoire. Le diagnostic étiologique d’une granulomatose est fréquemment discuté en pratique médicale. Les causes, extrêmement nombreuses, restent dominées en France par la tuberculose et la sarcoïdose.

Tropheryma whipplei

La maladie de Whipple est une infection bactérienne chronique, systémique et curable, due à Tropheryma whipplei. Dès sa description en 1907, Whipple mentionne l’existence de structures en forme de bâtonnet dans des vacuoles au sein des macrophages. À partir de 1949, la coloration des tissus infectés par l’acide périodique de Schiff (PAS) permit de révéler des inclusions à l’intérieur des macrophages, compatibles avec des structures bactériennes ou leurs produits de dégradation. Dès 1952, l’antibiothérapie fut reconnue capable d’améliorer rapidement les symptômes et les anomalies biologiques. Enfin, en 1961, la microscopie électronique confirma la présence d’une espèce bactérienne intracellulaire, à Gram positif, dans le cytoplasme des macrophages. Le bacille est visible sous forme de bâtonnet et possède une paroi trilamellaire caractéristique, responsable de l’affinité au PAS.

La maladie de Gaucher est la plus fréquente des maladies lysosomiales. Elle est aussi la première à avoir pu bénéficier d’un traitement spécifique par enzymothérapie substitutive. Il s’agit d’une maladie de surcharge caractérisée par l’accumulation d’un glycolipide, le glucosylcéramide (ou glucocérébroside), liée à une activité enzymatique déficitaire de la glucocérébrosidase, (ou β-glucosidase acide, EC3.2.1.45), une enzyme lysosomiale codée par le gène GBA1. La transmission de la maladie de Gaucher est autosomique récessive. Dans des cas très exceptionnels, le déficit intéresse la saposine C, co-facteur de la β-glucosidase acide. La surcharge des macrophages en glucosylcéramide est à l’origine des principales manifestations de la maladie, entraînant une hépatomégalie, une splénomégalie responsable d’une anémie et d’une thrombo-pénie, et une atteinte osseuse. L’expression de la maladie est cependant très variable et dépend du degré d’instabilité et d’activité résiduelle de l’enzyme mutée. Dans les formes les plus sévères, il existe une atteinte du système nerveux central. On distingue schématiquement trois phénotypes :

– la maladie de Gaucher de type 1, de loin la plus fréquente, se définit par l’absence d’atteinte neurologique primitive ;

Le terme de maladie associée aux immunoglobulines G4 (MAG-4) est d’introduction très récente. Il correspond à la traduction de la terminologie anglo-saxonne IgG4-related disease retenue lors du premier symposium international sur cette maladie, en octobre 2011. Il doit permettre d’éviter la confusion, liée aux nombreuses dénominations différentes de cette maladie, utilisées ces dernières années dans la littérature médicale. À côté de ce terme général qui englobe les différentes manifestations de la maladie, il a été proposé de renommer les différentes atteintes d’organes en y associant le suffixe « associé(e) aux IgG4 ». De nombreux syndromes correspondant à des manifestations de la maladie associée aux IgG4 ont été ainsi renommés. Par exemple, le syndrome de Mikulicz devient la sialadénite et/ou la dacryo-adénite associée aux IgG4 et la pancréatite sclérosante ou auto-immune de type 1 devient la pancréatite associée aux IgG4. La maladie associée aux IgG4 recouvre ainsi différentes atteintes d’organes, souvent associées chez un même patient, qui ont en commun des caractéristiques cliniques, biologiques et histologiques particulières. Elle touche plus volontiers les hommes et a un profil évolutif chronique marqué par des rechutes fréquentes. L’évolution fibrosante peut être responsable de séquelles. Sa physiopathologie reste encore largement méconnue. Le traitement de première ligne repose actuellement sur la corticothérapie. La fréquence élevée des rechutes et l’existence de formes réfractaires expliquent l’utilisation fréquente chez ces patients de traitements immunosuppresseurs en seconde ligne.

L’histiocytose à cellules de Langerhans est une maladie polymorphe se caractérisant par une infiltration tissulaire de cellules présentant des marqueurs et des propriétés ultrastructurales identiques à celles des cellules de Langerhans de la peau.

Les premières formes de la maladie ont été décrites entre les années 1920 et 1940. Diverses entités ont alors été rapportées :

– d’une part, la maladie de Hand-Schüller-Christian touchant les enfants d’âge moyen et les adolescents, comportant une exophtalmie, des lésions lytiques du crâne et un diabète insipide ;

– d’autre part, la maladie de Letterer-Siwe se manifestant chez le petit enfant par un rash purpurique, une hépatosplénomégalie, des adénopathies et des cytopénies d’évolution souvent fatale ;

– enfin, le granulome éosinophilique osseux où la prolifération histiocytaire est accompagnée par un infiltrat éosinophilique, souvent d’évolution favorable.

Bien que très différentes sur le plan clinique, ces maladies avaient en commun les mêmes caractéristiques histopathologiques. De ce fait, l’hypothèse qu’il s’agisse en fait d’une seule et même maladie à des stades évolutifs distincts a été retenue, et ces entités ont été regroupées par Lichtenstein en 1953 sous le terme d’histiocytose X, le X soulignant l’origine incertaine des histiocytes. Ultérieurement, le développement de la microscopie électronique permit d’établir la similarité des histiocytes présents au sein des lésions avec les cellules de Langerhans de la peau, ces deux types cellulaires présentant au sein de leur cytoplasme des structures particulières appelées granules de Birbeck. Par la suite, le groupe de l’Histiocyte Society rebaptisa la maladie histiocytose à cellules de Langerhans dans les années 1980.

La maladie d’Erdheim-Chester est une histiocytose non langerhansienne touchant préférentiellement les hommes au cours de la cinquième décennie. Elle a été décrite pour la première fois par l’anatomopathologiste viennois Jakob Erdheim et son élève américain William Chester sous le nom de lipoid granulomatosis. Elle est caractérisée par une infiltration d’histiocytes spumeux CD1a négatifs parfois associés à des cellules géantes de Touton. Ces histiocytes sont marqués en immunohistochimie par le CD68, le CD163 rarement pour la protéine S100, mais sont négatifs pour le CD1a et la langérine (CD207). Les sites les plus fréquemment infiltrés sont le rétropéritoine (aspect en « reins chevelus », infiltration péri-urétérale responsable d’une hydronéphrose et d’une insuffisance rénale), les os longs, l’aorte et le péricarde, le poumon, la région hypothalamo-hypophysaire, la peau (principalement sous forme de xanthélasma). Les autres sites comportent les régions rétro-orbitaires (exophtalmie), le système nerveux central, les testicules, les surrénales. Virtuellement tous les organes peuvent être atteints.

Les mastocytoses sont un groupe hétérogène de maladies caractérisées par une accumulation et/ou une activation anormales de mastocytes dans différents tissus, principalement la peau, le tissu hématopoïétique (moelle osseuse, foie, rate) et le tube digestif.

Les mastocytoses sont caractérisées par un dérèglement de l’activité du récepteur c-kit présent à la surface des mastocytes, dont le ligand est le stem cell factor (SCF). Ce dérèglement provient d’une mutation sur le gène C-KIT (le plus souvent D816V), responsable de son activation constitutive et non régulée, avec transmission d’un signal permanent de survie et d’activation. L’origine hématopoïétique des mastocytes conduit à considérer les mastocytoses comme un syndrome myéloprolifératif.

Les éosinophilies et hyperéosinophilies se définissent par une expansion de la lignée éosinophile, au niveau sanguin ou tissulaire. Un chiffre d’éosinophiles supérieur à 0,5 × 109/l (500/mm3) définit selon les dernières recommandations internationales une éosinophilie, tandis que le terme d’hyperéosinophilie est réservé aux chiffres de polynucléaires éosinophiles supérieurs à 1,5 × 109/l (1 500/mm3).

Parfois méconnues ou négligées, les hyperéosinophilies peuvent constituer un signe biologique révélateur de maladies potentiellement graves. L’enquête étiologique, souvent passionnante mais parfois -complexe, doit être systématiquement réalisée, quel que soit le chiffre de polynucléaires éosinophiles (PNE). Nous détaillerons dans cette mise au point l’ensemble des diagnostics à envisager en mettant l’accent sur les plus fréquents ou les plus sévères. Nous tenterons également de simplifier et déstandardiser le bilan à effectuer face à une hyperéosinophilie majeure.

Les hémochromatoses correspondent à un ensemble de maladies ayant en commun d’être des surcharges en fer d’origine génétique. Cette définition exclut donc les surcharges en fer acquises qui peuvent être aussi appelées surcharges en fer secondaires mais non hémochromatoses secondaires. Ce domaine des hémochromatoses a bénéficié, au cours des dernières années, de progrès considérables en matière de connaissance du métabolisme du fer et d’avancées majeures touchant tant à la génétique moléculaire qu’à l’approche biochimique et aux procédés d’imagerie. L’impact de ces évolutions conceptuelles et technologiques s’est porté, à ce jour, avant tout sur le versant diagnostique, permettant désormais, dans la grande majorité des cas, une approche non invasive. Des avancées thérapeutiques essentielles constitueront, dans les années à venir, la seconde onde de choc positive liée à l’amélioration de nos connaissances théoriques et pratiques en matière de surcharges en fer.

Décrite il y a un siècle, la maladie de Wilson ou « dégénérescence hépatocellulaire » est une affection génétique de transmission autosomique récessive. Elle résulte d’une mutation du gène ATP7B porté par le chromosome 13, la protéine ATP7B régulant le métabolisme cellulaire du cuivre. La maladie de Wilson se caractérise par une accumulation tissulaire du cuivre d’abord hépatique puis multisystémique et plus particulièrement péricornéenne et cérébrale. Son diag-nostic peut être difficile à évoquer du fait de la non-spécificité des signes cliniques. Un nouveau marqueur biologique (REC ou relative exchangeable copper) facilite le diagnostic et le dépistage familial. La biopsie moléculaire confirme le diagnostic dans 95 % des cas. Fait rare pour une maladie génétique, il existe un traitement efficace, à condition d’être débuté précocement et poursuivi toute la vie. Aussi le suivi des patients est-il important pour s’assurer de l’observance de l’efficacité et de la tolérance du traitement et pour rechercher une tumeur hépatobiliaire, complication tardive de l’hépatopathie.

Avant d’aborder la description clinique et biologique des porphyries, nous envisagerons rapidement les étapes de la biosynthèse de l’hème et la régulation de cette voie métabolique qui a une importance physiologique considérable puisqu’elle aboutit aux hémoprotéines, dont certaines bien connues assurent le transport de l’oxygène (hémoglobine, myoglobine), d’autres des réactions d’oxydo-réduction (cytochromes, catalase, peroxydase, cyclo-oxygénase, tryptophane dioxygénase, NO synthétases, guanylate cyclase soluble, etc.).

Chez l’homme, la voie de biosynthèse de l’hème est présente dans toutes les cellules de l’organisme. Chacune des étapes est catalysée par une enzyme spécifique ; huit enzymes participent à cette synthèse depuis la glycine et le succinyl-CoA. Cette voie métabolique est initialement intramitochondriale, puis présente trois étapes cytoplasmiques avant les réactions finales de formation de l’hème, de nouveau mitochondriales. Quantitativement, la synthèse d’hème a lieu essentiellement (85 %) dans la moelle osseuse, site majeur de l’érythropoïèse, et à un degré moindre (15 %), dans le foie et les reins (5 %).

Un angiœdème est une infiltration liquidienne localisée des tissus sous-cutanés et/ou sous-muqueux. Cela élimine toutes les infiltrations de substance inerte (tophus, amylose, myxœdème…), les infiltrations granulomateuses (sarcoïdose, syndrome de Melkersson-Rosenthal…) et de cellules malignes (lymphome…). C’est un œdème non inflammatoire. L’œdème est localisé et il faut savoir éliminer les œdèmes diffus qui apparaissent localisés par la pesanteur ou des contraintes mécaniques. L’angiœdème apparaît de manière brutale et disparaît totalement entre les crises qui durent au maximum 7 jours. Il peut être récurrent. Lorsqu’il survient dans les zones où les tissus sont lâches (visage, mains, organes génitaux…), il est très déformant. Le terme d’angiœdème ne préjuge en rien de l’étiologie, tout comme le terme d’œdème de Quincke qui n’est que le synonyme d’angiœdème cervicofacial. La prévalence de l’angiœdème (toutes causes confondues) est évaluée à 0,05 % dans la population générale.

La fièvre méditerranéenne familiale (FMF), également appelée maladie périodique, est la maladie la mieux caractérisée et la plus fréquente parmi les fièvres récurrentes héréditaires, sous-groupe de maladies de la famille des maladies auto-inflammatoires. Il s’agit d’une maladie génétique à transmission mendélienne récessive associée à des mutations du gène MEFV (mediterranean fever) à l’origine d’anomalies de fonctionnement de l’immunité innée faisant intervenir l’inflammasome, complexe protéique dont la cascade enzymatique aboutit à la production d’interleukine 1. La FMF se caractérise par la survenue d’accès inflammatoires durant en moyenne 36 heures, et se manifestant cliniquement par de la fièvre et une inflammation d’une ou de plusieurs séreuses (péritoine, plèvre, vaginale, testiculaire, péricarde, synoviale) ou de la peau (pseudo-érysipèle de la cheville) à l’origine des symptômes, et biologiquement par l’élévation des protéines de l’inflammation. Les symptômes débutent dans l’enfance dans la plupart des cas, mais peuvent parfois se révéler plus tard, jusqu’à la troisième décennie. L’absence de spécificité des signes cliniques et leur banalité dans l’enfance (fièvre, douleurs abdominales) dans les familles où il n’y a pas d’antécédent familial explique en partie le retard au diag-nostic qui est rencontré de façon fréquente dans cette maladie.

Les amyloses sont définies par le dépôt extracellulaire d’une substance ayant en commun des affinités tinctoriales, un aspect fibrillaire en microscopie électronique, et une conformation spatiale dite β–plissée. Naguère maladies de surcharge, les amyloses sont devenues des maladies des protéines mal repliées, secondairement agrégées dans les tissus. Les dépôts d’amylose n’ont pas tous de conséquence pathologique. On peut ainsi distinguer la maladie amyloïde (amyloidosis en anglais) de l’agrégat amyloïde (amyloid en anglais), qu’il existe in vivo ou in vitro. Seules les amyloses-maladies seront développées dans ce chapitre.

Le syndrome POEMS, aussi connu comme syndrome de Crow-Fukase ou syndrome de Takatsuki, est une pathologie complexe associant une prolifération monoclonale B, le plus souvent plasmocytaire, une polyneuropathie sévère et un nombre variable d’autres manifestations dont certaines contenues dans l’acronyme POEMS (polyneuropathy, organomegaly, endocrinopathy, M-spike and skin changes), les autres manifestations principales pouvant être une polyglobulie, une thrombocytose, un œdème papillaire, un amaigrissement avec fonte des boules de Bichat, une tendance à faire des thromboses veineuses et/ou artérielles, une maladie de Castleman, un œdème et des épanchements des séreuses. Le diagnostic n’est souvent fait qu’avec retard, l’élévation du taux de VEGF (vascular endothelium growth factor) et l’existence d’une immunoglobuline monoclonale d’isotype λ étant deux points majeurs pour évoquer ce diagnostic. Il appartient au groupe nouvellement défini des MGCS (monoclonal gammopathy of clinical significance) généralisant la notion de MGRS (monoclonal gammopathy of renal significance) et qui reprend la notion de maladies liées à des petits clones dangereux où c’est le caractère toxique de l’immunoglobuline monoclonale et non la masse tumorale qui est responsable des atteintes.

Le syndrome de Marfan, le syndrome d’Ehlers-Danlos et l’ostéogenèse imparfaite sont des maladies rares qui partagent le fait de comporter des atteintes artérielles : aortique pour le syndrome de Marfan, aortique et extra-aortique pour les syndromes apparentés, surtout extra-aortique pour le syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire (mais il existe d’autres formes de syndrome d’Ehlers Danlos) et des artères de moyen calibre pour le pseudo-xanthome élastique.

L’atteinte artérielle de l’ostéogenèse imparfaite est beaucoup plus rare et très souvent au second plan, mais cette pathologie est liée à une anomalie du collagène, comme les syndromes d’Ehlers-Danlos.

Au cours de ces dernières années, de grands progrès ont été réalisés quant à la compréhension de la physiopathologie du syndrome de Marfan et à la compréhension des autres maladies rares, dans la reconnaissance de nouvelles entités proches.

La maladie de Rendu-Osler, ou télangiectasies hémorragiques héréditaires (HHT, OMIM 187300 et 600376) est une maladie génétique vasculaire dominante autosomique constitutionnelle qui concerne les capillaires. Cette pathologie est rare mais ubiquitaire, et concerne 1/6 000 à 1/10 000 patients avec des différences régionales liées à un effet fondateur.

La maladie de Rendu-Osler a d’abord été décrite comme une maladie familiale caractérisée par la gravité des hémorragies nasales et -gastro-intestinales récurrentes associées à l’anémie et à la dilatation visible des capillaires (télangiectasies) sur les lèvres et le bout des doigts. La majorité des patients présentent également des malformations artérioveineuses qui peuvent être pulmonaires, hépatiques, cérébrales, pancréatiques, et médullaires. Ces caractéristiques sont utilisées comme critères pour diagnostiquer la maladie de Rendu-Osler.

Les phacomatoses (de phacos, tache, et oma, tumeur) sont un ensemble mal défini de maladies, souvent d’origines génétiques, liées à une dysembryogenèse précoce. Selon le feuillet embryonnaire atteint (ectoderme, mésoderme ou endoderme), les manifestations cliniques qui en découlent seront différentes. Les caractéristiques communes des phacomatoses sont la présence de tumeurs, de dysplasies ou malformations et un potentiel évolutif variable. Avec le développement du diagnostic génétique moléculaire, la classification de ces maladies évolue et se précise.

Les méningites chroniques sont définies par l’association d’une inflammation du liquide céphalorachidien (LCR) et d’une symptomatologie évocatrice, persistant depuis 4 semaines au moins. Bien que peu de données épidémiologiques soient disponibles, on estime qu’elles représentent environ 10 % de toutes les méningites. Leurs causes regroupent un spectre large de pathologies : infectieuses, carcinologiques ou inflammatoires, dont la répartition en termes de fréquence est conditionnée à la zone géographique considérée ainsi qu’au statut immunitaire du patient. Le délai au diagnostic est souvent important, en raison du caractère insidieux de la symptomatologie, et de la prise de traitements symptomatiques variés prescrits en première intention.

La maladie de Fabry ne doit plus être considérée comme une maladie de « surcharge » mais comme une maladie systémique et de l’endothélium. Sa reconnaissance est importante, car il existe un traitement enzymatique spécifique. C’est une maladie lysosomiale ou sphingo-lipidose réputée rare avec une prévalence estimée à 1/40 000 naissances (OMIM 301 500). Le lysosome est un organite intracellulaire dont le rôle est de dégrader des macromolécules. En cas de déficit enzymatique d’une enzyme lysosomiale, il y a accumulation de substrat majoritairement en intracellulaire. Le déficit biochimique en cause dans la -maladie de Fabry concerne l’α-galactosidase A, enzyme qui clive -normalement le globotriaosylcéramide (Gb3) ou céramide trihexoside et d’autres sphingolipides. En cas de déficit en α-galactosidase A, le Gb3 s’accumule. Le gène est situé sur le chromosome X en position Xq22.2. À ce jour, environ 600 patients sont diagnostiqués en France, la maladie est sous-diagnostiquée. Le phénotype est de mieux en mieux précisé.

Alléguer une pathologie médicale ou psychiatrique, jusqu’à en fabriquer les symptômes physiques, sans en tirer de bénéfices secondaires directs, dans le seul but d’occuper socialement le rôle de malade et avoir paradoxalement recours à la médecine, telle se présente cette catégorie de malades étonnants. Le diagnostic en revient aux somaticiens, alors même que la nature en est typiquement psychiatrique, par la tromperie inconsciente qu’elle suppose. C’est justement dans la catégorie des « troubles somatiques » que cette pathologie (« troubles factices ») est actuellement identifiée dans le DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5th ed.). Un diagnostic, en réalité souvent retardé, est indispensable pour éviter les complications et les dépenses liées aux investigations répétées pour ces symptômes longtemps inexpliqués, en reconnaissant que le traitement est le plus souvent décevant, pour ces patients prêts à toute prise en charge… à l’exclusion de la psychiatrie.

Les déficits immunitaires héréditaires (DIH) sont la conséquence d’anomalies quantitatives et/ou qualitatives du système immunitaire. Les principaux décrits touchent soit l’immunité innée – en particulier les cellules phagocytaires (polynucléaires, macrophages, cellules dendritiques), les cellules NK et les voies du complément – soit l’immunité adaptative, en particulier les lymphocytes T et B. Ces déficits sont pour la plupart des affections rares ou exceptionnelles, correspondant à des maladies génétiques qui ont permis de mieux comprendre le développement du système immunitaire et des gènes qui le régulent chez l’homme. Il en existe actuellement plus de 300, bien décrits sur le plan moléculaire, dont la prévalence est inférieure à 1/5 000 naissances, sauf dans certaines populations génétiquement spécifiques (sujets consanguins, population restreinte).

La diversité des atteintes génétiques impliquées dans les déficits immunitaires héréditaires est responsable d’un grand nombre de phénotypes associés : une plus grande susceptibilité aux infections est le plus souvent retrouvée mais pas seulement, puisque certains déficits sont associés au développement de pathologies malignes, auto-immunes ou auto-inflammatoires, ou bien à des syndromes d’activation lymphohistiocytaire. Dans la majorité des cas, les symptômes apparaissent dès les premières années de vie. Toutefois, certains déficits – tel que le déficit immunitaire commun variable (DICV) – peuvent se manifester plus tardivement (entre 15 et 30 ans), d’où la nécessité d’évoquer le diagnostic de déficits immunitaires héréditaires à tout âge. Ce diagnostic est donc primordial afin d’instaurer rapidement un traitement adapté (antibiothérapie ou traitement antifungique prophylactique, traitement substitutif en immunoglobulines, voire greffe de cellules souches hématopoïétiques [CSH] ou thérapie génique dans certains cas). De plus, l’identification des défauts génétiques en cause permet l’accès à un conseil génétique pour les familles concernées et, de manière plus générale, une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques sous-jacents.

L’immunité met en jeu deux systèmes complémentaires pour détecter et éliminer les pathogènes : l’immunité innée et l’immunité acquise. L’immunité innée permet la reconnaissance d’un grand nombre de pathogènes comme les virus, les bactéries et les champignons par l’intermédiaire d’un nombre limité de récepteurs. Ces récepteurs, exprimés par les cellules myélomonocytaires et les cellules épithéliales, reconnaissent des motifs microbiens conservés. Lorsqu’il est activé, le système de l’immunité innée induit une réponse inflammatoire caractérisée par la sécrétion de cytokines. Ces dernières activent l’expression de molécules d’adhérence, permettant de recruter les cellules immunitaires au site d’infection et d’initier la réponse immunitaire acquise via les lymphocytes T et B. L’activation de l’immunité innée dépend également de la présence de signaux de danger émis par les cellules de l’hôte en cas de lyse ou de stress cellulaire.

Les syndromes auto-inflammatoires ont été individualisés au sein du vaste groupe des maladies inflammatoires. Ce sont des maladies initialement définies par la présence d’un syndrome inflammatoire biologique non spécifique et associées à des mutations de gènes codant des protéines jouant un rôle primordial dans la régulation de la réponse inflammatoire. L’adjectif auto-inflammatoire a été introduit par McDermott lorsqu’il a découvert qu’une catégorie de fièvre héréditaire de transmission autosomique dominante était liée à des mutations du gène du récepteur de type 1 du TNF (tumor necrosis factor), maladie qu’il baptisa TRAPS pour TNF receptor associated periodic fever syndrome. Le qualificatif « auto-inflammatoire » traduit l’idée que certaines maladies inflammatoires sont largement déterminées par un défaut génétique suggéré par le préfixe « auto- ». Ce terme est aussi construit par opposition aux maladies « auto-immunes » par l’absence d’auto-anticorps et de lymphocytes T activés. Par la suite, il a été mis en évidence que l’interleukine 1β jouait un rôle majeur dans la physiopathologie de cette nouvelle classe de maladies. De ce fait, il a été proposé de redéfinir les syndromes auto-inflammatoires comme des affections caractérisées par une sécrétion exacerbée d’interleukine 1β par les cellules myélomonocytaires et/ou par la régression des manifestations clinico-biologiques en présence d’un traitement inhibant l’interleukine 1β. Certains auteurs vont même jusqu’à qualifier d’auto-inflammatoire toute maladie dont l’élément physiopathologique exclusif ou prédominant, qu’il soit d’origine génétique ou non, porte sur un des composants de l’immunité innée.