S07-P02-C01 Arrêt cardiaque (Chapitre archivé)

S07-P02-C01 Arrêt cardiaque (Chapitre archivé)

Médecine intensive-Réanimation

Christian Richard

Partie S07-P02

Défaillance circulatoire aiguë

Chapitre S07-P02-C01

Arrêt cardiaque

Guillaume Géri, Pierre Carli et Alain Cariou
ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre.
Lien vers la mise à jour

Indépendamment de la cause et du mécanisme, l’arrêt cardiaque est habituellement défini par l’interruption, en général brutale, de toute activité mécanique efficace du cœur. En l’absence d’une reprise rapide d’une activité circulatoire efficace, des lésions cellulaires irréversibles apparaissent habituellement en quelques minutes dans les tissus les plus sensibles à l’hypoxie, tout particulièrement au niveau myocardique et cérébral. La prise en charge de l’arrêt cardiaque est parfaitement codifiée, et elle fait l’objet de recommandations périodiquement réévaluées par des instances scientifiques nationales et internationales [18], [19]. Seules les considérations communes à la prise en charge de l’arrêt cardiaque de l’adulte seront exposées dans ce chapitre, à l’exclusion des situations particulières en raison de l’étiologie (noyade, traumatisme, intoxications…) ou du terrain (femme enceinte, enfant…).

Données épidémiologiques

En l’absence de registre national français des arrêts cardiaques, seule l’analyse des données issues de registres régionaux permet d’évaluer le nombre annuel de morts subites, qui atteindrait environ 40 000 cas par an, soit environ 10 % de la totalité des décès [3]. Le taux annuel d’incidence brut des arrêts cardiaques extrahospitaliers s’élèverait ainsi à 55 pour 100 000, un chiffre assez proche de celui observé dans la plupart des autres pays industrialisés. L’âge moyen des victimes (masculines deux fois sur trois) est d’environ 65 ans, et les trois quarts des arrêts cardiaques surviennent au domicile de la victime. Grâce aux efforts entrepris par les secours, la survie immédiate (appréciée sur la récupération d’une activité cardiaque spontanée [RACS]) est d’environ 35 % des cas, mais la survie à un mois reste quant à elle très faible, de l’ordre de 5 à 10 %, essentiellement en raison des dégâts cérébraux causés initialement. La présence de témoins, un rythme initial à type de fibrillation ventriculaire et la réalisation immédiate des gestes de survie constituent les principaux facteurs pronostiques favorables. Le pronostic (vital et fonctionnel) est en effet étroitement dépendant de la rapidité de prise en charge et du délai qui aura été nécessaire pour rétablir une circulation spontanée efficace. Pour augmenter le taux de survie, une amélioration de la prise en charge portant sur le rôle des témoins et la rapidité d’intervention est donc absolument nécessaire. Cette survie obtenue grâce à la réanimation initiale se fait parfois au prix d’éventuelles séquelles dont la forme la plus sévère est représentée par les états végétatifs chroniques post-anoxiques, conséquence de l’anoxo-ischémie cérébrale initiale.

Principales causes d’arrêt cardiaque

Sur le plan étiologique, les mécanismes pouvant être à l’origine d’une mort subite sont multiples, mais sont essentiellement d’origine primitivement cardiaque (Tableau S07-P02-C01-I) [8]. Parmi ces causes, il faut distinguer le concept de mort subite de l’adulte, d’origine essentiellement cardiaque et qui se manifeste principalement par une fibrillation ventriculaire. La majorité de ces morts subites surviennent chez des patients atteints d’une maladie cardiovasculaire préexistante, qu’elle soit connue ou inconnue, parfois totalement silencieuse. Elle peut survenir très brutalement, « à l’emporte-pièce », mais elle est parfois précédée de prodromes (douleur, lipothymies, syncopes, palpitations). La mort subite de l’adulte jeune peut également dans de rares cas révéler une cardiopathie non structurelle arythmogène devant faire envisager un dépistage familial.

 

Tableau S07-P02-C01-I Mécanismes et principales causes des arrêts cardiaques.

Cardiaque

Ischémique

Syndrome coronaire aigu

Cardiopathie ischémique

Structurelle non ischémique

Cardiomyopathie dilatée

Cardiomyopathie hypertrophique

Cardiomyopathie restrictive

Cardiopathie valvulaire

Cardiomyopathie congénitale

Dysplasie arythmogène du ventricule droit

Myocardite

Cardiomyopathie de stress

Non structurelle

Syndromes arythmiques congénitaux

QT long acquis

Trouble ionique / métabolique majeur

Électrocution

Traumatisme thoracique (commotio cordis)

Extracardiaque

Respiratoire

Pneumopathie aiguë, œdème pulmonaire, pneumothorax, etc.

Neurologique

Hémorragie méningée, accident vasculaire cérébral, etc.

Autre

Embolie pulmonaire, hémorragie, hypovolémie, intoxication aiguë, troubles métaboliques, tamponnade, etc.

Bilan négatif

Mort subite inexpliquée

 

Conséquences de l’arrêt cardiaque

Seul le rétablissement précoce d’une circulation suffisante procure une chance de survie. En effet, l’interruption brutale de la circulation du sang oxygéné induit des lésions tissulaires et cellulaires irréversibles en quelques minutes. De plus, aux lésions initiales d’anoxie s’ajoutent, surtout en cas d’ischémie prolongée, des lésions spécifiques de reperfusion qui se surajoutent aux dommages initiaux [1]. La physiopathologie de ces lésions « secondaires » n’est pas spécifique de l’arrêt cardiaque et fait intervenir, en particulier, la création de radicaux libres oxygénés et la peroxydation des lipides membranaires. Les mécanismes en cause expliquent les effets potentiellement délétères d’une hyper-oxygénation inappropriée lors de la réanimation initiale, qui pourrait contribuer à aggraver ces lésions. Ces phénomènes contribuent certainement à l’aggravation des lésions anoxo-ischémiques (notamment cérébrales) au cours des premières heures, voire des premiers jours.

La « chaîne de survie » : un concept pédagogique et organisationnel

La reconnaissance précoce de l’arrêt cardiaque permet d’activer rapidement les services médicaux d’urgence, réduisant ainsi les conséquences attendues de l’arrêt cardiaque. En effet, une réanimation cardiopulmonaire (RCP) précoce réalisée par le premier témoin peut doubler, voire tripler les chances de survie en cas de mort subite due à une fibrillation ventriculaire, surtout si cette RCP est couplée à une défibrillation précoce. La RCP et la défibrillation, réalisées dans les 3 à 5 minutes suivant la perte de connaissance, peuvent effectivement permettre d’obtenir des taux de survie élevés allant de 49 à 75 %. On estime que la probabilité de survie diminue de 10 à 15 % à chaque minute perdue en matière de délai de défibrillation. Ces différents éléments de la prise en charge de l’arrêt cardiaque constituent les principes fondamentaux de la « chaîne de survie », concept développé dans les années 1960. Par nature, la chaîne de survie est un concept essentiellement pédagogique et organisationnel qui identifie les différentes actions et acteurs susceptibles d’améliorer la survie des patients en arrêt cardiaque. Cette chaîne est composée de quatre maillons :

– reconnaissance des signes précurseurs de l’arrêt cardiaque et alerte précoce des secours ;

– RCP de base précoce délivrée par les premiers témoins ;

– défibrillation précoce ;

– RCP médicalisée précoce et réanimation post-arrêt cardiaque.

Bien entendu, ce concept de chaîne de survie apparaît particulièrement adapté à la prise en charge des victimes de mort subite par trouble du rythme cardiaque. Au cours de la dernière décennie, son impact sur l’amélioration du pronostic a été établi au travers de larges études, le bénéfice semblant principalement reposer sur la défibrillation précoce [14]. Cependant, les maillons de cette chaîne de survie sont interdépendants et c’est le plus faible qui détermine la solidité de cette chaîne.

Diagnostic et alerte : le rôle du témoin

La reconnaissance et l’alerte sont des étapes indispensables qui permettent de donner les premières consignes à l’appelant et de mobiliser les ressources nécessaires. La reconnaissance d’un arrêt cardiaque par le témoin doit reposer sur des éléments simples et fiables, permettant à toute personne de poser le diagnostic en quelques secondes. Ainsi est-il désormais admis que le diagnostic d’arrêt cardiaque doit être évoqué systématiquement et immédiatement selon les modalités suivantes :

– pour le public et pour les sauveteurs non professionnels (non entraînés à la recherche du pouls), la reconnaissance de l’arrêt cardiaque repose sur l’absence de signes de vie : patient inconscient, ne bougeant pas, ne réagissant pas lors des stimulations verbales et ne respirant pas ou respirant de façon franchement anormale (gasps). En effet, la recherche du pouls par des témoins non professionnels, n’apparaît pas suffisamment fiable pour confirmer l’absence de circulation en raison de sa sensibilité insuffisante ;

– pour les secouristes et les professionnels de santé (entraînés à la recherche du pouls), la reconnaissance de l’arrêt cardiaque repose sur l’absence de signes de circulation : absence de signe de vie et absence de pouls.

Dans tous les cas, cette reconnaissance de l’arrêt cardiaque doit être la plus rapide possible. Elle impose le déclenchement des secours par une alerte au 15 (SAMU), au 18 (pompiers) ou au 112 (numéro d’urgence européen) ainsi que le début immédiat de la RCP de base par les témoins. Il sera toujours possible de stopper la RCP si la réalité de l’arrêt cardiaque ne se confirme pas. De plus, il est communément admis qu’il vaut mieux prendre le risque de débuter une RCP par excès que de retarder la prise en charge d’un arrêt cardiaque méconnu.

Réanimation cardiopulmonaire de base : former le plus grand nombre

Son objectif essentiel est de maintenir une oxygénation tissulaire suffisante pour protéger les principaux organes d’altérations irréversibles, en attendant la reprise d’une activité circulatoire spontanée (RACS) efficace. Elle comporte une série d’interventions visant à vérifier la liberté des voies aériennes, à assurer une ventilation minimale, et surtout, à engendrer une circulation grâce à la création d’un débit sanguin réduit (low flow). Ces manœuvres doivent permettre de produire un débit sanguin systémique minimal (notamment cérébral et coronaire), de prolonger la durée de la fibrillation ventriculaire et d’augmenter ainsi les chances de réussite de la défibrillation. Ainsi, pendant les toutes premières minutes d’une fibrillation ventriculaire, les compressions thoraciques sont-elles particulièrement cruciales si un choc ne peut être délivré tout de suite.

 

Figure S07-P02-C01-1 Algorithme de la réanimation cardiopulmonaire de base. DAE : défibrillateur automatisé externe ; RCP : réanimation cardiopulmonaire.

 

Toute personne ayant suivi une formation minimale doit pouvoir pratiquer et coordonner une RCP de base. Il est clairement démontré que cette RCP de base précoce délivrée par les premiers témoins améliore la survie des victimes qui présentent une fibrillation ventriculaire. Elle devrait être connue du plus grand nombre et la généralisation de son apprentissage est l’affaire de tous. Les conseils à la réalisation de ces manœuvres de RCP de base par le médecin régulateur au téléphone sont certainement bénéfiques, car ils augmentent la proportion de victimes bénéficiant de ces gestes de survie.

 

Figure S07-P02-C01-2 Algorithme de la défibrillation. DAE : défibrillateur automatisé externe ; RCP : réanimation cardiopulmonaire.

 

Massage cardiaque externe

Le rétablissement d’un débit circulatoire constitue un élément incontournable de la RCP. Il est principalement assuré par la pratique du massage cardiaque externe (MCE) que tous les sauveteurs doivent réaliser face à un arrêt cardiaque. Il doit être réalisé même en l’absence d’autre geste de réanimation, notamment même en l’absence de ventilation [11] (Figure S7-P2-C1-1). La RCP de l’adulte doit toujours commencer par le MCE, auquel succède éventuellement une alternance de compressions et de manœuvres de ventilation. Les sauveteurs formés peuvent en effet réaliser la ventilation artificielle avec une -alternance de 30 compressions pour 2 insufflations. Pour les sauveteurs non formés, le MCE seul (sans ventilation) est recommandé dans le cadre d’une RCP assistée par téléphone. La qualité du MCE pratiqué est particulièrement importante. En pratique, le but est d’obtenir une dépression thoracique d’au moins 5 cm et une fréquence d’au moins 100 compressions par minute, tout en assurant la relaxation passive du thorax et en minimisant au maximum les interruptions de compression thoracique. Toute interruption des compressions thoraciques doit être minimisée, en particulier lors des insufflations et des défibrillations. La comparaison du MCE réalisé manuellement avec les dispositifs mécaniques n’a pas permis de mettre en évidence de bénéfice à l’utilisation de ces derniers [18].

Ventilation

Régulièrement débattue, la ventilation pendant la RCP demeure toutefois recommandée, même si sa place apparaît désormais moins prioritaire, en particulier lors des toutes premières minutes. En effet, le guidage de la RCP par téléphone recommandant des manœuvres de compressions thoraciques seules à des témoins non entraînés à la RCP aboutit à un taux de survie comparable à un guidage plus complexe comportant une alternance de manœuvres de compression et de ventilation. Ainsi, lorsque les sauveteurs ne veulent pas ou ne savent pas réaliser le bouche-à-bouche, il est recommandé qu’ils entreprennent le MCE seul. De même, lorsque la RCP est guidée par téléphone, c’est désormais le MCE qui est privilégié dans les indications données au témoin.

Même dans les situations où la ventilation et le MCE sont combinés, la RCP de l’adulte commence toujours par 30 compressions thoraciques. L’alternance recommandée est ensuite de 30 compressions pour 2 insufflations. Les données expérimentales montrent en effet que ce ratio représente le meilleur compromis en matière d’efficacité circulatoire et d’oxygénation.

En l’absence de traumatisme du rachis, les manœuvres de ventilation débutent par l’ouverture des voies aériennes supérieures qui doit se faire par l’hyperextension de la tête et par surélévation du menton. La désobstruction des voies aériennes par la méthode des « doigts en crochet » ne doit être effectuée que si un corps étranger solide dans l’oropharynx est visualisé. La ventilation artificielle peut ensuite être réalisée par le bouche-à-bouche ou le bouche-à-nez. Pour les professionnels qui en sont équipés, elle est d’emblée réalisée à l’aide d’un insufflateur manuel et un masque au mieux reliés à une source d’oxygène. Quelle que soit la technique de ventilation utilisée, la durée conseillée de chaque insufflation est de 1 seconde. En pratique, le volume insufflé doit être suffisant pour soulever le thorax.

Défibrillation précoce

C’est un maillon crucial, car c’est celui qui possède la plus grande chance de restaurer l’activité circulatoire de ces victimes et d’améliorer très significativement leur survie. Son but est de permettre la transformation des fibrillations et des tachycardies ventriculaires sans pouls en un rythme mécaniquement efficace. En effet, chez ces patients, les chances de récupération diminuent très rapidement au fil des minutes écoulées en l’attente de la défibrillation, et la survie est inversement proportionnelle à la durée de l’arythmie cardiaque. La défibrillation doit donc être réalisée le plus rapidement possible, mais ne doit en aucun cas retarder le début de la RCP, systématiquement débutée et poursuivie jusqu’à l’arrivée du défibrillateur. Pendant cette période, le coup de poing sternal n’est plus recommandé.

Les recommandations les plus récentes accordent à juste titre une place prépondérante à la qualité du MCE et à son caractère continu (Figure S7-P2-C1-2). Cependant, les interruptions de RCP pour la détection du pouls, l’analyse du rythme ou la recharge du défibrillateur sont fréquentes au cours de la réanimation. Expérimentalement, ces interruptions sont délétères pour la survie et la fonction myocardique ultérieure. Les pauses avant et après chaque choc doivent être réduites au minimum, et il est recommandé de ne pas interrompre le MCE pendant que le défibrillateur se charge. Idéalement, la délivrance du choc électrique doit être obtenue avec une interruption du MCE de moins de 5 secondes.

Réanimation médicalisée : le dernier maillon

Cette RCP médicalisée constitue le dernier maillon de la « chaîne de survie ». Elle inclut non seulement la prise en charge initiale de la victime par une équipe médicale préhospitalière, mais également les soins administrés lors de la phase hospitalière précoce. Il existe en effet des différences significatives dans la prise en charge des victimes comateuses pendant les premières heures ou les premiers jours qui suivent le retour à une circulation spontanée. Cette différence de prise en charge pourrait contribuer aux résultats interhospitaliers disparates que l’on retrouve en matière de devenir des victimes d’arrêt cardiaque [12]. La nature et la qualité des traitements de réanimation administrés après récupération d’une activité circulatoire peuvent améliorer le devenir des patients, comme cela a été montré avec l’hypothermie thérapeutique [2], [13].

La réanimation médicalisée de l’arrêt cardiaque comporte plusieurs volets qui doivent être réalisés par un personnel formé et régulièrement entraîné. L’accent doit être mis sur la limitation des interruptions du MCE tout au long de la réanimation spécialisée. Les compressions thoraciques ne sont arrêtées que brièvement pour permettre les gestes nécessaires. L’agencement de ces différents volets entre eux et leur séquence d’utilisation sont résumés dans un algorithme global (Figure S07-P02-C01-3).

 

 

Figure S07-P02-C01-3 Algorithme universel. DAE : défibrillateur automatisé externe ; FV : fibrillation ventriculaire ; RACS : récupération d’une activité cardiaque spontanée ; RCP : réanimation cardiopulmonaire ; TV : tachycardie ventriculaire.

Ventilation

Nécessitant un personnel entraîné permettant une interruption minimale des compressions thoraciques, l’intubation endotrachéale reste la technique recommandée pour contrôler les voies aériennes au cours de la RCP. Elle permet de débuter une ventilation efficace et d’assurer une protection des voies aériennes. En cas de difficulté d’intubation, une ventilation doit au minimum être assurée par des techniques alternatives de type masque facial avec une canule de Guédel et un ballon auto-remplisseur relié à une source d’oxygène. Le temps nécessaire pour sécuriser les voies aériennes doit être le plus court possible, idéalement moins de 30 secondes. Une fois l’intubation réalisée et vérifiée, elle permet une ventilation sans interruption du MCE grâce à l’usage d’un respirateur automatique dont l’emploi est recommandé pour la poursuite de la ventilation mécanique pendant la RCP.

Abord vasculaire

La mise en place d’un abord vasculaire est un des premiers gestes à réaliser parallèlement à la défibrillation et à l’intubation trachéale. Cet abord est indispensable pour la poursuite de la réanimation, notamment pour l’administration des médicaments injectables (catécholamines et anti-arythmiques, en particulier). Cette mise en place doit être la plus simple et la plus rapide possible : elle ne doit en aucun cas gêner la poursuite de la RCP ni retarder la défibrillation. La voie privilégiée reste la voie veineuse périphérique située dans le territoire cave supérieur, sauf si une voie veineuse centrale est déjà en place. Si l’abord veineux périphérique est retardé ou ne peut être obtenu, l’abord intra-osseux doit être envisagé et nécessite chez l’adulte un dispositif approprié.

Médicaments

Rappelons au préalable qu’aucun médicament ne doit être utilisé pour traiter un arrêt cardiaque avant la réalisation de chocs électriques, lorsque ceux-ci sont indiqués, et avant qu’une RCP comportant MCE et ventilation n’ait été débutée. Les traitements médicamenteux utiles au cours de la réanimation sont peu nombreux, ce qui facilite leur usage :

– l’adrénaline, qui possède des effets α-mimétiques puissants, augmente la pression télédiastolique de l’aorte, principal déterminant de la circulation coronaire. De plus, elle améliore le débit sanguin cérébral en redistribuant le flux carotidien vers la carotide interne aux dépens de sa branche externe. Elle est la drogue à utiliser en première intention, quelle que soit l’étiologie de l’arrêt cardiaque. La dose recommandée est de 1 mg tous les 2 cycles de RCP, soit environ toutes les 3 à 5 minutes. Lors du traitement d’une fibrillation ventriculaire ou d’une tachycardie ventriculaire sans pouls, l’injection de 1 mg d’adrénaline est réalisée après le 3e choc, alors que les compressions thoraciques ont été reprises, et ensuite toutes les 3 à 5 minutes pendant les cycles de RCP ;

– l’amiodarone est le médicament recommandé en cas de fibrillation ventriculaire ou de tachycardie ventriculaire sans pouls résistante à la cardioversion électrique. Elle doit être utilisée immédiatement avant le 3e choc électrique externe à la dose de 300 mg injectés par voie intraveineuse directe. Cette première dose peut être suivie d’une réinjection à la posologie de 150 mg. Elle est associée à une augmentation du risque d’hypotension artérielle et de bradycardie ;

– le sulfate de magnésium à la dose de 2 g par voie intraveineuse directe est réservé aux fibrillations ventriculaires résistantes au choc dans un contexte d’hypomagnésémie suspectée ou aux cas de torsades de pointes. En effet, en dehors de ces situations, les études cliniques randomisées réalisées chez des adultes en arrêt cardiaque (intra- ou extrahospitalier) n’ont pas montré de bénéfice avec le magnésium ;

– l’alcalinisation n’est pas indiquée en routine lors de la RCP. Le soluté de bicarbonate de sodium équimolaire doit être réservé aux cas d’hyperkaliémie et/ou d’acidose métabolique préexistants ou encore en cas d’arrêt cardiaque par overdose de drogues à effet stabilisant de membrane, notamment les antidépresseurs tricycliques.

Aspects éthiques : quand ne pas débuter et quand stopper la RCP ?

La décision de débuter ou de stopper une réanimation doit être prise au cas par cas, en se basant sur des principes éthiques qui se résument à préserver la vie, à améliorer l’état de santé de la victime, à diminuer la douleur ressentie et à limiter les séquelles. Au-delà du bénéfice pressenti pour la victime, les manœuvres de réanimation doivent avoir pour principe de conserver son autonomie et de ne pas nuire à ses intérêts tout en respectant la loi.

La décision concernant la mise en route des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire chez un patient en arrêt circulatoire doit être prise la plupart du temps en urgence par des équipes ne connaissant pas le patient depuis longtemps. Les dispositions légales diffèrent cependant selon que la personne malade est en état d’exprimer sa volonté ou ne l’est pas. Lorsque la personne est en état d’exprimer sa volonté, le principe d’autonomie est étendu aux situations où l’abstention thérapeutique peut aboutir au décès, ce qui exonère le praticien de sanctions pénales au motif de la non-assistance à personne en péril. Ce droit des malades est accompagné d’une obligation pour le praticien d’informer sur les risques de la décision et de respecter un temps de réflexion ainsi que la possibilité de faire appel à un autre médecin, ce qui exclut de fait les situations d’urgence extrême, en particulier l’arrêt cardiaque soudain. La loi no 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie faisant appel à la notion d’obstination déraisonnable et impliquant des délais avant toute décision, les urgences vitales imprévues se trouvent de fait placées en dehors de son champ d’application. De telles urgences, dès lors qu’elles ne résultent pas d’une situation anticipée, restent donc dans le cadre plus général des soins impliquant les principes d’utilité, d’équité et de proportionnalité. L’exception liée à l’urgence est déjà inscrite dans le Code de santé publique, notamment dans l’article 1111-2 pour ce qui concerne le devoir d’information : « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé […] Cette information incombe à tout professionnel de santé […] seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser ». En revanche, lorsqu’il s’agit d’une maladie chronique pour laquelle une aggravation est prévisible, il y a lieu d’encourager le processus de réflexion pouvant inclure la rédaction des directives anticipées par le patient. En l’absence évidente de critères de mort avérée (décapitation, décomposition, rigidité cadavérique), des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire doivent être entreprises de principe d’autant plus que le secouriste n’a pas une connaissance approfondie du patient. Bien entendu, lorsque le patient a pu exprimer de son vivant sa volonté de ne pas être réanimé en cas d’arrêt cardiaque, cette décision doit être respectée si elle a été formulée conformément à la réglementation française (directives anticipées, personne de confiance).

La décision d’arrêter la réanimation est un problème difficile. Cette décision, toujours médicale, doit prendre en considération les circonstances de survenue, l’organisation des premiers gestes de secours et le contexte lié au patient et à son environnement. Lorsque cela est possible, il convient d’y intégrer une éventuelle volonté exprimée par le patient. Les données cliniques recueillies pendant la RCP ne sont pas fiables en matière de pronostic : par exemple, la constatation d’une mydriase bilatérale au cours de la réanimation n’a pas de valeur pronostique fiable. En revanche il apparaît raisonnable de stopper la réanimation en cas d’asystolie persistante malgré 30 minutes de réanimation bien conduite, sauf en cas d’hypothermie, de contexte toxique ou de persistance d’une cause favorisante et curable. Il faut également garder en mémoire que les résultats des études cliniques réalisées pour tenter de préciser ces règles d’arrêt de la RCP ont été obtenus dans le contexte nord-américain (comportant en particulier une prise en charge préhospitalière non médicalisée) [15].

Place de l’assistance circulatoire externe

L’assistance circulatoire a été proposée au cours de la RCP des arrêts cardiaques réfractaires dès 1976. Depuis cette date, la simplification et la miniaturisation des techniques d’assistance circulatoire ont permis une utilisation de celle-ci de plus en plus fréquente, notamment dans certains services de chirurgie cardiothoracique et de réanimation. Plus récemment, des résultats encourageants ont été obtenus par différentes équipes. Ces résultats portaient essentiellement sur des arrêts cardiaques d’origine toxique ou primitivement cardiaque, survenant essentiellement en intrahospitalier. Dans ces populations très sélectionnées, des survies sans séquelle neurologique importante ont été rapportées dans 20 à 30 % des cas. En revanche, les données préliminaires de l’assistance circulatoire pour les arrêts cardiaques préhospitaliers en France sont encore décevantes en matière de survie. Ces résultats sont certainement en rapport avec les délais de mise en place de l’assistance circulatoire pour un arrêt cardiaque préhospitalier, actuellement beaucoup plus longs que ceux rapportés par les études retrouvant une amélioration de survie des arrêts cardiaques intrahospitaliers. Outre les arrêts cardiaques survenant dans un contexte d’intoxication ou d’hypothermie (< 32 °C), les experts français considèrent que l’emploi de l’assistance circulatoire est également possible lorsque les conditions suivantes sont réunies : absence de comorbidités majeures, durée sans MCE (no flow) nulle ou inférieure à 5 minutes, durée prévisible totale du MCE (low flow) inférieure à 100 minutes, et EtO2 supérieur à 10 mmHg [4].

Réanimation post-arrêt cardiaque

Les heures qui suivent la reprise d’une activité circulatoire spontanée sont fréquemment marquées par la survenue d’un syndrome post-arrêt cardiaque qui peut, à lui seul, entraîner le décès. Ce syndrome est cliniquement caractérisé par un ensemble de manifestations viscérales, notamment neurologiques, cardiocirculatoires, respiratoires et rénales, qui peuvent conduire à des défaillances d’organes multiples. Expérimentalement, la physiopathologie de ce syndrome post-arrêt cardiaque apparaît complexe, faisant intervenir l’anoxo-ischémie initiale, contemporaine de la phase de no flow, ainsi que les lésions induites lors des manœuvres de réanimation, contemporaines du low flow. Chez l’homme, il semble que le risque de survenue et l’intensité du syndrome post-arrêt cardiaque soient essentiellement conditionnés par la durée et l’intensité des manœuvres de réanimation initiale (low flow). Il existe également un risque de survenue de lésions induites par la reperfusion et la réoxygénation lors de la reprise d’une circulation spontanée. Ces lésions de réoxygénation seraient d’autant plus délétères qu’il existe alors une génération de radicaux libres oxygénés toxiques. Une réaction inflammatoire intense et des perturbations majeures de la coagulation et de la fibrinolyse ont été décrites très précocement, dès l’admission en réanimation. Ces anomalies sont très proches de celles décrites lors du choc septique. Elles justifient une réanimation soutenue, ultime maillon de la chaîne de survie. Pendant cette période post-arrêt cardiaque, l’obtention et le maintien d’une homéostasie, en particulier sur le plan métabolique, représentent un objectif majeur. C’est souvent seulement après cette phase que peuvent être appréciées les éventuelles séquelles, en particulier neurologiques.

Malgré de nombreuses tentatives, aucun médicament n’a fait la preuve de son efficacité à réduire les conséquences tissulaires (en particulier cérébrales) de l’anoxo-ischémie induite par l’arrêt cardiaque. Plusieurs études ont montré que la mise en œuvre rapide d’un contrôle ciblé de la température par refroidissement externe améliorait le pronostic vital et neurologique des victimes de fibrillation ventriculaire ou tachycardie ventriculaire extrahospitalière, toujours comateuses lors de leur admission à l’hôpital. Cette technique fait désormais l’objet de recommandations d’emploi systématique dans cette situation. Pour tous les autres patients (pour lesquels le niveau de preuve est plus bas), l’hypothermie thérapeutique peut également être proposée mais elle doit être discutée au cas par cas, en tenant compte du rapport risque/bénéfice individuel [6]. Lorsqu’un contrôle ciblé de la température est pratiqué, le niveau thermique à atteindre est controversé. Récemment, une vaste étude multicentrique internationale visant à comparer deux niveaux de contrôle thermique (33 et 36 °C) n’a pas mis en évidence de bénéfice en termes de mortalité à J90 entre les deux bras d’intervention [16].

Le syndrome coronaire aigu étant la cause la plus fréquente d’arrêt cardiaque extrahospitalier, l’indication de coronarographie doit être évoquée en fonction du contexte clinique, dès la prise en charge préhospitalière. En effet, une plaque coronarienne instable (rupture de plaque ou thrombose coronaire) est présente dans 57 % des autopsies d’arrêts cardiaques extrahospitaliers. Les études angiographiques comportant la réalisation systématique d’une coronarographie dès l’arrivée chez tous les survivants d’un arrêt cardiaque extrahospitalier sans cause extracardiaque retrouvent une occlusion coronaire récente dans environ 50 % des cas. Par ailleurs, ces mêmes études montrent qu’il existe une association indépendante entre le succès d’une dilatation d’une artère coronaire responsable d’un infarctus récent et la survie. Enfin, la valeur prédictive de l’ECG, des données cliniques (douleur thoracique, facteurs de risque) et biologiques (dosage précoce des enzymes cardiaques, notamment la troponine) pour prédire l’occlusion coronaire est malheureusement médiocre [7], [10], [19]. En fonction du contexte, la décision d’exploration coronarographique sera donc prise au mieux dès la phase préhospitalière, de manière à orienter le patient vers un centre susceptible de pouvoir réaliser ce geste lorsque celui-ci s’avère nécessaire. Des données récentes suggèrent qu’une telle attitude permet d’obtenir des résultats particulièrement encourageants [5], [9].

Conclusion

Le pronostic de l’arrêt cardiaque dépend de la rapidité avec laquelle la circulation spontanée est rétablie. L’évolution des recommandations privilégie désormais la simplification des gestes et des techniques permettant l’obtention du meilleur bénéfice en termes de pronostic. L’enseignement de la RCP de base au grand public est indispensable pour améliorer le pronostic des arrêts cardiaques. C’est un élément crucial de la « chaîne de survie » au même titre que la défibrillation précoce. L’introduction de nouvelles techniques de réanimation spécialisée nécessite avant tout des preuves scientifiques de leur efficacité en termes de survie et de réduction des séquelles neurologiques. Enfin, il est désormais admis que la mise en place d’un protocole structuré de réanimation post-arrêt cardiaque peut améliorer la survie des victimes après RACS.

Bibliographie

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Géri G, Carli P, Cariou A. Arrêt cardiaque. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2018-S07-P02-C01 : 1-7.

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