S09 Cancérologie

S09 Cancérologie

S09

Cancérologie

 

François Goldwasser

La biologie tumorale a été traversée par les progrès des techniques. Ceux-ci ont rythmé l’évolution des concepts théoriques sur la pathologie maligne, son mécanisme et son démembrement en entités distinctes. Microscope optique puis biologie moléculaire et désormais séquençage à haut débit ont conduit à définir les cancers d’abord à l’échelon cellulaire et anatomopathologique puis actuellement en identifiant des mutations de gènes. On a donc successivement parlé de cancer du poumon, puis isolé les adénocarcinomes pulmonaires (par le microscope optique) puis identifié parmi eux des adénocarcinomes pulmonaires avec mutation activatrice oncogénique du gène du récepteur de l’epidermal growth factor (EGF) par biologie moléculaire (PCR) et nous nous acheminons vers une analyse d’anomalies génétiques somatiques concomitantes par le séquençage à haut débit, ouvrant la voie à un antitumorogramme individualisé (cancer du poumon EGF-R+, kras+, Her2–, Alk–, etc.), sur le modèle de l’antibiogramme en infectiologie.

Les besoins de pouvoir comparer la situation d’un même patient au cours du temps, de pouvoir comparer les patients entre eux, en particulier pour réaliser des études cliniques, et de dégager des recommandations fondées sur des preuves ont conduit à définir, à toutes les étapes de la prise en charge du cancer, des scores et des guides validés. Ces critères sont d’une grand aide à la décision et doivent être connus. Nous illustrons ici dans chaque situation clinique, diagnostique, pronostique, préthérapeutique, post-thérapeutique, au travers d’exemples, la diffusion de cette démarche.

Généralités

Les médicaments antitumoraux ont pour objectif commun de réduire la quantité totale de cellules tumorales dans l’organisme, via une action systémique. Cette action sur le syndrome tumoral peut s’accompagner d’un bénéfice clinique lié à la réduction des volumes tumoraux, d’une augmentation de la durée sans progression tumorale, d’un gain en survie globale, voire d’une guérison. L’effet sur le syndrome tumoral est lié à l’induction d’une mort cellulaire, consécutive à trois grandes classes de mécanismes d’action que nous passons en revue ci-dessous.

Interaction avec le métabolisme de l’ADN

Cet effet antitumoral est le mécanisme d’action des agents cytotoxiques conventionnels. Provoquer des lésions de l’ADN, directes (alkylants, platines) ou médiées par une ADN topo-isomérase (anthracyclines, épipodophyllotoxines, camptothécines) est particulièrement efficace dans les tumeurs très prolifératives, par exemple les tumeurs germinales ou les carcinomes bronchiques à petites cellules. L’inhibition de la synthèse de l’ADN (antifolates, antipyrimidiques, antipuriques) est un mécanisme d’action permettant un effet cytotoxique souvent au moins additif voire synergique avec celui des médicaments qui endommagent l’ADN. Ainsi beaucoup de bichimiothérapies associent-elles les deux actions (FOLFOX, anthracycline-Ara-C, gemcitabine-platine…). Enfin, un effet cytotoxique peut être consécutif à une interaction avec la mitose et la séparation des chromosomes en perturbant le cytosquelette (taxanes, alcaloïdes de la vinca, halichondrines).

L’apparition de métastases est une complication redoutée de la pathologie maligne, souvent associée avec l’incurabilité de la maladie. Les métastases peuvent être synchrones, découvertes en même temps que la tumeur primitive, ou métachrones, survenant après un intervalle libre sans métastase. Plus cet intervalle libre est long, meilleur est le pronostic et plus élevées sont les chances de guérison à ce stade. Quelques présentations cliniques, compatibles avec un objectif curatif, doivent être connues. Dans les autres situations, l’incurabilité est compatible avec une survie prolongée dans beaucoup de cas. L’apparition de thérapies systémiques antitumorales actives dans un nombre croissant de pathologies malignes a augmenté la survie des patients au stade métastatique. Une deuxième conséquence de l’existence de médicaments efficaces est de donner du sens à des stratégies médico-chirurgicales vis-à-vis de sites métastatiques. L’approche thérapeutique est de plus en plus complexe, exige une coordination et un dialogue régulier interdisciplinaire. Elle doit prendre en compte :

– la tumeur primitive et son type ;

– son histoire naturelle ;

– son histoire sous l’effet des traitements antérieurs ;

– le ou les sites métastatiques et donc l’ampleur du syndrome tumoral ;

– la présence et la sévérité d’un syndrome inflammatoire, d’une dénutrition, d’une précachexie ;

– le caractère symptomatique ou non des métastases, le risque fonctionnel.

Se développent désormais des réunions de concertations pluridisciplinaires (RCP) dédiées à un site métastatique pour discuter de la stratégie thérapeutique locale et systémique : RCP métastases osseuses, RCP métastases pulmonaires, RCP métastases cérébrales…

L’incidence des sarcomes des tissus mous en France est d’environ 4 500 nouveaux cas par an. Ils représentent 80 % des cas de sarcomes tandis que les sarcomes osseux représentent environ 20 %. Toutefois, ces chiffres sous-estiment certainement la réalité, car les sarcomes sont ubiquitaires, et souvent intégrés aux statistiques liées à d’autres localisations tumorales. Ils représentent 1 % de l’ensemble des maladies malignes et 8 % des cancers de l’enfant et de l’adolescent en Europe. Il s’agit d’un groupe hétérogène de tumeurs rares qui dérivent principalement du mésoderme embryonnaire. Les taux de survie chez les patients avec des sarcomes des tissus mous tout confondus atteignent seulement 50 à 60 % à 5 ans. En cas de maladie métastatique, la durée de vie médiane est de l’ordre de 24 à 36 mois selon les sarcomes.

La prise en charge diagnostique et thérapeutique doit obligatoirement faire appel à une équipe pluridisciplinaire experte dans la prise en charge des sarcomes, afin d’avoir la meilleure chance de survie et le meilleur pronostic fonctionnel. Tout sarcome des tissus mous de l’adulte doit être enregistré dans la base nationale NetSarc et une relecture par le Réseau de référence en pathologie des sarcomes des tissus mous et des viscères (RRePS) est recommandée en raison de l’enjeu pronostique de qualité du diagnostic et de la fréquence des erreurs.