Cardiologie
Chapitre S05-P03-C06
Maladies du péricarde
Péricardite aiguë
La péricardite aiguë, affection fréquente, caractérisée par une infiltration de cellules inflammatoires au niveau des feuillets péricardiques est, dans la majorité des cas, bénigne. Entité pathologique classique, celle-ci a bénéficié récemment, de deux apports majeurs, l’imagerie de coupe, et la peu « coûteuse » colchicine.
Carrefour de la cardiologie et de la médecine interne, la péricardite aiguë reste encore à ce jour, déconcertante. Maladie « simple », le diagnostic de péricardite aiguë reste l’apanage de la clinique et de signes échocardiographiques classiques. Maladie « complexe », car derrière cette simplicité apparente, se cache une maladie inflammatoire assez secrète, dont l’origine virale est certes toujours dominante, mais qui peut aussi venir révéler une atteinte néoplasique, une maladie auto-immune, ou une exceptionnelle tuberculose [12]. Pendant de longues années, l’échocardiographie a constitué l’imagerie de référence pour l’étude du péricarde [1], [4], [11], [13]. Toutefois, l’imagerie de coupe (tomodensitométrie thoracique et/ou IRM cardiaque) est devenue le complément indispensable de situations plus complexes [11], permettant la confirmation de l’atteinte inflammatoire du péricarde, la détection d’une atteinte myocardique associée, ou la découverte d’un processus intrathoracique. Enfin, au traitement anti-inflammatoire empirique est venue s’adjoindre la colchicine, molécule ubiquitaire, peu coûteuse, particulièrement efficace lors des récurrences fréquentes de la péricardite [9], mais aussi à la phase aiguë initiale de la maladie [1], [10].
Anatomie du péricarde
Le péricarde, membrane fibreuse, entourant la face externe du cœur, est composé de deux feuillets (sac péricardique), l’un séreux, l’autre fibreux.
Le péricarde séreux comprend deux feuillets, l’un viscéral et l’autre pariétal qui délimitent la cavité péricardique (contenant 15 à 50 ml d’ultrafiltrat plasmatique) au niveau d’une ligne de réflexion (Figure S05-P03-C06-1). Celle-ci est complexe, remontant jusqu’au niveau des gros vaisseaux et enserrant le pédicule veineux, les veines cave et les veines pulmonaires. Cette ligne de réflexion passe en pont au niveau des veines pulmonaires, formant plusieurs culs-de-sac (cul-de-sac de Haller à la face postérieure de l’oreillette gauche) et plusieurs récessus.
Ces particularités anatomiques expliquent que :
– le décollement échographique observé en arrière de l’oreillette droite (OD) facilement dépressible et, parfois, de l’oreillette gauche (OG), soit l’un des premiers témoins d’un épanchement péricardique significatif ;
– lors d’un épanchement péricardique abondant, le cœur ne soit plus amarré que par le pédicule des gros vaisseaux, donnant cet aspect caractéristique de « cœur dansant ».
Les franges graisseuses, fréquentes de part et d’autre du péricarde, sont de véritables « pièges » diagnostiques, mimant de faux épanchements péricardiques en échocardiographie.
Les nouvelles techniques d’imagerie permettent d’apprécier l’épaisseur normale des feuillets péricardiques : de 0,7 à 2,0 mm sur la tomo-densitométire, de 1,2 à 1,7 mm sur l’IRM, valeurs légèrement sur-estimées par comparaison aux valeurs anatomiques (de 0,4 à 1,0 mm).
Les affections aiguës du péricarde sont habituellement regroupées en plusieurs entités : péricardite aiguë, péricardites récidivantes, épanchement péricardique et tamponnade.
Péricardite aiguë
Le diagnostic de péricardite aiguë est, encore aujourd’hui, en priorité clinique. L’échocardiogramme complément indispensable, ainsi que CRP et enzymes cardiaques, appartiennent à la routine.
Tableau clinique
Affection du sujet jeune (30-50 ans), à prédominance masculine, la douleur thoracique, souvent intense, est le symptôme d’appel : douleur constrictive, évocatrice, car augmentant lors de l’inspiration profonde et calmée par la position antéfléchie. Le frottement péricardique, élément majeur, recherché en antéflexion, au niveau de la région précordiale, est un bruit surajouté, systolodiastolique, audible en apnée, souvent fugace. Présent selon les séries, de 75 % à seulement 10-30 % des cas, il présente une forte spécificité, mais une faible sensibilité. La fièvre est fréquente (> 38 °C) et s’accompagne (ou est précédée) de manifestations rhinopharyngées. Une fièvre élevée (> 39 °C) doit faire évoquer d’emblée, soit une myocardite associée, soit une péricardite purulente.
Anomalies ECG
Les anomalies de repolarisation, sous décalage de PQ et aspect suspendu plus ou moins diffus du segment ST-T sont usuelles, et s’expliquent par l’anatomie du péricarde qui se réfléchit, sur le myocarde, en arrière au niveau des oreillettes (PQ) et enserre les ventricules (ST-T). Ces anomalies fréquentes (80 %) et précoces, évoluent classiquement en quatre phases : sus-décalage de ST-T, normalisation, inversion des ondes T et normalisation de la repolarisation (Figure S05-P03-C06-2).
Ces anomalies de repolarisation sont en règle faciles à différentier de l’aspect en dôme du segment ST-T de la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, associé à une image en miroir, Des troubles du rythme (fibrillation auriculaire, extrasystoles auriculaires ou ventriculaires) sont fréquents à la phase aiguë de la péricardite
Anomalies biologiques
Le dosage de la CRP, marqueur du syndrome inflammatoire et de son intensité, est essentiel. Cependant, chez un tiers des patients, la CRP ultrasensible (CRPus) est normale, lors de la première détermination, ce qui peut correspondre soit à un dosage précoce, soit à un traitement anti-inflammatoire prescrit antérieurement. Une forte élévation initiale de la CRPus et l’absence de normalisation de la CRP sous traitement anti-inflammatoire à J8 sont des facteurs de risque de récidive [8]. La surveillance régulière de la CRP est donc un élément important de la surveillance.
La troponine I (cTnI), indissociable du bilan biologique de référence, est souvent augmentée (seuil 1,5 ng/ml) dans plus de la moitié des cas. Dans une série de 118 patients publiée en 2003, Imazio et al. observent une élévation de la troponine I supérieure à 0,1 ng/ml (Figure S05-P03-C06-3) chez un tiers des patients et 7,6 % des patients ont un taux de troponine I supérieur au seuil de l’infarctus (> 1,5 ng/ml). Ces valeurs anormales de troponine I s’associent à une élévation de la CK-MB, à des troubles segmentaires échocardiographiques, mais sans anomalie coronaire (devant faire évoquer le diagnostic de myopéricardite). Cette augmentation s’observe plus fréquemment chez des hommes jeunes, avec franche élévation du segment ST-T et présence d’un épanchement péricardique. Par opposition à la CRP, l’élévation initiale de la troponine I n’a pas de valeur pronostique péjorative (suivi de 24 mois).
Le contexte étiologique guide les autres examens biologiques complémentaires : anticorps antinucléaires, sérologie VIH, facteur rhumatoïde, marqueurs carcinologiques, recherche de tuberculose, Quant à la recherche d’une étiologie virale (culture, dosage d’anticorps), celle-ci n’a pas de justification en pratique courante.
Échocardiographie transthoracique
Examen de référence pour la pathologie péricardique depuis les descriptions initiales de Feigenbaum dans les années 1960, l’échocardiographie transthoracique (ETT) peut s’avérer normale lors du premier contrôle : le décollement péricardique n’est en fait présent que chez 30 à 60 % des patients. L’absence de décollement péricardique initial peut donc justifier secondairement un nouvel examen selon l’évolution du syndrome inflammatoire.
Bien que l’examen 2D soit la référence (Figure S05-P03-C06-4), la classification proposée par Horowitz [6] en mode TM (Figure S05-P03-C06-5) reste un élément simple et important du diagnostic, permettant de différentier épanchement postérieur « physiologique » (aspects A, B, C1) des épanchements « significatifs » (aspects C2 et D).
L’échographie 2D permet ainsi, par les multiples abords, une évaluation semi-quantitative et topographique de l’épanchement péricardique [15]. Celui-ci est souvent de répartition asymétrique, pouvant prédominer en avant des cavités droites (importance de la voie sous-costale à pratiquer en routine) ou en arrière du massif auriculaire, surtout de l’oreillette droite. Dès que l’épanchement devient circonférentiel, une analyse soigneuse des flux intracardiaques, en particulier tricuspide et pulmonaire, étudiés à faible vitesse, associée à un capteur respiratoire devient indispensable pour préciser la tolérance de l’épanchement. La présence de franges fibrineuses mobiles au contact du péricarde n’est pas rare, mais ne fournit aucune orientation étiologique [13].
Un décollement exclusivement antérieur exclut un épanchement péricardique (hormis certains rares épanchements cloisonnés) et correspond à des franges graisseuses (mieux analysées par tomodensitométrie thoracique). Il est aussi important de différencier épanchement péricardique et épanchement pleural gauche (Figure S05-P03-C06-6) : en incidence parasternale gauche, la présence d’un espace vide d’écho en avant de l’aorte thoracique descendante permet d’assurer la différence. L’examen bilatéral de la partie postérieure de la base du thorax, en position demi-assisse, complète l’examen à la recherche d’un épanchement pleural associé.
Critères de gravité
Ils doivent être systématiquement recherchés :
– majeurs : fièvre élevée > 38 °C, évolution subaiguë (sur plusieurs jours), épanchement abondant (> 20 mm), absence de réponse aux AINS à J7, tamponnade ;
– mineurs : myopericarditis (voir plus loin), immunodépression, traitement anticoagulant.
La présence d’un facteur de risque et/ou d’une atteinte inflammatoire systémique justifie une hospitalisation pour surveillance et la réalisation d’un bilan étiologique [1].
Imageries de coupe : tomodensitométrie et IRM
La tomodensitométrie cardiaque et l’IRM viennent en complément de l’échographie cardiaque. Leur pratique n’est actuellement justifiée que dans les situations cliniques mal définies ou considérées à risque (fièvre élevée, inflammation prolongée) et pour lesquelles l’apport de l’échographie cardiaque apparait insuffisant et/ou incomplet [11] (Tableau S05-P03-C06-I). Ces examens sont donc souvent réalisés de façon différée par rapport à la phase aiguë initiale.
Échographie | Tomodensitométrie | IRM | |
---|---|---|---|
Localisation | Bonne Multi-incidence | Très bonne | Excellente |
Caractérisation liquidienne | Médiocre | Quantification par densité liquidienne : – transsudat : – exsudat < 10 UH | Transsudat : faible intensité du signal en T1 et en T2 Exsudat : forte intensité du signal en T1 et en T2 |
Avantages | Grande accessibilité Excellente évaluation hémodynamique | Bonne accessibilité Analyse topographique | Haute résolution temporelle Excellente définition tissulaire |
Limites | Échogénicité | Définition de la paroi latérale du ventricule gauche Insuffisance rénale Irradiation (réduite avec les appareils récents) | Respiration Claustrophobie Accès limité |
UH : unités Hounsfield.
Tomodensitométrie thoracique
La tomodensitométrie thoracique permet une étude précise du péricarde (Figure S05-P03-C06-7). En l’absence de calcifications, un épaississement du péricarde avec présence d’une petite lame liquidienne est fortement évocateur de péricardite aiguë. L’injection de produit de contraste renforce l’aspect d’épaississement des feuillets pariétal et viscéral.
L’irrégularité de l’épaississement des feuillets péricardiques traduit la sévérité et l’ancienneté du processus inflammatoire. L’étude des densités renseigne sur le caractère transsudatif ou exsudatif (20-60 UH) du liquide péricardique et permet aussi de distinguer épanchement liquidien et franges graisseuses. La tomodensitométrie précise la topographie du liquide péricardique autour du massif cardiaque, et participe aussi à la démarche étiologique : analyse du médiastin, du parenchyme pulmonaire (que l’échographie est incapable d’assurer) ainsi que des plèvres.
IRM cardiaque (voir également Chapitre IRM Cardiaque)
L’IRM cardiaque assure une analyse précise des feuillets péricardiques et du myocarde (Figure S05-P03-C06-8). Un épaississement du péricarde avec présence d’une petite lame liquidien0ne est fortement évocateur de péricardite aiguë.
L’intensité du signal au niveau des feuillets péricardiques sur les images en écho de spin est inversement proportionnelle à l’ancienneté du processus inflammatoire : dans les formes aiguës (ou subaiguës), l’épaississement du péricarde présente des signaux de forte intensité. L’étude des séquences T2 renseigne sur le degré de l’œdème, et de néovascularisation des feuillets, témoins du degré d’inflammation. Le rehaussement tardif après injection de gadolinium est un autre marqueur de l’épaississement des feuillets péricardiques avec une forte sensibilité diagnostique de 94 à 100 % [11]. En cas de suspicion de myocardite aiguë associée, l’IRM cardiaque est l’examen de référence (Figure S05-P03-C06-9) : présence dans le sous-épicarde ou en intramyocardique, en hyper signal T2, de foyers nodulaires « en mottes », témoins d’un œdème cellulaire et, lors du rehaussement tardif, d’images nodulaires, souvent multiples, respectant le sous-endocarde, et sans correspondance avec un territoire myocardique.
Étiologie
Les péricardites aiguës [12] sont dans 80 à 85 % des cas d’origine virale ou idiopathiques (Tableau S05-P03-C06-II). De nombreux virus peuvent être impliqués (entérovirus, adénovirus, virus influenzæ). Les herpèsvirus et le cytomégalovirus seront à suspecter systématiquement chez les patients immunodéprimés. Si les péricardites bactériennes ou tuberculeuses sont actuellement rares en Europe, elles seront de principe évoquées chez des sujets habitant ou en provenance de pays émergents.
Étiologie | Incidence estimée |
---|---|
Idiopatique ou virale | 85 % |
Infectieuse | |
– bactérienne | 1-2 % |
– tuberculeuse | 4 % |
Néoplasique | 7 % |
Autre | |
– maladies auto-immunes | 3-5 % |
– radiothérapie | < 1 % |
– dissection aortique | < 1 % |
– chirurgie cardiaque | < 1 % |
– infarctus du myocarde | 5-10 % des IDM |
(Modifié d’après Lange RA, Hillis LD. Acute pericarditis. N Engl J Med, 2004, 351 : 2195-2202.)
La prévalence des péricardites néoplasiques est estimée à environ 7 % : cancers du poumon, du sein, lymphome ou leucémie. Les péricardites post-radiques (maladie de Hodgkin, cancer du sein) sont plus rares et peuvent évoluer vers la constriction ou s’associer à d’autres atteintes cardiaques (coronaires et myocarde). Les maladies auto-immunes sont également des causes fréquentes (3-5 %) : polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux systémique, sclérodermie et syndrome de Gougerot-Sjögren. Quant aux tumeurs primitives du péricarde, elles sont exceptionnelles.
Parmi les causes cardiologiques, l’épanchement péricardique est désormais rare au cours de l’infarctus du myocarde, aussi bien en phase aiguë (infarctus antérieur étendu) que tardivement, lors de l’exceptionnel syndrome de Dressler. Plus fréquents sont les épanchements péricardiques, précoces ou retardés (J15) dans les suites de la chirurgie cardiaque (sans que le mécanisme soit clairement compris), justifiant une surveillance échographique post-opératoire dans les trois premières semaines. Les épanchements péricardiques peuvent compliquer les procédures interventionnelles, exceptionnellement en cours d’angioplastie coronaire complexe ou lors de procédures d’ablation (fibrillation auriculaire), nécessitant un drainage péricardique en urgence. Un épanchement péricardique, souvent modéré, s’observe au cours des dissections aortiques de type A.
Traitement (Tableau S05-P03-C06-III)
L’objectif initial du traitement est de calmer la douleur thoracique et de contrôler rapidement le syndrome inflammatoire. Le traitement anti-inflammatoire non stéroïdien est efficace dans 80-90 % des cas [14] : aspirine (2-4 g/j) ou AINS (ibuprofène [1 200-1 600 mg/j], diclofénac [150 mg/j en traitement d’attaque, puis 100 mg/j en entretien]). Ces traitements ont une efficacité comparable, mais n’ont aucune réelle valeur « préventive » vis-à-vis des péricardites récidivantes, de la tamponnade ou encore de la constriction péricardique. Le traitement anti-inflammatoire de la péricardite aiguë demeurait, encore récemment, largement empirique (classe 1, niveau de preuve B, recommandations européennes de 2004 [14]).
Recommandations | Classe | Niveau de preuve |
---|---|---|
L’aspirine ou les AINS sont recommandés comme traitement de 1re intention | I | A |
La colchicine est recommandée comme traitement de 1re intention en association aux AINS | I | A |
La CRP guide la durée du traitement et évalue la réponse du traitement | IIa | C |
Les corticoïdes ne sont pas recommandés comme traitement de 1re intention | III | C |
En 2004, une étude française limitée à dix-neuf patients montrait le bénéfice de l’adjonction de la colchicine pour la prévention des rechutes. En 2005, dans une première série monocentrique de 120 patients, tirés au sort, lors d’un premier épisode de péricardite aiguë, l’adjonction de colchicine à un traitement conventionnel pendant 3 mois, permet de réduire le taux de rechute de péricardite de 32,3 % à 10,7 % (p < 0,004). Imazio et al. [10], en 2013, ont complété ce premier travail, par une étude multicentrique avec tirage au sort : 240 patients présentant une péricardite aiguë idiopathique (90 % des patients), traités par aspirine, étaient répartis en deux sous-groupes thérapeutiques (adjonction de colchicine [0,5 mg, 1 à 2 fois par jour] ou placebo) et suivis en moyenne 22 semaines. Le groupe colchicine a présenté une évolution précoce significativement meilleure que le groupe placebo, jugée sur la persistance des symptômes à J3 et leur disparition à J8, (respectivement 19 versus 40 % et 85 versus 58 %), mais aussi tardive (rechute et tamponnade, respectivement 16,5 versus 37,5 % et 0 versus 2,5 %). La tolérance médicamenteuse est comparable dans les deux groupes. Malgré l’absence de recommandations publiées à ce jour, et l’absence de compréhension parfaite du mécanisme d’action de la colchicine (inhibition de la dynamique de la polymérisation de la tubuline au niveau des microtubules), l’association aspirine-colchicine, pour une période de 3 mois, peut être proposée, mais reste à valider par de nouvelles recommandations.
Ces données ont justifié, dans les récentes recommandations européennes, de considérer comme systématique la prescription de colchicine (0,5 mg 2 fois par jour ou 0,5 mg/j si > 70 kg ou intolérance) en association à l’aspirine ou aux AINS pour le traitement de la péricardite aiguë. Il faut éviter d’associer la colchicine aux inhibiteurs du cytochrome P450 3A4. Une insuffisance rénale et hépatique sévère reste des contre-indications à la colchicine.
Quant à la corticothérapie, elle est contre-indiquée dans les formes simples, car exposant à un risque élevé de récidives. Les maladies auto-immunes resteraient la seule justification de la corticothérapie.
Pronostic
Le pronostic de la péricardite aiguë, virale ou idiopathique, est globalement bon. La survenue d’une tamponnade est rare. Le risque de constriction péricardique est estimé inférieur à 1 % pour les péricardites aiguës idiopathiques, à 2-5 % pour les péricardites auto-immunes et élevé (> 20-30 %) en cas de péricardite tuberculeuse ou purulente. Cette double association permet d’améliorer le pronostic et de réduire significativement la fréquence des rechutes (péricardites récurrentes) car, en l’absence de traitement par la colchicine, celle-ci est estimée à 15-30 %.
Péricardites récidivantes (Tableau S05-P03-C06-IV)
Ce terme de péricardite récidivante recouvre, d’une part les péricardites dites « intermittentes » avec une période libre de tout symptôme d’au moins 6 semaines et, d’autre part, les péricardites « incessantes » avec permanence ou disparition transitoire des symptômes en moins de 6 semaines. Des épanchements péricardiques abondants, une tamponnade ou une constriction péricardique sont exceptionnels. Le mécanisme de la rechute reste obscur, probable processus immunopathologique en raison des poussées évolutives, de la fréquence des anticorps anticœur, et de la similitude avec les affections auto-immunes (lupus, post-infarctus, post-péricardiotomie).
Péricardite incessante |
---|
Persistance des symptômes (> 4-6 semaines) sans intervalle libre franc après la phase aiguë |
Péricardite chronique |
Persistance de l’épanchement péricardique > 3 mois |
Péricardite récurrente |
Premier épisode de péricardite aiguë, intervalle libre de 4 à 6 semaines, voire au-delà et récurrence de l’atteinte péricardique similaire à celle de l’épisode aigu |
Leur fréquence, après un premier épisode de péricardite aiguë est estimée de 15 à 30 %, et favorisée par le recours aux corticoïdes. À partir d’une série de 453 patients, plusieurs facteurs de risque de rechute ont été individualisés : le sexe féminin, une fièvre supérieure à 38 °C, la forte élévation initiale de la CRP, l’absence d’efficacité rapide du traitement anti-inflammatoire, ainsi qu’un épanchement péricardique abondant [7]. La symptomatologie est identique à celle de la péricardite aiguë, mais habituellement sur un mode atténué ; frottement péricardique, modifications ECG et épanchement péricardique sont moins fréquents, mais la CRP est significativement élevée.
Imagerie
L’échocardiographie reste, dans cette situation, l’imagerie de première intention [11] avec des caractéristiques identiques à celles de la péricardite aiguë, allant du simple décollement postérieur aux épanchements abondants, rarement mal tolérés avec tamponnade. Au terme de poussées itératives, des signes débutants de constriction péricardique peuvent apparaître.
La tomodensitométrie thoracique et l’IRM cardiaque sont dès lors justifiées [1], [4], [11], en complément de l’échographie trans-thoracique. Elles permettent d’apprécier le degré d’épaississement des feuillets péricardiques, témoin du syndrome inflammatoire, mais aussi la topographie et l’atteinte thoracique associée (Figure S50-P03-C06-10).
L’aspect inflammatoire de la graisse péricardique et épicardique ainsi que la présence de sang dans l’espace péricardique sont des arguments en faveur de la récurrence de l’atteinte du péricarde. L’étude des densités en tomodensitométrie donne une orientation sur le caractère exsudatif (10 unités Hounsfield) ou éventuellement hémorragique aigu (> 30 UH) de l’épanchement. De même, l’IRM aide à cette distinction : en faveur d’un transsudat, faible signal sur les images pondérées en T1 et, à l’inverse, signal intense en faveur d’un exsudat [4]. Les adhérences entre péricarde pariétal et viscéral, souvent plus tardives, peuvent être mises en évidence en IRM cardiaque par un tagging dynamique.
L’IRM peut s’avérer à la fois intéressante pour exclure le diagnostic de péricardite récidivante dans un contexte de douleur thoracique et d’antécédents de péricardite, et pour surveiller l’évolution des marqueurs de l’inflammation et donc guider le traitement anti-inflammatoire.
Traitement (Tableau S05-P03-C06-V)
La péricardite aiguë récidivante est restée longtemps une vraie difficulté thérapeutique. Quelques observations [2] avaient indiqué que la colchicine permettait d’interrompre le cycle de rechutes péricardiques incessantes, face à l’inefficacité des divers traitements anti-inflammatoires, y compris les corticoïdes, et même le drainage péricardique. Imazio et al., avec les études CORE (en ouvert, sans tirage au sort), puis CORP (prospective, multicentrique, en double aveugle, tirage au sort et groupe placebo), ont démontré l’importance de l’adjonction de la colchicine dans la prévention des rechutes. La deuxième étude publiée en 2011 [9] incluant 120 patients avec le même schéma thérapeutique (adjonction de colchicine 0,5-1 mg/j, pendant une période de 6 mois), confirme la réduction du taux de récidive de 55 à 24 % pour le groupe colchicine, ainsi que la disparition plus rapide des symptômes dès la 72e heure du traitement, une diminution du nombre moyen de rechutes et un allongement de la durée de rémission entre les rechutes. La méta-analyse publiée par Imazio en 2012 confirme, en prévention secondaire, la nette réduction, en adjoignant la colchicine, du taux de péricardite récidivante (RR : 0,40 ; p > 0,001). L’association de la colchicine à l’aspirine est donc efficace, bien tolérée et désormais recommandée dans cette indication [1].
Recommandations | Classe | Niveau de preuve |
---|---|---|
L’aspirine ou les AINS sont la base du traitement et sont recommandés à la posologie maximale jusqu’à la résolution complète des symptômes | I | A |
La colchicine (0,5 mg 2 fois par jour ou 0,5 mg/j si < 70 kg ou intolérance) pour 6 mois est recommandée comme traitement en association à l’aspirine/AINS | I | A |
La CRP guide la durée du traitement et évalue la réponse au traitement | IIa | C |
Après normalisation de la CRP, une réduction progressive des traitements est envisagée, avec arrêt de l’une des classes de médicaments | IIa | C |
Une restriction de l’activité sportive chez des sujets non athlètes doit être prescrite jusqu’à la disparition des symptômes et la normalisation de la CRP | IIa | C |
Même restriction pour une période de 3 mois chez des athlètes jusqu’à la normalisation de la CRP, de l’ECG et de l’échographie | IIa | C |
Les corticoïdes restent contre-indiqués en première intention, sauf pour les maladies auto-immunes et post-radiques (cancer du sein). En cas d’échec des traitements conventionnels, certains proposent en cas rechutes incessantes, un traitement immunosuppresseur, voire, en dernier recours, une péricardectomie.
Péricardite aiguë associée à une atteinte myocardique aiguë (« myopericarditis »)
La péricardite aiguë et la myocardite aiguë peuvent s’associer, avec une prédominance soit de l’atteinte péricardique (« myopericarditis »), soit de l’atteinte myocardique (« perimyocarditis ») [1]. Habituellement d’origine virale, mais imprécise, les atteintes mixtes s’observent aussi lors des connectivites, des arthrites inflammatoires et après radiothérapie.
Le tableau clinique est souvent modeste, hormis les manifestations de la maladie causale. Le dosage de la troponine I ou T, parfois l’altération de la fonction ventriculaire gauche en échographie et surtout en IRM [4], l’aspect caractéristique en mottes intramyocardique, témoin de l’œdème (hypersignal sur les images pondérées en T2, avec rehaussement précoce et tardif du gadolinium), respectant l’endocarde et sans répartition systématisée, caractérisent cette entité.
Le traitement est celui de la péricardite aiguë : aspirine ou AINS associés à la colchicine, surveillance de la CRP et vérification de la disparition des images en mottes en IRM ainsi que des anomalies de la fonction VG. Le pronostic est bon [1], [4], [11].
Épanchement péricardique
Le volume de l’épanchement péricardique, en dehors du tableau particulier de la tamponnade, est en règle faible (50-100 ml), à modéré (100-500 ml), rarement important (> 500 ml). Les épanchements modérés sont de causes diverses ; les épanchements abondants sont le plus souvent néoplasiques, tuberculeux ou secondaire à une hypothyroïdie sévère, ou peuvent s’observer dans des contextes particuliers, dissection aortique, rupture myocardique, cardiologie interventionnelle. La nature de l’épanchement correspond à un transsudat, à un exsudat, à un hémopéricarde ou exceptionnellement à un pyopéricarde.
Les symptômes d’appel peuvent être ceux d’une péricardite, ou plus atypiques, dyspnée, oppression thoracique, tachycardie, signes d’hyperpression veineuse modérée, voire découverte fortuite. Bien tolérés, ces épanchements justifient une simple surveillance. Toutefois, des épanchements abondants pouvant révéler secondairement une néoplasie, nécessitent une surveillance régulière.
Imagerie
Une cardiomégalie radiologique est la première justification d’une imagerie cardiaque, de même que toute symptomatologie thoracique mal explicitée.
Échocardiographie (voir également Chapitre Échocardiographie-Doppler)
L’échocardiographie demeure l’examen de première intention. Le décollement systolodiastolique entre l’épicarde et le péricarde pariétal postérieur affirme l’épanchement péricardique significatif [6], [15]. L’échographie 2D et l’étude Doppler des flux intracardiaques demeurent des outils classiques, et indispensables. L’échographie 2D permet d’apprécier l’abondance et la répartition topographique variable, circonférentielle ou localisée, de l’épanchement [15]. Elle peut contribuer à distinguer graisse péricardique et épanchement liquidien : la graisse antérieure est plus brillante que le myocarde et reste adhérente au cœur lors des contractions. L’évaluation du volume de l’épanchement reste semi-quantitative (répartition péricardiaque habituellement non uniforme). L’importance du décollement postérieur entre les deux feuillets péricardiques, en fin de diastole, est bon indicateur (Tableau S05-P03-C06-VI). L’étude des flux intracardiaques par Doppler pulsé avec capteur nasal est systématique et sert de référence.
Volume | |
---|---|
Faible | < 10 mm |
Modéré | 10-20 mm |
Abondant | > 20 mm |
Très abondant | > 25 mm |
Tomodensitométrie cardiaque
La tomodensitométrie cardiaque est un complément utile pour préciser la localisation et la quantification d’un épanchement péricardique. La graisse épicardique est facilement différentiée d’un épanchement liquidien par la tomodensitométrie thoracique, surtout dans les régions antérieures et supérieures, moins bien explorées par l’échographie. L’évaluation de la densité du liquide péricardique [4] renseigne sur la chimie et l’étiologie du liquide péricardique (voir Tableau S05-P03-C06-VI)
IRM cardiaque
L’IRM cardiaque, indiquée en seconde intention, fournit aussi des informations précises sur la topographie, le degré d’épaississement péricardique et la caractérisation de l’épanchement (Figure S05-P03-C06-11) [4], [11]. La quantification du volume de l’épanchement est beaucoup plus fiable, en raison d’une meilleure analyse de la paroi postérolatérale du ventricule gauche, de la paroi inférieure du ventricule droit et des récessus péricardiques (analyse volumétrique « multicoupe »). Le caractère exsudatif ou hémorragique du liquide se traduit habituellement par un signal de forte intensité sur les séquences T1 et T2. L’IRM, en objectivant les variations du liquide péricardique au cours du cycle cardiaque, contribue à améliorer la distinction entre liquide et graisse épicardique. L’IRM est donc un outil performant adapté aux situations complexes (Tableau S05-P03-C06-VII).
Recommandations | Classe | Niveau de preuve |
---|---|---|
L’échographie trans-thoracique est recommandée chez tous les patients suspects d’épanchement péricardique | I | C |
Le cliché thoracique est recommandé en cas de suspicion d’épanchement péricardique ou d’atteinte pleuropulmonaire | I | I |
Le dosage des marqueurs de l’inflammation (CRP) est recommandé en cas d’épanchement péricardique | I | C |
La tomodensitométrie ou l’IRM sont à envisager en cas de suspicion d’épanchement péricardique cloisonné, d’épaississement des feuillets péricardiques, de masses ou d’anomalies thoraciques | IIa | C |
Conclusion
L’anatomie du péricarde et sa physiologie complexe, reliant péricarde, cavités cardiaques et pressions intrathoraciques, rendent compte de la diversité des tableaux cliniques, Important carrefour de la médecine interne, la péricardite aiguë, maladie inflammatoire, sans cause apparente dans la majorité des cas, reste de ce fait déroutante, sinon encore mystérieuse. Même si l’échocardiographie-Doppler demeure la référence en imagerie, pour la pathologie péricardique [3], [5], [6], [15], [19], la tomodensitométrie thoracique et l’IRM cardiaque se sont imposées comme des compléments indispensables [1], [4], [5], [9], [16], [17] dans des situations cliniques traînantes, récidivantes ou imprécises, permettant une meilleure appréciation topographique de l’épanchement et une analyse précise des feuillets péricardiques, inflammation et épaississement. L’IRM cardiaque assure en complément, grâce une haute résolution temporelle, l’évaluation de l’interdépendance ventriculaire, et une éventuelle atteinte myocardique aiguë associée.
Enfin, l’importante expérience acquise par Imazio et al. [7], [8], [9], [10] avec la colchicine, prescrite en complément de l’aspirine, a transformé la fréquence des rechutes et simplifié l’évolution des formes aiguës. Ainsi l’imagerie multimodale et la colchicine résument-elles les avancées récentes diagnostiques et thérapeutiques de la péricardite aiguë [1], [4], [11].
Toutefois, des interrogations multiples persistent concernant la péricardite aiguë, symptôme et maladie, qui font discuter la tenue de registre multicentrique des péricardites aiguës et de leurs variantes cliniques, mais aussi de la création de centres de référence pour une prise en charge thérapeutique optimisée des formes récurrentes.
Tamponnade cardiaque
Le péricarde est constitué de deux feuillets, un feuillet externe dit pariétal et un feuillet interne dit viscéral, entre lesquels se trouvent en permanence de façon physiologique 15 à 30 ml de liquide à une pression proche de la pression pleurale, soit approximativement 5 mmHg au-dessous de la barométrique. La tamponnade cardiaque est définie par la présence d’une quantité anormale de liquide péricardique générant une pression dans le péricarde suffisante pour comprimer les cavités cardiaques et être responsable d’un retentissement circulatoire. Ce retentissement peut parfois être fruste, mais est aussi et plus souvent majeur, entraînant alors un tableau typique de choc obstructif.
Les conséquences circulatoires de la tamponnade cardiaque résultent directement de la faible distensibilité du tissu péricardique provoquant une compression des cavités cardiaques droites puis gauches. Cela survient soit parce que l’épanchement est de grande abondance, soit parce qu’il se constitue rapidement.
Il existe peu de données épidémiologiques sur l’incidence exacte de la tamponnade cardiaque tant les populations et les situations diffèrent. De nombreuses études épidémiologiques ont, en revanche, rapporté les principales causes d’un épanchement péricardique, sans se focaliser particulièrement sur la tamponnade et une analyse rétrospective sur une large cohorte de plus de 10 000 patients « tout venant » ayant bénéficié d’une échocardiographie, a rapporté que la présence d’un épanchement péricardique était associée à une majoration de la mortalité à un an [25].
Les causes de l’épanchement péricardique sont très variées (Tableau S05-P03-C06-VIII). Le liquide péricardique peut être clair, purulent, sanglant avec ou sans caillot, voire gazeux. Les cancers, les infections (en particulier la tuberculose) et les maladies auto-immunes sont les principales causes de tamponnade dite médicale. L’hémopéricarde est le plus souvent post-chirurgical ou traumatique, mais peut révéler aussi une dissection aortique, urgence chirurgicale qu’il faudra savoir diagnostiquer.
Type de liquide | Contexte | Étiologie |
---|---|---|
Liquide exsudatif
(Proteines | Infectieux | Bactérienne : Mycobacterium tuberculosis, Coxiella burnetii, Streptococcus sp., Staphylococcus sp. Virale (plus rare) : virus Cocksackie, rougeole, virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus… Fongique (très rare dans la tamponnade) Parasitaire (très rare |
Néoplasique | Tumeurs métastatiques : lymphome, cancer solide (poumon, sein…) Tumeurs primitives : mésothéliome (très rare) | |
Inflammatoire | Myocardite Syndrome de Dressler | |
Dysimmunitaire | Lupus érythémateux systémique Myxœdème Maladie de Behçet Vascularite systémique Polyarthrite rhumatoïde | |
Métabolique | Péricardite urémique Maladie d’Addison Péricardite hypercholéstérolémique | |
Médicamenteux | Hypersensibilité : pénicilline Lupus-induit : hydralazine, isoniazide Chimiothérapie : anthracyclines | |
Idiopathique | ||
Hémopéricarde | Post-interventionnel | Post-sternotomie pour chirurgie cardiaque Ablation de flutter Pose de pacemaker |
Spontané | Dissection aortique aiguë | |
Traumatique | Traumatisme thoracique fermé | |
Liquide transudatif | Anasarque | Insuffisance cardiaque Insuffisance hépatocellulaire Insuffisance rénale chronique |
P/S : péricarde/sérum.
Rappels physiopathologiques hémodynamiques
La tamponnade cardiaque est responsable d’une « adiastolie aiguë » [27]. L’issue brutale de liquide dans le péricarde inextensible empêche un remplissage normal des cavités cardiaques, auriculaires ou ventriculaires.
En condition normale, le volume des cavités cardiaques est plus grand en diastole qu’en systole. Les cavités ne sont pas limitées dans leur expansion car la pression intrapéricardique est basse. En protosystole, la réduction brutale du volume des ventricules crée une dépression intrapéricardique qui agit comme un moteur du retour veineux, assurant le remplissage auriculaire par accélération systolique antérograde des flux des veines caves. C’est également vrai de façon prononcée lors de la relaxation ventriculaire protodiastolique qui fait également baisser la pression intrapéricardique (Figure S05-P03-C06-12).
Lors de la présence d’un épanchement péricardique mal toléré, l’expansion des cavités cardiaques en diastole devient plus difficile. Du fait d’une pression élevée dans le péricarde et sachant que le volume des cavités cardiaques reste constant, ce volume sera d’autant plus petit que la pression péricardique est importante. Il en découle une compétition entre l’oreillette droite (OD) et le ventricule droit (VD) qui survient précocement à un stade initial dit de « prétamponnade ». Secondairement, au stade de tamponnade cardiaque, survient une compétition entre les deux ventricules avec un enfoncement du VD en diastole (Figure S05-P03-C06-13). Ainsi, outre le tableau clinique évocateur, est-ce l’échocardiographie qui fait le diagnostic de tamponnade cardiaque en visualisant l’épanchement péricardique et en évaluant sa mauvaise tolérance, à savoir la compétition ventriculaire. La voie transthoracique est suffisante dans la majorité des situations, mais dans certaines situations très particulières abordées à la fin de ce chapitre, la voie transœsophagienne s’impose.
Compétition auriculoventriculaire droite
Lors de la systole, la réduction du volume ventriculaire droit génère une dépression intrapéricardique qui permet le remplissage passif de l’oreillette droite grâce au flux cave systolique antérograde qui reste préservé. En revanche, lors du remplissage du VD, l’augmentation de son volume génère une augmentation brutale et intense de la pression intrapéricardique responsable d’une compression de la cavité la plus faible, à savoir l’OD, responsable d’une baisse du retour veineux systémique. Ce collapsus auriculaire est qualifié de prétamponnade lorsqu’il est isolé et partiel. En cas de tamponnade, il est complet et associé à une compression du VD (voir plus loin).
Compétition ventriculo-ventriculaire
Outre le tableau clinique caractéristique, la tamponnade se caractérise par la compression de la paroi libre du VD [19]. Les deux ventricules devant se partager un espace péricardique restreint par l’épanchement, c’est le ventricule où règne la pression la plus basse, en l’occurrence le VD, qui est la première victime de l’augmentation de la pression intrapéricardique. Le ventricule gauche (VG) se remplit donc aux dépens du VD, qui présente alors un collapsus télédiastolique, signant l’adiastolie et le diagnostic de tamponnade.
Rôle de la ventilation
La dépression intrathoracique lors de l’inspiration est responsable d’une baisse de la pression péricardique, ce qui permet le maintien d’un retour veineux systémique malgré l’obstacle péricardique. C’est pourquoi les patients en tamponnade cardiaque sont très souvent polypnéiques, la polypnée faisant partie du tableau clinique. C’est aussi l’une des raisons pour laquelle l’anesthésie générale et la mise sous ventilation mécanique (pression intrathoracique positive) peuvent toutes les deux engendrer un arrêt cardiaque. Ces éléments sont à prendre en compte lors du drainage chirurgical de l’épanchement et nécessitent une coordination parfaite entre l’anesthésiste et le chirurgien.
Cette dépression intrathoracique qui survient lors de l’inspiration majore le gradient de pression motrice du retour veineux et facilite le remplissage des cavités cardiaques droites. Cela se fait aux dépens du VG qui se trouve alors comprimé avec un mouvement caractéristique du septum interventriculaire vers la gauche [21]. Lors de l’inspiration, le VD éjecte donc une quantité de sang sub-stantiellement plus importante dans la circulation pulmonaire, alors que cette quantité de sang ne peut atteindre les cavités gauches du fait des troubles de la compliance directement issus de la compression gauche par le VD. Lors de l’expiration, le VD n’exerce plus cette contrainte sur le VG qui se laisse alors remplir du sang stocké dans les vaisseaux pulmonaires lors de l’inspiration. Ce rôle des vaisseaux pulmonaires, appelé pooling, améliore donc l’éjection ventriculaire gauche lors de l’expiration. Le septum interventriculaire a alors le mouvement inverse de la gauche vers la droite. L’échocardiographie en mode Doppler permet ainsi de visualiser à l’inspiration une augmentation des flux tricuspide et pulmonaire et une diminution des flux mitral et aortique et inversement lors de l’expiration (voir Figure S05-P03-C06-20).
Chez un patient ventilé mécaniquement (en pression positive), les pressions pleurale et péricardique sont positives durant tout le cycle respiratoire avec une majoration de celles-ci à l’insufflation. Cette augmentation de pression a des conséquences dramatiques dans le cas de la tamponnade cardiaque où la pression générée par la ventilation mécanique s’ajoute à celle générée par l’épanchement.
Diagnostic
Diagnostic clinique
Reconnue comme un diagnostic avant tout clinique, la tamponnade est néanmoins parfois difficile à affirmer sur de simples éléments issus de l’examen au lit du patient. Le diagnostic est évoqué en présence d’un état de choc associé à des signes d’insuffisance cardiaque droite, qui constituent la « triade de Beck » [20] : hypertension veineuse, hypotension artérielle, et cœur « petit et calme ». Le diagnostic de tamponnade cardiaque peut être plus difficile en présence de signes cliniques moins francs. La dyspnée et la polypnée sont parmi les signes cliniques les plus fréquents mais, comme la tachycardie, la turgescence jugulaire ou la diminution des bruits du cœur, ils manquent de sensibilité et de spécificité. Dans certains cas, la tamponnade est dite à pression systémique basse et n’est alors pas accompagnée par l’hyperpression systémique (turgescence jugulaire notamment). C’est le cas par exemple lors d’une hypo-volémie associée.
Parmi les signes cliniques classiquement décrits pour poser le diagnostic de tamponnade cardiaque, le pouls paradoxal est le plus classique. Il s’agit d’une diminution du pouls radial à l’inspiration, reflet d’une chute du débit cardiaque (Figure S05-P03-C06-14). En pratique, il est défini comme une diminution inspiratoire de la pression artérielle systolique de 10 mmHg ou plus. Bien que décrit comme « paradoxal », il n’est en fait que l’exagération du phénomène physiologique que nous avons décrit ci-dessus : la majoration du retour veineux à l’inspiration provoque une compétition ventriculoventriculaire aux dépens du VG qui se voit comprimé et ne peut donc plus éjecter le sang, lui-même stocké dans les vaisseaux pulmonaires. La principale limite du pouls paradoxal concerne la difficulté à évaluer les variations de la pression artérielle chez un patient tachycarde et polypnéique sans monitoring invasif de la pression sanglante. Par ailleurs, le pouls paradoxal manque de sensibilité et peut être absent lors d’une authentique tamponnade dans des situations telles que l’état de choc sévère avec profonde hypotension, l’hypertrophie ventriculaire droite, la dysfonction cardiaque gauche avec pressions élevées, la communication inter-auriculaire ou encore certains cas de tamponnades à basse pression. Ainsi, l’absence de pouls paradoxal ne peut éliminer le diagnostic. A contrario, certaines maladies cardiaques peuvent être associées à la présence d’un pouls paradoxal : la péricardite constrictive, la cardiomyopathie restrictive, l’infarctus du myocarde ou encore le choc cardiogénique. Des affections extracardiaques peuvent aussi générer le pouls paradoxal, la plus connue étant l’asthme aigu grave, mais le contexte clinique est alors très différent.
L’ECG d’un patient présentant une tamponnade cardiaque présente en général une tachycardie sinusale. Il est microvolté au même titre que les bruits du cœur peuvent paraître assourdis à l’auscultation. Il existe fréquemment des troubles non spécifiques de la repolarisation. L’alternance électrique est pathognomonique d’un épanchement péricardique abondant mais ne signe pas forcément la tamponnade (Figure S05-P03-C06-15).
Au final, et compte tenu des difficultés du diagnostic clinique, le diagnostic est posé grâce à l’évaluation hémodynamique du patient, par le cathétérisme droit dans le passé, mais désormais à l’aide de l’échocardiographie.
Évaluation hémodynamique
Au cours de la tamponnade cardiaque, la pression artérielle pulmonaire (PAP) subit d’importantes variations respiratoires en opposition parfaite avec la pression artérielle systémique : la PAP est amplifiée par l’inspiration et diminuée à l’expiration. La pression auriculaire gauche évaluée par la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) est anormalement élevée. Son niveau moyen est proche de la pression péricardique. La pression transmurale de l’OG et de l’OD est quasi nulle (Figure S05-P03-C06-16). Enfin, la pression veineuse centrale (PVC) est élevée et identique à la pression intrapéricardique. Il existe en fait une égalisation des pressions, toutes proches de la pression péricardique.
La coronarographie, rarement réalisée dans le contexte, peut montrer un collapsus coronaire en diastole.
L’apport des ultrasons dans le diagnostic d’un épanchement péricardique a été suggéré pour la première fois en 1955, même si c’est en 1965 que Feigenbaum rapporta la visualisation directe de l’épanchement péricardique en mode TM uniquement [23]. Le liquide péricardique y apparaît comme un espace vide d’échos situé entre les deux feuillets du péricarde [23] (Figure S05-P03-C06-17). Depuis, l’échocardiographie par voie transthoracique en mode bidimensionnel est devenue l’examen de choix. Dans le cas extrême d’un épanchement abondant et circonférentiel, le cœur est décrit comme flottant dans le sac péricardique, ce qui lui vaut l’expression anglo-saxonne de swinging heart (Figure S05-P03-C06-18). La présence d’un épanchement péricardique à l’échographie ne signe pour autant pas le diagnostic de tamponnade. Les éléments de la tamponnade cardiaque ont été décrits plus haut et sont rappelés dans le Tableau S05-P03-C06-IX. Chez un patient sous ventilation mécanique, la pression intrathoracique positive rend l’étude des variations des flux Doppler impossible. Dans des situations très particulières comme en post-opératoire de chirurgie cardiaque, la tamponnade cardiaque peut être due à un hématome rétro-auriculaire localisé. Son diagnostic est difficile et nécessite très souvent la réalisation d’une échographie transœsophagienne (Figure S05-P03-C06-19).
Si l’échocardiographie est la méthode de choix pour étayer le diagnostic de tamponnade cardiaque, la tomodensitométrie thoracique avec injection de produit de contraste permet une évaluation plus large permettant parfois d’identifier des tumeurs médiastinales et/ou pulmonaires pouvant orienter vers une étiologie donnée. Les signes tomodensitométriques associés à la tamponnade cardiaque sont, outre la visualisation directe de l’épanchement, la distension des veines caves supérieure et inférieure, le reflux de produit de contraste dans les veines azygos et cave inférieure, la compression des cavités cardiaques en particulier des cavités droites ou encore le bombement du septum interventriculaire.
Mode | Coupe | Résultat |
---|---|---|
TM | Parasternal petit axe | Espace vide d’écho (Figure S05-P03-C06-20) comprimant le VD |
Sous-costale | Dilatation de la VCI | |
Bidimensionnel | Parasternal petit axe | 1) Compression du VD 2) Mouvements respiratoires |
Apicale 4 cavités | 1) Compression de l’OD, définissant 2) Compression du VD 3) Mouvements respiratoires | |
Doppler | Apicale 4 cavités | 1) Variation respiratoire du flux tricuspide (Figure S05-P03-C06-21) 2) Profil mitral inversé avec E < A |
VCI : veine cave inférieure ; TM : temps-mouvement.
Traitement
En cas de tamponnade, l’urgence est au drainage péricardique qui ne pourra être réalisé dans de bonnes conditions que grâce à une réanimation basée sur une prise en charge médicale symptomatique, qui ne devra néanmoins pas le retarder.
Expansion volémique
L’hypovolémie est particulièrement mal tolérée et doit être systématiquement corrigée. L’expansion volémique a de plus comme objectif de maintenir une pression systémique moyenne élevée pour préserver le retour veineux malgré l’obstacle. Cependant, cette stratégie d’optimisation est largement discutée en dehors de l’existence d’une hypovolémie. Une expansion volémique par 500 ml de sérum salé isotonique permet d’augmenter le débit cardiaque chez seulement un patient sur deux et essentiellement chez les patients ayant une pression artérielle systolique inférieure à 100 mmHg, quand un tiers des patients voit au contraire son débit cardiaque baisser du fait de l’augmentation de la pression péricardique générée par le remplissage [26].
Catécholamines
Historiquement, l’isoprotérénol était la molécule préférée, compte tenu de ses effets (hausse du débit cardiaque, hausse de la fréquence cardiaque, baisse de la pression de l’oreillette droite et diminution des résistances vasculaires périphériques) [24]. Mais considérant que la stimulation sympathique endogène est déjà quasi maximale dans la tamponnade cardiaque, l’utilisation d’une drogue chronotrope positive peut conduire à des troubles du rythme mal tolérés. L’utilisation d’un vasopresseur comme la noradrénaline a l’avantage de restaurer la pression artérielle moyenne et d’améliorer le retour veineux systémique par augmentation de la pression systémique moyenne.
Drainage péricardique
Il doit être réalisé en urgence après avoir éliminé une rupture de la paroi libre d’un ventricule ou une dissection aortique qui nécessiteront le traitement du patient en chirurgie cardiaque. Il peut être réalisé selon deux techniques, une technique dite « per cutanée », réalisable au lit du patient, et une technique dite « chirurgicale ».
Le drainage percutané (péricardiocentèse) a été proposé au début des années 1970. Il se réalise au mieux sous contrôle échographique et consiste en la mise en place d’un drain de petit calibre inséré selon la technique de Seldinger. La voie d’abord est le plus souvent sous-xiphoïdienne mais doit se faire là où la distance entre le cœur et la paroi est au moins de 10 cm à tous les temps du cycle respiratoire. La faible abondance de l’épanchement en regard de la paroi libre du ventricule droit ou encore le caractère hétérogène de l’épanchement orientent plutôt vers un drainage chirurgical. Les conséquences d’un drainage trop rapide peuvent être une dilatation aiguë du ventricule droit [18] ou un œdème pulmonaire dit de reperfusion [22]. Les autres complications sont la plaie ventriculaire ou coronaire, le pneumothorax, la plaie hépatique ou encore l’infection.
Le drainage chirurgical doit rester la première option, à condition seulement d’avoir rapidement un chirurgien et un bloc opératoire disponibles. Ses indications formelles sont l’épanchement cloisonné, l’inaccessibilité par la méthode percutanée avec risque de ponction ventriculaire droite, l’hématome en post-opératoire de chirurgie cardiaque ou l’hémopéricarde traumatique, la nécessité de biopsie péricardique et/ou myocardique ou enfin l’indication à la réalisation d’une fenêtre pleuropéricardique. La voie d’abord la plus simple et la plus usuelle est la voie sous-xiphoïdienne. Le principal risque du drainage chirurgical réside dans la gestion de l’induction anesthésique ; tant la sédation avec vasoplégie que la mise sous ventilation mécanique en pression positive ont des conséquences hémodynamiques majeures en cas de tamponnade cardiaque. Cette induction anesthésique est ainsi pratiquée au dernier moment, le patient étant maintenu en ventilation spontanée, alors que le chirurgien commence son geste de décompression. Elle est réalisée en position demi-assise et s’appuie sur des drogues peu dépressives du système cardiovasculaire telles que la kétamine ou l’étomidate.
Conclusion
La tamponnade cardiaque est responsable de choc obstructif sévère et représente une urgence médicochirurgicale qui nécessite de bien en connaître la physiopathologie pour assurer une prise en charge adaptée. L’expansion volémique doit être parcimonieuse, se bornant à corriger une éventuelle hypovolémie associée, la ventilation mécanique proscrite et le drainage péricardique prioritaire sous couvert d’un vasopresseur si nécessaire.
Péricardite constrictive
Saroumadi Adavane, Franck Boccara et Ariel Cohen
La péricardite constrictive est une maladie rare (0,5 à 1 % des cardiopathies), mais très invalidante. Elle est la conséquence de la transformation fibreuse et/ou inflammatoire, avec ou sans calcifications, des deux feuillets du péricarde. Le péricarde devient un sac inextensible à l’origine de l’adiastolie.
Anatomie du péricarde
Le péricarde est un sac fibroséreux qui entoure le cœur. Il assure une protection mécanique du cœur, et diminue les frictions entre le cœur et les structures environnantes. Il assure par ailleurs un rôle hémo-dynamique essentiel pour les oreillettes et les ventricules. Il est composé d’un sac externe ou péricarde fibreux, et d’un sac interne appelé péricarde séreux constitué d’un feuillet pariétal et viscéral.
Étiologie
La péricardite constrictive peut survenir après toute affection péricardique. Dans les pays développés, les causes idiopathiques et les antécédents de chirurgie cardiaque sont les deux causes les plus fréquentes, suivies de l’irradiation médiastinale et des péricardites [37]. Dans les pays en voie de développement ainsi que chez les patients immunodéprimés, la tuberculose est la cause principale de péricardite constrictive. Diverses autres causes peuvent être décrites dans des contextes cliniques différents : connectivites, cancers, traumatismes, médicaments, asbestose, sarcoïdose, péricardite urémique…
Diagnostic
La péricardite constrictive est souvent sous-diagnostiquée en raison de la symptomatologie parfois insidieuse d’évolution progressive, et de la difficulté à la différencier des cardiomyopathies restrictives et d’autres entités responsables d’insuffisance cardiaque à prédominance droite.
Interrogatoire
Les antécédents du patient peuvent orienter vers la péricardite constrictive (antécédents de chirurgie cardiaque, de péricardite, d’irradiation médiastinale, de tuberculose…). Le symptôme le plus fréquent est la dyspnée d’effort quasi constante et qui est plurifactorielle (épanchements pleuraux, ascite). La dyspnée de décubitus, l’hépatalgie d’effort et l’asthénie sont plus rares.
Examen clinique
Examen cardiaque
L’auscultation cardiaque peut être normale (20 % des cas), ce qui dans un contexte clinique évocateur, peut être en faveur du diagnostic. Le choc de pointe peut être assourdi ou absent, signe d’une symphyse péricardique au niveau des segments apicaux du ventricule gauche. La « vibrance » péricardique pathognomonique de la calcification péricardique reste exceptionnelle. Elle est fréquemment décrite en cas de constriction chronique, moins fréquente dans les formes subaiguës ou fibreuses. Le bruit est protodiastolique maximal à l’apex, et reflète le bruit du remplissage ventriculaire en protodiastole. Il irradie parfois dans toute l’aire précordiale, et la précocité du bruit est reliée à la sévérité de la constriction.
Signes périphériques
Hépatomégalie
Elle est pratiquement constante ; le foie est ferme, lisse et indolore à la palpation. Elle est associée un reflux hépato-jugulaire souvent difficile à mettre en évidence en raison de la turgescence spontanée des jugulaires.
Turgescence jugulaire
La présence d’une turgescence jugulaire est extrêmement fréquente (jusqu’à 95 % des cas) et permet ainsi d’écarter le problème diagnostique d’une cirrhose qui aurait pu être évoquée devant l’hépatomégalie. La turgescence jugulaire persiste après traitement déplétif dans une péricardite constrictive et disparaît si elle est secondaire à une insuffisance cardiaque. En cas de constriction pure, le signe de Kussmaul peut être retrouvé ; il correspond à l’augmentation de la turgescence jugulaire à l’inspiration. Le pouls artériel paradoxal de Kussmaul (diminution inspiratoire de la pression artérielle d’au moins 10 mmHg à l’inspiration) est souvent absent en cas de constriction pure mais est décrit si la constriction s’associe à un épanchement.
Ascite, œdème des membres inférieurs et épanchements pleuraux
Ils sont secondaires à l’augmentation de la pression veineuse systémique et à la diminution du débit cardiaque.
L’ascite et les œdèmes des membres inférieurs sont très fréquents retrouvés dans 50 à 80 % des cas. L’ascite est à prédominance lymphocytaire avec un examen bactériologique négatif et précède le plus souvent l’apparition des œdèmes des membres inférieurs.
Les épanchements pleuraux sont légèrement moins fréquents, à type de transsudat. L’analyse de la ponction pleurale peut se révéler utile à but étiologique (tuberculose).
Électrocardiogramme
Il est constamment modifié, mais de façon non spécifique.
On peut noter une fibrillation atriale (20 % des cas), des ondes P bifides. Il peut s’y associer un microvoltage (voltage inférieur à 5 mm dans les dérivations périphériques et inférieur à 10 mm dans les dérivations précordiales) dans 50 à 90 % des cas et des anomalies diffuses de la repolarisation (aplatissement ou négativation des ondes T) quasi constantes. L’axe du QRS est souvent normal.
Radiographie pulmonaire
Les calcifications péricardiques peuvent être de localisations multiples et sont à rechercher, mais leur absence n’élimine en aucun cas le diagnostic de péricardite constrictive. En effet dans la littérature, les calcifications sont décrites chez seulement 25 % des patients présentant une constriction péricardique. Le volume cardiaque est le plus souvent normal, sauf s’il existe un épanchement péricardique associé. Le parenchyme pulmonaire est normal et il existe fréquemment des épanchements uni- ou bilatéraux associés.
Biologie
Le taux de BNP est le plus souvent normal, témoignant de l’absence d’atteinte myocardique associée. Il peut être retrouvé des anomalies non spécifiques secondaires à l’élévation des pressions veineuses (hypo-albuminémie, hyperbilirubinémie, perturbations des tests hépatiques).
Le bilan étiologique, orienté par l’interrogatoire et l’examen clinique, pourra s’appuyer sur les mêmes examens biologiques utilisés lors du diagnostic étiologique des péricardites aiguës (voir « Péricardite aiguë »). En fonction du contexte, on s’attachera à éliminer une origine tuberculeuse accessible à un traitement spécifique.
Imagerie cardiaque
Des recommandations récentes des sociétés américaine [33] et européenne d’échocardiographie [31] guident l’utilisation de l’imagerie en cas de péricardite constrictive. Le nombre d’examens d’imagerie nécessaire pour le diagnostic et la prise en charge des patients atteints de péricardite constrictive dépend de l’expertise de l’opérateur dans chaque domaine et des besoins cliniques.
Échocardiographie
L’échocardiographie transthoracique est l’examen à réaliser en première intention. Il faut veiller pour une bonne interprétation de cet examen, à avoir une trace ECG et une trace respiratoire correcte, pour pouvoir repérer précisément le début de l’inspiration et de l’expiration.
Mode bidimensionnel et TM
Les signes décrits en mode bidimensionnel et TM sont peu sensibles et peu spécifiques.
Signes péricardiques
Il peut être mis en évidence un épaississement des deux feuillets péricardiques, qui conservent un mouvement parallèle, et en cas de calcification des échos denses pluristratifiés péricardiques. L’échocardiographie transœsophagienne peut être utile à la mise en évidence d’un épaississement péricardique.
Signes de constriction
Le mouvement paradoxal du septum interventriculaire (« mouvement du drapeau »), caractéristique de la péricardite constrictive, est illustré dans la figure S05-P03-C06-23 et la Vidéo S05-P03-C06-1. Le septum interventriculaire se dirige à l’inspiration vers le ventricule gauche et à l’expiration vers le ventricule droit.
Il peut aussi être mis en évidence :
– un mouvement de recul diastolique rapide, précoce de la paroi postérieure du ventricule gauche ou une rectitude de la paroi postérieure du ventricule gauche avec une disparition du recul télédiastolique ;
– une ouverture prématurée des sigmoïdes pulmonaires signant l’adiastolie ;
– une dilatation de l’oreillette droite, du ventricule droit, de la veine cave inférieure avec une disparition de son collapsus inspiratoire, et des veines sus-hépatiques ;
– une dilatation modérée bi-atriale (la dilatation bi-atriale est plus importante en cas de cardiomyopathie restrictive)
Il faut souligner la normalité des valves auriculoventriculaires et de la fraction d’éjection ventriculaire gauche.
Doppler cardiaque
L’analyse du flux doppler est essentielle pour établir le diagnostic de péricardite constrictive. Elle permet la mise en évidence du retentissement hémodynamique avec la présence d’une adiastolie (gêne au remplissage diastolique) droite et/ou gauche [35]. Seule la phase initiale du remplissage diastolique est conservée.
L’adiastolie du cœur gauche est appréciée par l’étude du flux transmitral, et du flux des veines pulmonaires, tandis que l’adiastolie du cœur droit fait appel à l’analyse du flux tricuspide et surtout du flux d’insuffisance pulmonaire et du flux des veines sus-hépatiques.
Adiastolie du cœur gauche
Flux de remplissage mitral
Le flux mitral montre un trouble de compliance avec une augmentation de l’onde E de remplissage rapide aboutissant à un rapport E/A >> 1.
Le temps de décélération de l’onde E est diminué (< 150 ms), de même que le temps de relaxation isovolumique (< 60 ms).
De manière physiologique, au cours du cycle respiratoire, le flux de remplissage transmitral varie naturellement de 10 à 15 %. Au cours de la péricardite constrictive, cette variation respiratoire visible sur le pic de l’onde E est amplifiée au-delà de 25 à 30 %. En inspiration, il existe une diminution de l’onde E et du temps de décélération, et une majoration inspiratoire du temps de relaxation isovolumique. Ces variations respiratoires sont secondaires au retentissement sur les cavités gauches de l’augmentation des pressions de remplissage des cavités droites liées à l’augmentation du retour veineux lors de l’inspiration.
Flux aortique
Il existe une variation respiratoire visible sur le flux aortique supérieure à 15 %.
Flux des veines pulmonaires
Le flux veineux pulmonaire montre une inversion du rapport S/D inférieur à 1 avec allongement de la durée de l’onde A pulmonaire comparativement à l’onde A mitrale. Il existe une variation respiratoire visible sur le flux des veines pulmonaires supérieure à 35 %.
Adiastolie du cœur droit
L’analyse de l’adiastolie du cœur droit est probablement la plus intéressante à rechercher car la plus précoce.
Flux de remplissage tricuspide
L’analyse du flux tricuspide montre une augmentation inspiratoire du remplissage protodiastolique (onde E) et télédiastolique (onde A) du flux transtricuspidien. Il existe une variation respiratoire visible sur le flux tricuspide supérieure à 30 %.
Flux d’insuffisance pulmonaire
Le flux d’insuffisance pulmonaire montre un aspect de dip-plateau avec une pente de décélération très accélérée accentuée en inspiration (temps de demi-décroissance < 110 ms) (Figure S05-P03-C06-24) [30]. Le rapport entre les vitesses protodiastoliques et mésodiastoliques est corrélé à l’importance de l’adiastolie. Dans les adiastolies sévères, on peut observer une annulation du flux d’insuffisance pulmonaire mésotélédiastolique. L’inspiration majorera ces anomalies, ce qui permet de sensibiliser le diagnostic des constrictions modérées.
Flux des veines sus-hépatiques
L’analyse du flux des veines sus-hépatiques montre un profil de type restrictif avec une inversion du rapport S/D inférieur à 1 et une annulation ou un reflux télésystolique et télédiastolique. Ces anomalies, en particulier le reflux télédiastolique sur le flux veineux sus-hépatique peut aussi être démasqué en expiration dans les formes modérées.
La figure S05-P03-C06-25 représente les modifications caractéristiques enregistrées en Doppler pulsé au niveau du flux mitral, aortique et tricuspide en cas de péricardite constrictive.
Pente de propagation intraventriculaire
La pente de propagation intraventriculaire est normale (supérieure à 50 cm/s, voire à 100 cm/s) en cas de péricardite constrictive, alors qu’elle est diminuée dans les cardiomyopathies restrictives.
Doppler tissulaire et strain
Doppler tissulaire
En comparaison avec une population saine, les patients atteints de péricardite constrictive présentent une distribution inversée des vélocités à l’anneau mitral avec des valeurs d’e’ latéral inférieures aux valeurs d’e’ médial [36]. Ce rapport inversé du rapport e’ latéral/e’ médial est due à l’attachement d’un péricarde pathologique calcifié dans la partie latérale de l’anneau mitral, ce qui diminue les vitesses recueillies en Doppler tissulaire dans cette zone. Il faut aussi noter que l’e’ latéral est plus bas dans les cardiomyopathies restrictives que dans les péricardites constrictives.
Strain
Les patients présentant une péricardite constrictive semblent présenter une diminution du strain circonférentiel, de la torsion du ventricule gauche avec une relative conservation de la déformation longitudinale. À l’inverse, les patients présentant une cardiomyopathie restrictive ont un strain longitudinal altéré préférentiellement au niveau des segments basaux avec une conservation relative de la rotation.
Le Tableau S05-P03-C06-X [29] résume les signes échographiques et Doppler caractéristiques de la péricardite constrictive en comparaison avec les caractéristiques de la cardiomyopathie restrictive.
Échocardiographie | Péricardite constrictive | Cardiomyopathie restrictive |
---|---|---|
Mode bidimensionnel et TM | ||
Taille des ventricules gauche et droit | Normale | Normale (ou réduite) |
Fonction systolique | Normale | Normale ou altérée (forme évoluée) |
Épaisseur pariétale | Normale | Augmentée (texture anormale si amylose) |
Oreillettes (OG, OD) | Normales ou peu dilatées | Dilatées |
Péricarde | Adhésions, calcifications, épaississement (ETO) | Normal ou épanchement lors des poussées d’insuffisance ventriculaire gauche |
Cinétique pariétale | Anomalies de la cinétique septale | Homogène |
Veine cave inférieure | Dilatée, disparition du collapsus inspiratoire | Dilatée |
Doppler | ||
Flux transmitral | Variation respiratoire | Variation respiratoire |
– temps de décélération de E | ↓ insp, ↑ exp | Insp = exp (≤ 150 ms) |
– protodiastolique (E) | ↓ insp, ↑ exp | E = insp = exp |
– télédiastolique (A) | A = insp | A = insp (≤ 0,5 ms) |
– TRIV | ↑ insp, ↓ exp | Insp = exp (≤ 70 ms) |
Flux aortique | Variation respiratoire > 15 % | Variation respiratoire < 5 % |
Veines pulmonaires | S, D et A augmentés | S, D et A augmentés |
Onde D des veines pulmonaires | Variation respiratoire > 35 % | Variation respiratoire < 20 % |
– flux diastolique (D) | D ≥ S, S/D > 0,65 | D >> S, S/D > 0,5 |
– flux systolique (S) | D, S ↓↓ insp, ↑↑ exp | D ↑ insp |
Flux tricuspide | Variation respiratoire > 30 % | Variation respiratoire < 15 % |
– protodiastolique (E) | ↑↑ insp, ↓ exp | ↑ insp, ↓ exp |
– télédiastolique (A) | ↑ insp | ↑ insp |
– temps de décélération de E | = insp | ↑ insp, ↑ exp |
Insuffisance pulmonaire | Dip-plateau (↓ insp < 110 ms) | Dip-plateau |
Veines sus-hépatiques | S, D et A augmentés
D ≥ S | S, D et A augmentés
D >> S |
– flux diastolique (D) | D ↑ insp, ↓ exp ; ↑ flux atrial exp | D ↑ insp, ↓ exp |
– flux systolique (S) | ||
Pente de propagation, Doppler tissulaire et strain | ||
Pente de propagation | > 50 cm/s | < 50 cm/s |
Doppler tissulaire | ||
– e’ | > 8 cm/s | < 8 cm/s |
– E/e’ | ≤ 15 | > 15 |
Strain longitudinal | Normal ou diminution régionale | Diminution globale |
↓ : diminué ; ↑ : augmenté ; ETO : échocardiographie transœsophagienne ; exp : expiration ; insp : inspiration ; TRIV : temps de relaxation isovolumique ; VG : ventricule gauche.
(Modifié d’après Cohen A, Belmatoug N. Cœur et médecine interne. Paris, Estem, 2002.)
Tomodensitométrie cardiaque
La tomodensitométrie cardiaque synchronisée à l’ECG, avec un temps d’acquisition court et une résolution spatiale de l’ordre de 0,6 mm, permet une évaluation précise de l’épaisseur péricardique et la mise en évidence de calcifications péricardiques. Le péricarde normal en tomodensitométrie est une ligne courbe de 1 à 2 mmm de la densité des tissus mous. Dans la péricardite constrictive, le péricarde pariétal peut mesurer de 4 mm jusqu’à 20 mm d’épaisseur. Les calcifications peuvent être localisés sur toute la surface cardiaque, mais se situent principalement dans les régions où la graisse péricardique est abondante (sillon auriculoventriculaire et base du cœur).
La tomodensitométrie peut également montrer des signes indirects comme un rétrécissement ou une déformation tubulaire des ventricules, une dilatation de la veine cave inférieure, des veines sus-hépatiques, de l’oreillette droite, une hépatosplénomégalie, la présence d’ascite et d’épanchements pleuraux.
La tomodensitométrie cardiaque est un élément important du bilan pré-opératoire de péricardectomie en précisant la localisation, l’importance de l’épaississement péricardique et des calcifications ainsi que les rapports anatomiques notamment chez les patients ayant des antécédents de chirurgie cardiothoracique. En outre, il permet aussi d’évaluer les coronaires et le parenchyme pulmonaire, en particulier chez les patients aux antécédents de radiothérapie.
La figure S05-P03-C06-26 présente un exemple d’une tomodensitométrie cardiaque d’un patient présentant une péricardite constrictive.
IRM cardiaque
L’IRM cardiaque apporte des informations diagnostiques complémentaires à celles de la tomodensitométrie. Elle permet une délimitation anatomique fiable du péricarde, des tissus adjacents et la mesure de l’épaisseur péricardique en utilisant, comme pour la tomodensitométrie, une valeur seuil supérieure à 4 mm. Elle permet aussi une meilleure différenciation entre les épanchements péricardiques minimes et les épaississements péricardiques. En ce qui concerne la détection des calcifications péricardiques la tomodensitométrie reste supérieure à l’IRM.
L’IRM identifie aussi mieux l’inflammation du péricarde et les adhérences myopéricardiques. Le rehaussement tardif mis en évidence après injection de gadolinium pourrait être un facteur prédictif de la réversibilité de la péricardite constrictive après traitement par agents anti-inflammatoires. Les séquences de tagging qui analysent la déformation myocardique sont utilisées pour mettre en évidence les adhérences myopéricardiques.
L’IRM permet une visualisation des signes indirects morphologiques de péricardite constrictive (aspect tubulaire des ventricules, dilatation de la veine cave…), mais aussi des modifications hémodynamiques comme le mouvement paradoxal du septum interventriculaire (« fasseyement septal »). L’IRM reste cependant inférieure à l’écho-cardiographie pour la détection des caractéristiques hémodynamiques de constriction. Les séquences de vélocimétrie par séquence de contraste de phase sont à l’étude pour fournir des caractéristiques hémodynamiques de la physiologie constrictive en complément de l’échographie cardiaque.
Enfin, il faut noter que l’IRM n’est pas affectée par les problèmes de fenêtre acoustique et de mauvaise échogénicité, fréquents chez ces patients.
La figure S5-P3-C6-27 présente différentes séquences IRM d’un patient présentant une péricardite constrictive.
Le Tableau S05-P03-C06-XI présente l’apport des différentes techniques d’imagerie cardiaque dans le diagnostic de péricardite constrictive.
Cathétérisme cardiaque
Il est à réaliser selon la vraisemblance diagnostique et les résultats de l’imagerie cardiaque. Il demeure l’examen hémodynamique de référence, d’indication rare et essentiellement en phase pré-opératoire.
Courbes de pressions intracardiaques
Morphologie
La morphologie des courbes de pression auriculaire et ventriculaire droite est modifiée. Il existe un aspect en M ou W sur la courbe de pression auriculaire droite. La courbe de pression ventriculaire droite est caractéristique en « dip-plateau » avec présence d’un creux bref et profond protodiastolique (dip) suivi d’une remontée rapide jusqu’à un plateau méso-télédiastolique supérieur au tiers de la pression systolique du ventricule droit.
Échocardiographie |
Mode 2D et TM : épaississement/calcification péricardique, mouvement paradoxal du septum interventriculaire, recul diastolique précoce de la paroi postérieure du VG, dilatation marquée et collapsus diminué ou absent |
Doppler : dip-plateau sur le flux d’insuffisance pulmonaire, variation > 25 % du flux mitral et > 40 % du flux tricuspide, reflux mésotélédiastolique en expiration dans les veines sus-héptiques Doppler tissulaire : vitesse à l’anneau mitral normale ou augmentée (> 7 cm/s) Doppler couleur : vitesse de propagation du flux mitral normale ou augmentée |
Tomodensitométrie |
Épaississement péricardique > 4 mm, calcifications péricardiques Signes indirects : déformation tubulaire du ventricule droit et gauche, Bilan pré-opératoire (étude coronaire, parenchyme pulmonaire) |
IRM |
Épaississement péricardique > 4 mm Œdème péricardique et inflammation (séquence en pondération T2 Adhérence myopéricardique (séquence tagging) Morphologie : déformation tubulaire du ventricule droit et gauche, taille normale ou diminuée des ventricules, dilatation de la veine cave inférieure, des veines sus-hépatiques Hémodynamique (ciné temps réel, vélocimétrie par contraste de phase) : fasseyement septal, modifications respiratoires |
Modification des pressions, débit cardiaque
Le profil hémodynamique d’adiastolie montre une élévation des pressions de remplissage droites avec tendance à l’égalisation des pressions diastoliques depuis les veines caves jusqu’aux capillaires pulmonaires. Le débit et l’index cardiaque sont souvent diminués ou parfois normaux. Ce tableau d’adiastolie du ventricule droit n’est cependant pas pathognomonique de la constriction péricardique. Il se voit aussi au cours des cardiomyopathies restrictives ou d’infarctus du myocarde ventriculaire droit.
Diagnostic différentiel avec la cardiomyopathie restrictive
Malgré les différences physiopathologiques entre la péricardite constrictive et la cardiomyopathie restrictive, certains paramètres hémodynamiques sont communs entre les deux pathologies. L’augmentation des pressions intra-auriculaires, l’égalisation des pressions télédiastoliques et le dip-plateau sont des caractéristiques de la péricardite constrictive mais qui peuvent également être observés dans la cardiomyopathie restrictive. Ainsi, pour préciser le diagnostic de péricardite constrictive, la variation respiratoire du remplissage et l’interdépendance ventriculaire doivent être démontrées.
L’algorithme présenté dans la figure S05-P03-C06-28 représente la conduite à tenir diagnostique en cas de suspicion de péricardite constrictive.
Formes anatomopathologiques
Dans la péricardite constrictive, le remplissage diastolique est très précocement limité par un péricarde inextensible, calcifié et inflammatoire. Le péricarde est habituellement plus épais qu’un péricarde normal et l’augmentation de l’épaisseur péricardique a été considérée jusqu’à très récemment comme un marqueur diagnostic essentiel de péricardite constrictive. Il faut cependant noter que certaines péricardites constrictives peuvent avoir une épaisseur normale en tomodensito-métrie et sur l’examen histologique.
Différentes formes anatomopathologiques de péricardite constrictive sont décrites dans la littérature [34] :
– constriction péricardique annulaire avec épaississement du péricarde au niveau du sillon atrioventriculaire, une configuration normale des deux ventricules et un élargissement des deux oreillettes ;
– constriction péricardique unilatérale prédominant le long du ventricule gauche avec déviation du septum interventriculaire vers les cavités droites, une configuration tubulaire du ventricule gauche et un élargissement des deux oreillettes ;
– constriction péricardique unilatérale prédominant le long du ventricule droit avec déviation du septum interventriculaire vers les cavités gauches, une configuration tubulaire du ventricule droit et un élargissement des deux oreillettes ;
– forme globale de constriction péricardique isolée ou associée avec une atrophie myocardique ou une fibrose périmyocardique. Il existe un épaississement bilatéral du péricarde le long des deux ventricules et une configuration tubulaire des deux ventricules.
Formes cliniques
Péricardite constrictive transitoire
Pendant de nombreuses années, l’évolution de la péricardite constrictive était considérée comme irréversible. Certains auteurs ont décrits des formes de péricardite constrictive transitoire avec une résolution des signes constrictifs sous traitement médical [32].
Généralement, ces patients ont initialement un épanchement péricardique modéré qui se résout après traitement anti-inflammatoire. Quand l’épanchement disparaît, le péricarde reste inflammatoire et avec un défaut de compliance, ce qui se traduit sur le plan hémodynamique par des signes de constriction. Les signes de constriction peuvent durer 2 à 3 mois avant résolution spontanée ou grâce à un traitement anti-inflammatoire.
Péricardite chronique constrictive sans épanchement
Elle représente la forme classique de péricardite chronique constrictive. La présentation clinique et les résultats hémodynamiques sont compatibles avec une constriction péricardique ; l’épaisseur du péricarde documentée par l’imagerie non invasive peut être normale ou augmentée.
Péricardite chronique constrictive avec épanchement
La péricardite constrictive avec épanchement est une entité clinique particulière composée à la fois d’un épanchement péricardique et d’une constriction hémodynamique. Le patient se présente avec un épanchement péricardique et des pressions de remplissages augmentés évoquant une constriction. L’évacuation du liquide péricardique peut conduire à la résolution des signes de constriction en raison de la diminution de la pression intrapéricardique. Toutefois, dans certains cas, l’hémodynamique constrictive peut persister même après drainage de l’épanchement péricardique. La péricardite constrictive avec épanchement peut être traitée par péricardiocentèse (cathéter ou drainage chirurgical) et péricardectomie.
Péricardite constrictive avec atteinte myocardique
De rares cas ont été décrits dans la littérature avec coexistence chez certains patients des signes de constriction et de restriction.
Diagnostic différentiel
Cardiomyopathie restrictive
La cardiomyopathie restrictive (voir chapitre S05-P03-C03) est le principal diagnostic différentiel de la péricardite constrictive. Elle survient habituellement sur un terrain sous-jacent différent (amylose, sarcoïdose, syndrome d’hyperéosinophilie, fibrose endomyocardique, post-chimiothérapie). Elle se caractérise par une atteinte directe de la compliance du myocarde qui n’est pas présente dans la péricardite constrictive. Dans la péricardite constrictive, le remplissage diastolique ventriculaire est altéré par le péricarde épaissi, calcifié et l’existence d’une fibrose des couches péricardiques. Dans la cardiomyopathie restrictive, le remplissage diastolique est limité par un myocarde anormal et hypertrophié.
Les Tableaux S05-P03-C06-X et XII présentent les signes échographiques, tomodensitométriques et IRM différentiels entre une péricardite chronique constrictive et une cardiomyopathie restrictive.
Signes tomodensitométriques/IRM | Péricardite constrictive | Cardiomyopathie restrictive |
---|---|---|
Calcifications péricardiques | Oui | Non |
Épaississement péricardique | Oui | Non |
Adhérences péricardiques | Oui | Non |
Taille de l’oreillette gauche | Normale | Dilatée |
Myocarde | Normal | Épaissi |
Cinétique segmentaire | Fasseyement septal | Homogène |
Interdépendance des ventricules | Oui | Non |
Rehaussement après gadolinium | Péricarde | α Myocarde |
Cirrhose hépatique
Le diagnostic de cirrhose peut être évoqué cliniquement devant l’hépatomégalie, l’ascite et biologiquement devant les signes d’insuffisance hépatocellulaire. Cependant, les signes d’hyperpression veineuse (turgescence jugulaire) orientent le diagnostic vers une péricardite constrictive.
Traitement
Traitement médical
Chez les patients présentant une forme transitoire de péricardite constrictive, les symptômes peuvent être réversibles avec un traitement médical seul [33].
Le traitement consiste en un traitement par un traitement par AINS pendant 2 à 3 semaines. En l’absence d’efficacité, une corticothérapie peut être envisagée (corticostéroïdes pour 1 à 2 mois avec une diminution progressive pendant 6 à 8 semaines) chez les patients n’ayant pas une péricardite d’origine infectieuse.
Traitement chirurgical
En cas de péricardite chronique constrictive, la chirurgie avec réalisation d’une péricardectomie est le traitement standard. Il existe deux approches standard : la thoracotomie antérolatérale (cinquième espace intercostal) et la sternotomie médiane. L’existence d’adhérences calcifiées et de calcifications importantes augmente le risque de la chirurgie et son succès incomplet.
La péricardectomie est associée à un taux de mortalité significatif opératoire supérieure à 6 % dans les centres les plus expérimenté [28]. Les prédicteurs indépendants de mauvais résultats à long terme de la chirurgie sont l’âge avancé, la classe NYHA, l’insuffisance rénale, la dysfonction ventriculaire gauche, l’hyponatrémie, et les antécédents de radiothérapie. La normalisation complète de l’hémodynamique cardiaque est rapportée chez seulement 60 % des patients opérés. En post-opératoire, le temps de décélération peut rester prolongé, les variations respiratoires post-opératoires mitrale et tricuspide sont de l’ordre de 9 à 25 % ; la fraction d’éjection ventriculaire gauche peut augmenter en raison d’un meilleur remplissage ventriculaire.
Les complications majeures comprennent l’insuffisance cardiaque aiguë post-opératoire et la rupture myocardique. La mortalité et la morbidité de la chirurgie sont principalement dues à la présence d’atrophie myocardique ou de fibrose myocardique non reconnu en pré-opératoire.
L’algorithme présenté dans la figure S05-P03-C06-29 représente la conduite à tenir thérapeutique en cas de péricardite constrictive.
Conclusion
La péricardite constrictive est une pathologie rare dont il faut connaître les particularités cliniques et d’imagerie. Le diagnostic doit être évoqué devant une insuffisance cardiaque droite inexpliquée, dans un contexte clinique évocateur (antécédent de chirurgie cardiaque, de péricardite, d’irradiation médiastinale et de tuberculose). L’échocardiographie et le développement des nouvelles techniques d’imagerie cardiaque comme la tomodensitométrie et l’IRM sont une aide précieuse au diagnostic.
Bibliographie
Péricardite aiguë
Tamponnade
Péricardite constrictive