S19 Dermatologie

S19 Dermatologie

S19

Dermatologie

 

Dan Lipsker

Partie 1 - Généralités et situations particulières

L’examen de la peau permet d’identifier les maladies qui touchent spécifiquement cet organe et aussi d’obtenir rapidement, dès l’inspection visuelle et la palpation, des informations importantes pour le diagnostic de maladies touchant primitivement d’autres organes, mais ayant des répercussions cutanées. Car la plupart des maladies générales peuvent comporter des signes cutanés qui leur sont plus ou moins spécifiquement associés. Les signes cutanés facilitent alors le diagnostic de l’affection du fait de leur visibilité immédiate. Cette accessibilité permet aussi une biopsie pour confrontation anatomoclinique dans les situations où le diagnostic ne s’impose pas dès l’examen clinique. Cela autorise la confirmation histopathologique de nombreuses maladies, en évitant les biopsies d’organes plus difficilement accessibles. Le tableau S19-P01-01-I illustre quelques exemples de contextes cliniques où la présence de signes cutanés, parfois discrets, permet de porter le diagnostic de maladies systémiques ou ayant des répercussions viscérales importantes. L’une des difficultés, surtout pour le nonspécialiste, est de discriminer parmi les nombreux signes cutanés ceux qui orientent vers une maladie sérieuse. Cela est d’autant plus difficile qu’il existe un nombre considérable de maladies cutanées, puisque chaque anomalie touchant la peau est visible, a été nommée, décrite et répertoriée dans la nosologie, même si de nombreuses entités n’ont pas de conséquence autre qu’esthétique ou une gêne légère liée au prurit.

Examen dermatologique

Un examen dermatologique complet inclut l’examen de la peau, des cheveux, des ongles et de toutes les muqueuses. Il doit se faire sous un bon éclairage. Il faut examiner « de loin », en observant le malade dans sa globalité, pour se faire une idée de la distribution, et « de près », parfois à l’aide d’une loupe, pour identifier et répertorier l’ensemble des lésions élémentaires. L’examen au dermatoscope permet d’affiner l’étude sémiologique fine, notamment des tumeurs.

Certains aspects généraux sont facilement relevés. Il s’agit, par exemple, de la couleur de la peau. Sa couleur normale est déterminée notamment par le contenu en mélanine et en caroténoïdes ainsi que par les parts respectives d’hémoglobine oxydée et réduite (voir Chapitre S19-P01-C04). La couleur jaune conjonctivocutanée de l’ictère attire ainsi d’emblée le regard, tout comme l’aspect bleuté des extrémités et des lèvres de la cyanose d’origine centrale, par excès d’hémoglobine réduite. La moiteur ou, au contraire, la sécheresse de la peau sont aussi des caractères faciles à apprécier. Ainsi l’hyperhidrose (c’est-à-dire l’excès de transpiration) localisée (axillaire, palmaire, plantaire) n’est-elle pas associée à une maladie interne, mais elle est la cause d’une baisse importante de la qualité de vie. Les sueurs profuses, surtout nocturnes, en revanche, doivent toujours être explorées, car elles peuvent être symptomatiques de nombreuses maladies, notamment de certaines infections et de lymphomes. L’hyperthyroïdie est une cause classique de moiteur cutanée. La sécheresse cutanée (ou xérose) est fréquente chez les personnes âgées et chez les sujets atopiques. Elle peut aussi être la conséquence de l’hypothyroïdie ou de certains médicaments (statines, drogues à effets atropiniques…). L’état d’hydratation cutanée rend compte de l’équilibre hydro-électrolytique. Le pli cutané persistant (le chercher sur le front ou le thorax) témoigne habituellement d’une déshydratation, alors que l’anasarque traduit en général une carence protéique de cause hépatique ou rénale, avec ou sans insuffisance cardiaque surajoutée.

L’analyse de certains caractères d’une lésion, comme, par exemple, sa forme, sa taille, sa surface ou sa couleur, a permis d’individualiser des « lésions élémentaires », qui sont les modes de réponse de la peau aux différentes maladies et aux agressions qu’elle subit. Il s’agit des lésions les plus simples auxquelles on peut ramener les diverses affections cutanées et à l’aide desquelles on peut les décrire. Toute affection cutanée résultera de l’association d’une ou de plusieurs de ces lésions élémentaires. Pour être classée en lésion élémentaire, la lésion doit pouvoir être individualisée assez facilement sans être confondue avec une autre lésion. Elle doit permettre de décrire toutes les altérations de la peau. L’association de plusieurs lésions élémentaires peut réaliser de véritables syndromes. Ces lésions élémentaires constituent un « alphabet » que le médecin doit apprendre à lire pour être capable de faire le diagnostic d’une maladie qui touche la peau.

L’algorithme (Figure S19-P1-C3-1) élaboré initialement pour un ouvrage consacré à l’examen clinique et au diagnostic différentiel dermatologique [4] et repris ici permet la reconnaissance des différentes lésions élémentaires. Les principales causes de certaines lésions élémentaires dermatologiques sont résumées dans ce chapitre.

Les troubles de la pigmentation (dyschromies) témoignent parfois d’une altération ou d’un dysfonctionnement isolé du système pigmentaire cutané ; ils déterminent alors des lésions que seul un changement de teinte distingue de la peau normale [4]. Mais ils surviennent plus souvent encore au cours ou au décours d’états pathologiques impliquant d’autres structures et fonctions cutanées ; il n’est pas rare, dans de telles situations, que le trouble pigmentaire apparaisse comme un épiphénomène au plan étiopathogénique, tout en occupant le devant de la scène clinique. C’est pourquoi la démarche diagnostique, devant une dyschromie, vise d’abord à déterminer s’il existe d’autres anomalies cutanées associées, même très discrètes, telles qu’une infiltration, une atrophie, des squames, etc. Leur présence peut orienter le diagnostic vers une affection qui n’est habituellement pas classée parmi les troubles pigmentaires. Nous avons effectué le choix arbitraire parmi ces affections susceptibles de comporter une part significative de dyschromie [5], [8] ; toutes les traiter reviendrait à passer en revue la quasi-totalité de la pathologie cutanée.

Le prurit se définit comme « une sensation déplaisante qui provoque le besoin de se gratter » [7][9]. Le prurit n’est pas une douleur a minima ; il s’oppose d’ailleurs sur bien des points à la douleur (Tableau S19-P01-C05-I). Il existe des sensations intermédiaires entre le prurit et la douleur (ou voisines) : les paresthésies (picotements, brûlures, fourmillements, etc.), qu’il n’est pas toujours facile de décrire pour le patient. Le prurit peut avoir de nombreuses causes : maladies cutanées inflammatoires, accumulation de toxines (prurit cholestatique ou urémique), maladies générales (hémopathies, maladies endocriniennes, etc.). Il peut être induit par des agents exogènes (produits chimiques, médicaments). Il peut être uniquement neurogène ou psychogène. Il peut être aigu ou chronique. Au même titre que la douleur ou l’asphyxie, il peut être à l’origine d’une souffrance importante. Les thérapeutiques actuelles [2] sont souvent insuffisamment efficaces, mais le placebo peut apporter un soulagement chez une très forte proportion des patients.

Le diagnostic dermatologique repose sur l’identification précise de la lésion élémentaire. Cette étape est habituellement indispensable pour déterminer le mécanisme et la causalité d’une maladie à expression cutanée. Dans les chapitres suivants, ce dogme n’est pas vrai. Il s’agit en effet de dermatoses tantôt caractérisées par une morphologie toute particulière liée à leur arrangement (« dermatoses figurées ») – et non à leur lésion élémentaire – tantôt caractérisées par leur circonstance d’apparition ou déclenchante, comme par exemple l’exposition aux rayons solaires ou au contraire au froid, indiquant d’emblée le mécanisme pathogénique. Pour des raisons didactiques, les dermatoses siégeant préférentiellement (mais non exclusivement) dans une région anatomique donnée seront également abordées dans ce chapitre.

Traitement par ultraviolets : photothérapie

Utilisés de façon empirique depuis la nuit des temps pour traiter certaines maladies de peau, les rayons solaires ont été reproduits artificiellement et sont devenus aujourd’hui une arme thérapeutique pour de nombreuses maladies cutanées mettant en jeu des phénomènes immunologiques. Les ultraviolets (UV) ont un effet immunosuppresseur, d’où leur intérêt thérapeutique dans un grand nombre de maladies cutanées où l’immunité est impliquée. Les progrès réalisés au fil du temps ont permis de sélectionner les rayonnements les plus efficaces et les moins délétères possibles pour la peau [7].

Avec l’essor de la PUVA-thérapie depuis les années 1970, nous avons aujourd’hui à notre disposition un éventail très large de possibilités. Outre la PUVA-thérapie, notre arsenal thérapeutique s’est enrichi des UVB à spectre large, des UVB à spectre étroit, de la balnéo-PUVA-thérapie soit localisée, soit généralisée, des UVA1 ou encore du laser excimer.

Aujourd’hui, les UVB à spectre étroit (SE) sont utilisés préférentiellement. Cette photothérapie existe depuis 1998. Les cabines sont équipées de lampes Philips TL01 dont le spectre d’émission UVB est centré sur 313 ± 2 nm.

Une évolution plus récente est représentée par la PUVA-thérapie UVA à haute intensité (ou UVA1), qui est utilisée essentiellement dans la prise en charge de la dermatite atopique. Nous avons également à notre disposition la photophérèse ou photochimiothérapie extracorporelle dans laquelle les cellules du patient sont irradiées en dehors du corps.

Partie 2 - Tumeurs cutanées

Dès lors qu’il est amené à examiner un patient, le médecin est quotidiennement confronté aux tumeurs cutanées. Savoir les nommer précisément n’est pas forcément indispensable ; ce qui l’est, c’est savoir distinguer les tumeurs cutanées bénignes des cancers.

L’examen clinique est souvent la base de la reconnaissance de ces tumeurs, et, avant toute chose, l’interrogatoire. Une lésion ancienne, inchangée dans le temps, a toutes les chances d’être bénigne, tandis qu’une lésion évolutive est possiblement maligne. Mais l’interrogatoire est insuffisant à lui seul, certains patients minimisant, parfois volontairement, le caractère évolutif d’une tumeur, et certaines tumeurs malignes n’étant que très lentement évolutives. Ce sont les données de l’examen physique qui permettront d’orienter le diagnostic vers la bénignité plutôt que la malignité (Tableau S19-P02-C01-I). Ainsi une tumeur monochrome, non ulcérée, symétrique, bien limitée, est-elle le plus souvent bénigne, tandis qu’une tumeur polychrome, ulcérée, saignant au moindre contact doit être considérée comme maligne.

Cette famille de cancers cutanés regroupe, par ordre de fréquence, les carcinomes basocellulaires, les carcinomes épidermoïdes (ou spinocellulaires) et les carcinomes annexiels (folliculaires et sudoraux). Le nombre des deux premiers est en constante augmentation, du fait de l’exposition solaire croissante mais aussi et surtout du vieillissement des populations occidentales à peau blanche. Même si leur pronostic est, en général, favorable après excision chirurgicale, leur reconnaissance précoce peut permettre d’éviter des gestes chirurgicaux délabrants, car trop tardifs. Leur pronostic peut, de plus, devenir défavorable dans les situations d’immunosuppression congénitale ou acquise, par exemple chez les greffés d’organe.

Le mélanome est un cancer du mélanocyte, cellule de la pigmentation. Il s’agit, dans la majorité des cas, d’une tumeur maligne cutanée ; toutefois, des formes extracutanées existent, en particulier sur l’appareil oculaire, les sinus, le tube digestif et les méninges. D’exceptionnelles formes atteignant primitivement d’autres organes existent aussi ; mais, avant de retenir ce diagnostic, il convient de s’assurer que l’on n’est pas en présence d’une métastase d’un mélanome cutané passé inaperçu. Diagnostiqué précocement, le mélanome cutané est une tumeur solide de bon pronostic, cependant les formes métastatiques, malgré les progrès thérapeutiques récents, demeurent quasi systématiquement létales. Il convient donc d’insister sur les moyens du diagnostic précoce, les critères de suspicion, les outils du diagnostic différentiel et du diagnostic positif. Le traitement des formes précoces est essentiellement chirurgical et le traitement des formes avancées doit se faire idéalement dans le cadre d’études cliniques dans des centres hyperspécialisés.

Les cancers de la peau les plus fréquents (carcinomes, mélanomes) ont été abordés dans les chapitres précédents. De façon comparable à d’autres organes, la peau est concernée par une multitude d’autres cancers. L’épidémiologie de ces autres tumeurs cutanées, aussi appelées « tumeurs rares », est mal connue pour la plupart d’entre elles en raison de la difficulté du diagnostic histologique, des variations de nosologie et des classifications, de la variabilité de présentation clinique et enfin de leur rareté relative.

Nous aborderons successivement le carcinome de Merkel, la maladie de Kaposi, les sarcomes cutanés, la maladie de Paget cutanée mammaire et extramammaire et les tumeurs annexielles malignes. Le but de ce chapitre est de présenter des notions sur l’épidémiologie, les signes cliniques d’aide au diagnostic, les formes cliniques principales, les caractéristiques histologiques, les traitements et le pronostic pour chaque type tumoral.

Les lymphomes cutanés représentent un groupe hétérogène de proliférations malignes se développant essentiellement aux dépens des lymphocytes T ou B et pouvant atteindre la peau. On oppose les lymphomes cutanés primitifs s’exprimant de manière préférentielle sur la peau, dont font partie le mycosis fongoïde et le syndrome de Sézary, aux lymphomes systémiques secondairement localisés à la peau. L’incidence annuelle des lymphomes cutanés est estimée à 1/100 000 [9]. Pseudo-lymphome est un terme imprécis, qui regroupe diverses hyperplasies lymphoïdes, le plus souvent réactionnelles à une stimulation antigénique pouvant être médicamenteuse, bactérienne ou de contact.

Les lymphomes cutanés primitifs sont intégrés dans la classification OMS 2008 des lymphomes (Tableau S19-P02-C05-I). Leur diagnostic correct requiert une analyse sémiologique précise des lésions cutanées, une expertise en dermatopathologie et une concertation régulière entre l’anatomopathologiste et le clinicien. Les techniques de biologie moléculaire ont pour objectif de mettre en évidence une population monoclonale B ou T au sein de la prolifération lymphocytaire. Si elles constituent une aide certaine au diagnostic, leurs résultats doivent être interprétés avec prudence et corrélés aux observations cliniques et microscopiques.

Les métastases cutanées des cancers profonds peuvent être révélatrices du cancer primitif ou, le plus souvent, survenir au cours de leur évolution. Tous les cancers peuvent être à l’origine de métastases cutanées. Le pronostic est sombre. Elles représentent 2 % des tumeurs malignes de la peau et sont révélatrices du cancer dans 20 % des cas [2]. La propagation se fait le plus souvent par voie lymphatique. Les lésions sont alors situées à proximité du cancer primitif et surviennent tardivement. La propagation par voie sanguine correspond à une dissémination précoce du cancer sans topographie spécifique. Plus rarement, la dissémination se fait par contiguïté ou par implantation iatrogène. Le mélanome n’est pas un cancer profond, mais c’est le cancer cutané qui est le plus souvent à l’origine de métastases cutanées.

La prise au long cours d’un traitement immunosuppresseur, quelle qu’en soit la cause, expose le patient à un risque accru de cancers. Les données sur les différentes maladies inflammatoires sont peu documentées et nous prendrons comme modèle les transplantés d’organe qui ont fait l’objet de très nombreux travaux [1]. Le bon fonctionnement d’un greffon nécessite en effet la prise d’un traitement immunosuppresseur à vie. Les cancers cutanés sont les cancers les plus fréquents après transplantation d’organe. Ils comportent principalement les carcinomes mais aussi le mélanome, la maladie de Kaposi ou d’autres tumeurs plus rares, comme les carcinomes de Merkel. La prise en charge de ces tumeurs doit être multidisciplinaire et comprend à la fois des traitements dermatologiques et une révision des traitements immunosuppresseurs.

L’examen attentif de la peau permet de repérer des signes indicateurs de cancers viscéraux. Il s’agit, d’une part, de syndromes paranéoplasiques et, d’autre part, de tumeurs cutanées permettant le diagnostic de syndromes génétiques prédisposant aux cancers viscéraux. En effet, certaines tumeurs cutanées bénignes ou malignes sont le marqueur cliniquement visible de maladies génétiquement déterminées, qui confèrent un risque significatif de cancers viscéraux [3]. Ainsi, par exemple, les trichilemmomes multiples, des tumeurs cutanées d’origine pilaire, bénignes, sont-ils le marqueur du syndrome de Cowden, lié à une mutation du gène PTEN. Les sujets atteints de ce syndrome ont un risque important de développer un cancer du sein ou de la thyroïde. Certaines tumeurs sébacées, comme l’adénome sébacé et/ou le carcinome sébacé, sont un autre exemple. Ils sont très significativement associés au syndrome de Muir-Torre, la « variante dermatologique » du syndrome de Lynch (cancers coliques familiaux héréditaires non associés à une polypose), lié à un défaut des enzymes réparant les mauvais appariements de l’ADN (mismatch repair), notamment MLH1, MSH2, MSH6. Il est donc important de connaître les tumeurs qui s’intègrent dans le cadre de syndrome prédisposant aux cancers, car si ces tumeurs sont pour la plupart bénignes et que leur prise en charge ne pose pas de problème particulier, elles imposent néanmoins une enquête personnelle, familiale et génétique, ainsi que le dépistage des cancers par des investigations spécialisées, appropriées selon le syndrome. Les principales tumeurs et leur signification sont illustrées dans le Tableau S19-P02-C08-I.

Partie 3 - Dermatoses courantes ou d’un intérêt particulier

Définition, classification

Le terme « acné », dont l’origine correspondrait à une erreur de transcription du mot « acmé » (en grec ancien, éruption, puis puberté), désigne des lésions dystrophiques et inflammatoires des glandes sébacées.

Le « syndrome acné » peut survenir dans un contexte prépubertaire – c’est l’acné juvénile, cas le plus fréquent. Mais l’acné peut survenir dans toutes les tranches d’âge, relever de circonstances étiologiques diverses, ou revêtir des aspects morphologiques variés. Le terme acné est alors suivi d’un qualificatif adéquat.

Acné juvénile (acné commune, acné vulgaire)

Prévalence et histoire naturelle [7]

L’acné juvénile est une maladie très fréquente ; elle touche, à des degrés de gravité variables, neuf adolescents sur dix. Les formes sévères représentent 15 % des cas. Les lésions commencent à la puberté, précédées d’une séborrhée ; la « puberté sébacée » est généralement plus précoce que la puberté génitale. Les facteurs prédicteurs de formes sévères sont le début précoce sous une forme comédonienne et le nombre de cas familiaux d’acné modérée ou sévère. Les facteurs responsables de poussées sont le cycle menstruel, la manipulation des lésions et les stress émotionnels. Le rôle d’autres facteurs externes tels que l’alimentation et le tabagisme est discuté plus loin.

La plupart des cas guérissent avant l’âge de 20 ans, surtout dans le sexe masculin. Dans le sexe féminin, les évolutions prolongées sont plus fréquentes (voir «  »). Les facteurs prédicteurs d’une évolution prolongée ne sont pas correctement définis à ce jour.

La dermatite séborrhéique est une maladie faciale et extrafaciale assez banale, qui peut parfois s’associer à des maladies générales, d’où l’importance de sa reconnaissance.

Épidémiologie

La dermatite séborrhéique est fréquente, touchant 3 à 5 % de la population, principalement des adultes jeunes. Il existe une forme du nourrisson, avec des squames grasses du cuir chevelu et une atteinte du siège, mais pouvant être érythrodermique (maladie de Leiner-Moussous). Nous nous limiterons ici à la forme de l’adulte [4].

La maladie débute généralement à l’adolescence, et prédomine dans les troisième et quatrième décennies. Elle est plus fréquente chez l’homme que chez la femme.

Elle a un net caractère saisonnier, s’aggravant en automne et en hiver, et diminuant en fréquence et en intensité avec les beaux jours et l’exposition solaire.

Elle est plus fréquente en cas d’immunodépression, principalement au cours de l’infection par le VIH. Les formes particulièrement profuses ou résistantes au traitement doivent conduire à réaliser un examen sérologique pour rechercher cette infection. On note aussi une argumentation de fréquence chez les sujets transplantés d’organe [3] ou traités par immunosuppresseurs.

La dermatite séborrhéique s’associe aussi à des maladies [1] telles que les cancers aérodigestifs, la maladie de Parkinson, les syndromes extrapyramidaux iatrogènes et d’autres maladies neurologiques. Elle est plus fréquente dans l’alcoolisme chronique.

On considère classiquement que le stress est un facteur déclenchant.

La rosacée est une maladie cutanée et oculaire, caractérisée par une dermatose centrofaciale, comprenant toujours un érythème. La rougeur du visage est la composante essentielle de la rosacée.

Épidémiologie [1]

La rosacée prédomine nettement chez la femme, avec un sex-ratio d’environ 2 femmes pour 1 homme. Elle débute très rarement dans l’enfance, mais beaucoup plus souvent à partir de la troisième ou quatrième décennie. Le pic d’incidence se situe vers la cinquantaine, soit aux environs de la ménopause chez la femme, bien qu’il n’y ait pas de relation avec celle-ci.

La prévalence est variable suivant les pays, mais plus importante dans les pays du Nord ; elle est estimée à 1 à 3 % dans les pays occidentaux, pouvant aller jusqu’à 8 à 10 % dans les pays nordiques.

La rosacée prédomine nettement chez les patients ayant la peau claire, les yeux bleus, et une capacité limitée à bronzer (« malédiction des Celtes »). Il y a de ce fait une prédisposition familiale (phototype clair), avec des antécédents familiaux dans plus d’un tiers des cas. Le tabagisme semble plutôt un facteur protecteur, sans doute en raison de son effet vasoconstricteur.

Le psoriasis est une dermatose inflammatoire chronique de présentation clinique polymorphe évoluant par poussées. La forme en plaques, érythématosquameuse, est la plus fréquente. Le traitement va de l’abstention, dans les formes cutanées peu étendues ou lorsqu’il n’y a pas de demande thérapeutique, aux biothérapies, dans les formes étendues ou invalidantes. Le choix est guidé par l’extension et la nature de l’atteinte cutanée, son retentissement physique et psychosocial et l’association éventuelle à un rhumatisme psoriasique. La prise en charge du patient intègre celle des nombreuses comorbidités associées à la maladie.

Épidémiologie [3]

La prévalence du psoriasis est estimée en France à 2 à 3%. Son incidence s’accroît avec l’âge jusqu’à 40 ans avec une nouvelle élévation vers 60-70 ans et un déclin en fin de vie. La maladie est plus fréquente chez l’adulte, mais peut-être présente à la naissance ; elle affecte les deux sexes de manière équivalente.

L’hidradénite suppurée est une maladie inflammatoire suppurative et cicatricielle affectant principalement les grands plis. Ses causes sont inconnues. Des facteurs génétiques, anatomiques, immunologiques et environnementaux sont impliqués dans sa physiopathologie.

Prévalence

L’hidradénite suppurée a une prévalence de 1 % dans la population générale en Europe [8]. La rareté apparente peut être expliquée par le pourcentage important de formes bénignes et la méconnaissance de la maladie, d’où un retard, habituellement de plusieurs années, du diagnostic. Une prévalence de 4 % dans une population de jeunes femmes a été enregistrée, due au fait que la maladie est surtout active entre 20 et 50 ans. Le sex-ratio est de 1/3.

L’urticaire est une éruption commune dont la principale caractéristique est d’être fugace et prurigineuse. Ces deux éléments sémiologiques permettent souvent de poser le diagnostic dès l’interrogatoire. Les causes d’urticaire sont nombreuses, parfois intriquées et peu accessibles aux investigations, notamment dans les formes chroniques. L’urticaire peut être l’une des manifestations d’une réaction anaphylactique grave. Elle peut également révéler une maladie systémique. Cela ne concerne qu’une minorité de patients qu’il faut savoir dépister. La majorité des urticaires sont sans gravité, de causes non allergiques et spontanément résolutives.

Le lichen plan est une affection inflammatoire touchant la peau, les muqueuses et les phanères. Elle est définie par l’existence de papules lichéniennes de quelques millimètres de diamètre, aux contours polygonaux, à la surface plane et brillante et à la coloration d’un violet pourpre. Cette éruption papuleuse, bien distincte morphologiquement, est également typique par sa localisation et son évolution. D’autres affections, partageant le même aspect que le lichen plan, sont appelées « dermatoses lichénoïdes ». Par ailleurs, dans la terminologie française, la dénomination de « lichen » peut prêter à confusion, du fait qu’elle est donnée à des pathologies sans rapport avec les dermatoses lichénoïdes : le lichen amyloïde (une dermatose de surcharge), le lichen scléro-atrophique, le lichen aureus (une capillarite purpurique), le lichen striatus (une dermatose linéaire spongiforme). Un moyen mnémotechnique, fréquent chez les Anglo-Saxons, résume le lichen plan en quatre « P » : papule, pourpre, polygonale, prurigineuse.

Le lichen plan affecte environ 1 % de la population mondiale, sans prédilection d’ethnie ou de sexe, plus souvent chez l’adulte au-delà de 40 ans. Il surviendrait un peu plus tôt chez l’homme que chez la femme. La forme infantile est rare [7], [10].

L’érythème noueux est une maladie inflammatoire de l’hypoderme, sans atteinte vasculaire. Il s’agit d’une dermatose réactionnelle, dont l’aspect anatomoclinique est similaire, quels que soient les facteurs inducteurs.

Aspect clinique [5]

L’érythème noueux est caractérisé par une lésion élémentaire particulière, la nouure. Il s’agit d’une lésion palpable, mais qui le plus souvent n’a pas de relief propre. Ce caractère palpable résulte de l’induration du derme profond et de l’hypoderme. La lésion est mal limitée et se palpe les doigts en crochet. Ces nouures sont chaudes et sensibles à la palpation.

Les lésions sont en général bilatérales mais asymétriques, prédominant nettement sur les jambes (Figure S19-P3-C8-1a et b). On peut toutefois avoir des lésions sur les cuisses et sur les avant-bras, plus exceptionnellement sur les bras.

Ces nouures d’aspect inflammatoire changent de couleur avec le temps : l’érythème s’efface progressivement et les lésions deviennent plus violacées puis passent par les teintes classiques de la biligénie (Figure S19-P3-C8-1c et d). Elles guérissent toujours sans séquelle, c’est-à-dire sans ulcération, sans nécrose ou desquamation : dans l’érythème noueux, l’épiderme n’est pas atteint.

L’eczéma, terme difficile à définir, est aussi appelé dermatite dans la nosographie anglophone. L’eczéma est une réaction inflammatoire de la peau, allergique, érythémateuse, prurigineuse, qui peut être aigu : il s’agit alors d’une dermatose érythémateuse vésiculeuse et/ou suintante ; ou bien chronique, prenant alors un aspect érythématosquameux. Il s’accompagne à toutes ses phases d’un prurit marqué. Il débute par une aire érythémateuse à contours plus ou moins réguliers, qui rapidement se recouvre de petites vésicules, pouvant parfois confluer pour former des bulles. Ensuite, à cause du grattage ou spontanément, les vésicules se rompent la zone érythémateuse devient suintante. La guérison survient en passant par une phase croûteuse puis les lésions disparaissent sans laisser de cicatrice.

Aux endroits où la peau est très fine ou très laxe, comme par exemple les paupières, l’eczéma aigu est érythémateux et très œdémateux, ce qui peut parfois rendre le diagnostic difficile. Dans l’eczéma chronique, les vésicules sont plus rares. L’érythème, squameux, prurigineux, a des bords mal limités. L’eczéma peut évoluer vers la lichénification, la peau devient alors épaisse, avec des stries bien visibles, de couleur gris foncé ou pigmentée. Sur les plantes et paumes l’eczéma chronique a un aspect peu spécifique avec kératose et fissures.

La dermatite atopique est une affection inflammatoire chronique fréquente de la peau, qui apparaît le plus souvent au cours de la première année de vie et évolue par poussées. Le diagnostic est clinique et doit être adapté à l’âge du patient. La gravité, le profil évolutif et les associations pathologiques sont très variables d’un patient à l’autre. La pathogénie fait intervenir une perméabilité anormale de la barrière cutanée interagissant avec un environnement propice. La place des allergies dans le déterminisme de la maladie est importante mais non exclusive, elle doit être abordée avec raison. Dans la majorité des cas, le traitement sera local, incluant avant tout dermocorticoïdes et émollients, mais l’altération parfois considérable de la qualité de vie pourra motiver pour des traitements systémiques, en particulier chez l’adulte.

Parasitoses cutanées

Gale

La gale est une ectoparasitose liée à Sarcoptes scabiei ; la contamination est strictement interhumaine, la durée de vie du parasite en dehors de l’homme est de 24 à 48 heures [4]. La gale nécessite des contacts répétés et est classée dans les infections sexuellement transmissibles (IST) dites mineures, au même titre que les poux pubiens ou les molluscums contagiosums de localisation périgénitale. Il y a très peu de sarcoptes adultes femelles sur un patient, entre 5 et 10. Ce nombre est beaucoup plus élevé, jusqu’à 1 000, dans les gales hyperkératosiques chez les patients immunodéprimés. La transmission à l’homme de gales animales est possible, responsable d’une éruption prurigineuse, le plus souvent réversible spontanément. L’incubation est de 3 semaines en cas de primo-infestation et plus courte (1 à 2 jours) en cas de ré-infestation. Le symptôme cardinal de la gale est le prurit, et l’on considère que tout prurit est une gale jusqu’à preuve du contraire. Le diagnostic est clinique, et l’on distingue deux types de lésions élémentaires, le sillon (Figure S19-P3-C11-1) et la vésicule perlée. La topographie des lésions et du prurit est plutôt antérieure et les localisations évocatrices sont les espaces interdigitaux, les faces antérieures des poignets, les coudes, les emmanchures axillaires antérieures, les mamelons, l’ombilic, le sommet des courbures des fesses, les faces internes des cuisses, les organes génitaux externes, avec notamment une grande fréquence à ce niveau de chancres scabieux. Les chancres scabieux sont des lésions papuleuses ou papulonodulaires dépassant rarement 1 cm, de couleur brune ou violine. Chez les gens propres, il y a peu de lésions spécifiques. La gale hyperkératosique correspond à une forme érythrodermique (Figure S19-P3-C11-2), le prurit est minime et les sarcoptes innombrables. Chez le nourrisson, les lésions sont volontiers vésiculopustuleuses et palmoplantaires, avec présence de nodules dans les grands plis. Le diagnostic repose sur la mise en évidence de l’acarien dans le sillon grâce au prélèvement parasitologique qui n’est cependant pas obligatoire pour instaurer le traitement. L’examen au dermatoscope permet également de mettre en évidence, avec une sensibilité proche de l’examen parasitologique, le sarcopte, qui apparaît en forme d’aile de deltaplane à l’une des extrémités du sillon.

Syphilis

La syphilis est une infection sexuellement transmissible (IST) chronique due à un spirochète, Treponema pallidum. Rare dans les pays industrialisés dans les années 1990, sa résurgence depuis les années 2000 est confirmée en Europe et aux États-Unis.

Microbiologie

Identifié en 1905 par Schaudinn et Hoffman, Treponema pallidum est un bacille hélicoïdal aux spires régulières et aux extrémités effilées. Il appartient au genre Treponema qui comporte d’autres espèces, pathogènes (celles responsables des tréponématoses endémiques : pian, bejel, pinta) ou commensales.

Mesurant 5 à 15 μm de long, Treponema pallidum est animé d’un double mouvement : d’une part, rotation autour de son axe longitudinal, d’autre part, ondulation se propageant d’une extrémité à l’autre. Il n’est pas coloré par le Gram, mais fixe le Giemsa et la coloration de Vago (violet de méthyle). Ses caractéristiques morphologiques permettent d’identifier le genre Treponema par l’examen direct au microscope à fond noir ou après coloration argentique. Cependant, l’examen direct ne permet pas de distinguer les différentes espèces (pathogènes ou commensales) de Treponema. Par ailleurs, Treponema pallidum n’est pas cultivable. Enfin, il faut souligner l’existence d’espèces commensales de Treponema dans la cavité buccale, rendant ininterprétable l’examen direct dans cette localisation.

L’épidémiologie des morsures, griffures, piqûres et des envenimations diffère, bien entendu, selon le pays concerné et les animaux que les hommes côtoient à proximité de leur domicile ou dans la nature. L’importation et la domestication d’animaux sauvages ainsi que la fréquence des voyages exotiques imposent désormais la connaissance de tous les risques. Dans nos contrées, les blessures importantes sont occasionnées, par ordre de prévalence, par les chiens, les chats, les hyménoptères, les rongeurs, le bétail (chevaux, bovins, porcins…) et les vipères. Les enfants sont les premiers concernés. Sous les tropiques, la gravité des morsures de serpent, des autres reptiles et mammifères sauvages ainsi que les piqûres parfois mortelles de multiples arthropodes et araignées minore le risque pourtant bien réel des animaux domestiques. De plus, la plupart des animaux, quelle que soit leur espèce (du moustique au rat, de la chauve-souris au singe) constituent des vecteurs de maladies infectieuses parasitaires, virales, bactériennes ou fongiques, soit par leurs morsures, griffures et piqûres, soit par le biais de leurs déjections.

Les toxidermies regroupent l’ensemble des manifestations cutanées consécutives à une prise médicamenteuse. Parmi les effets indésirables des médicaments, la peau est l’organe cible le plus fréquemment touché [6]. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 2 % des toxidermies sont considérées comme sévères, définies par la mise en jeu du pronostic vital, la nécessité d’une hospitalisation et la possibilité de graves séquelles [7]. Les toxidermies sévères incluent la nécrolyse épidermique toxique (NET) ou syndrome de Lyell, le syndrome de Stevens-Johnson (SJS), le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (DRESS pour drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms), la pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG), l’angiœdème et l’anaphylaxie. Les tableaux cliniques, ainsi que la physiopathologie des toxidermies sont hétérogènes, pouvant rendre le diagnostic difficile et induire ainsi un retard de prise en charge thérapeutique.

Dermatoses de la grossesse

Boutros Soutou et Sélim Aractingi

Les manifestations cutanées au cours d’une grossesse incluent les modifications physiologiques, les dermatoses spécifiques de la grossesse et les différentes dermatoses intercurrentes, infectieuses ou non, aggravées par l’état gravidique ou altérant le pronostic maternofœtal. Reconnaitre ces manifestations est important car certaines nécessitent une prise en charge particulière alors que pour d’autres les explorations sont inutiles. Le Tableau S19-P03-C15-I résume les modifications cutanées qui peuvent survenir pendant la grossesse. Les dermatoses spécifiques de la grossesse seront abordées plus loin.

Partie 4 - Maladies épidermiques et de la jonction dermo-épidermique

Ichtyose et kératodermie

Anne-Claire Bursztejn

Ichtyose

L’ichtyose se définit par une sécheresse cutanée associée à la présence de squames à la surface du revêtement cutané. Ce terme, du grec ichthyos qui signifie « poisson », reflète l’aspect classique « en écailles de poisson » que forment les squames à la surface de la peau. Cette altération de la surface cutanée, héréditaire ou acquise, fait suite à un trouble de la kératinisation. Il convient de la distinguer d’une sécheresse cutanée, plus fréquente en période hivernale, et qui peut être secondaire à la consommation de diurétiques, à des bains trop fréquents ou à l’utilisation de savon détergent. L’ichtyose peut également entrer dans le cadre d’un terrain atopique, en association ou non avec une dermatite atopique.

Il existe de nombreuses formes d’ichtyose génétiquement déterminée, qui peuvent être transmises de façon dominante, récessive ou liée à l’X. Ces affections peuvent se résumer au trouble de la cornification ou être l’une des manifestations de tableaux plus complexes (« ichtyoses syndromiques »). Elles se révèlent le plus souvent dès la naissance ou au cours de la petite enfance, et elles sont affaire de spécialiste, car elles nécessitent une démarche diagnostique et une prise en charge au long cours coordonnées par le dermatologue.

Des formes acquises de l’ichtyose, survenant de novo chez l’adulte, existent aussi. Une vigilance particulière s’impose alors, car cette situation peut être un mode de révélation de différentes maladies, notamment de la maladie de Hodgkin.

Les dermatoses bulleuses auto-immunes représentent un groupe de maladies acquises caractérisées par l’existence d’auto-anticorps qui se fixent in vivo au niveau de protéines de structure de la jonction dermo-épidermique (dermatoses bulleuses auto-immunes sous-épidermiques) ou au niveau des systèmes de jonction interkératinocytaires (pemphigus) ; ce qui a pour principale conséquence clinique la formation de bulles cutanées et/ou muqueuses. À l’exception de la pemphigoïde bulleuse, qui est probablement la plus fréquente de toutes les maladies auto-immunes du sujet âgé, il s’agit de maladies rares. Elles évoluent sur un mode chronique ou subaigu. L’examen en immunofluorescence directe d’une biopsie cutanée (ou de muqueuse externe) constitue toujours la première étape, essentielle, de la démarche diagnostique. Lorsque cet examen est positif, il permet, d’une part, d’affirmer qu’il s’agit bien d’une maladie bulleuse auto-immune et, d’autre part, de préciser son appartenance à l’une des deux grandes catégories suivantes :

– les dermatoses bulleuses auto-immunes sous-épidermiques, si les dépôts immuns (IgG, C3, parfois IgA) sont localisés à la jonction dermo-épidermique (ou épithélio-chorionique en cas de biopsie de muqueuse externe), le plus souvent linéaires, ou parfois granuleux au sommet des papilles dermiques ;

L’érythème polymorphe est une dermatose inflammatoire aiguë, autolimitée, décrite pour la première fois en 1860 par le dermatologiste autrichien Ferdinand von Hebra [5]. C’est une maladie caractérisée par l’apparition abrupte de papules erythémateuses fixes, souvent de distribution symétrique, dont certaines évoluent en lésions cibles (cocarde) typiques et/ou occasionellement atypiques [2], [3]. L’érythème polymorphe, souvent déclenché par une infection, particulièrement à virus herpès simplex (HSV), affecte de manière prédominante des adultes jeunes [1]. Son incidence exacte n’est pas connue. L’on distingue une forme mineure et une forme majeure, toutes deux présentant le même type de lésions élémentaires (cibles) mais se distinguant par la présence ou l’absence de lésions muqueuses et de symptômes systémiques (Tableau S19-P04-C03-I). Dans la majorité des cas, l’érythème polymorphe peut être distingué cliniquement du syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et de la nécrolyse épidermique toxique (NET) (ou syndrome de Lyell) par le type de lésions élémentaires et leur distribution [1], [2], [3] ; la forme majeure de l’érythème polymorphe est considerée comme cliniquement et pathogéniquement distincte du syndrome de Stevens-Johnson [1].

Partie 5 - Maladies dermiques

Les dermatoses neutrophiliques (DN) constituent un groupe de maladies inflammatoires de la peau ayant pour dénominateur commun une infiltration cutanée prédominante de polynucléaires neutrophiles (PNN) de morphologie normale, en l’absence de cause infectieuse. L’existence de nombreux points communs et de formes frontières ou de chevauchement, la survenue possible de différentes dermatoses neutrophiliques chez un même patient, leurs associations fréquentes à des maladies systémiques similaires (le plus souvent inflammatoires ou hématologiques) ont conduit à la conclusion que ces dermatoses, initialement décrites isolément, appartenaient au même spectre nosologique. Ces dernières années encore, ce groupe s’est enrichi de nouvelles entités. Le terme de « maladie neutrophilique », suggéré par Vignon-Pennamen et Wallach en 1991 [16, 17], exprime le fait que l’infiltration neutrophilique n’est en rien spécifique à la peau. En effet, les patients avec une dermatose neutrophique présentent souvent une symptomatologie générale (fièvre, asthénie, altération de l’état général…), un syndrome inflammatoire biologique avec une  hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, et, plus rarement, une infiltration neutrophilique des tissus extracutanés comme le poumon, le système nerveux central, l’oeil, l’os, les articulations ou les organes intra-abdominaux. Enfin, les dermatoses neutrophiliques peuvent précéder, révéler ou compliquer une maladie sous-jacente, qu’elle soit auto-immune, inflammatoire, infectieuse, néoplasique, hématologique ou médicamenteuse, et doivent alors être considérées comme réactionnelles. Un point particulièrement intéressant à souligner est que les manifestations cutanées des maladies auto-inflammatoires génétiquement déterminées sont souvent des dermatoses neutrophiliques (Tableau S19-P05-C01-I). Or, l’étude de ce groupe de maladies rares et la compréhension de leur pathogénie ont permis de comprendre des mécanismes inflammatoires qui sont aussi impliqués dans des maladies complexes ou en apparence sporadiques, dont les dermatoses neutrophiliques. Ce sont des altérations du système immunitaire inné qui caractérisent les maladies auto-inflammatoires. La cytokine interleukine 1 (IL-1), médiateur clef de certaines maladies auto-inflammatoires, comme les cryopyrinopathies ou le DIRA (deficiency of interleukin-1 receptor antagonist), pourrait aussi contribuer à certaines dermatoses neutrophiliqus.

L’éosinophilie, tant périphérique que tissulaire, est fréquente en dermatologie [14], [15]. Les principales dermatoses comportant une éosinophilie tissulaire sont pour la plupart allergiques, parasitaires, néoplasiques ou auto-immunes. Le caractère transitoire de l’éosinophilie périphérique explique qu’elle ne soit pas observée systématiquement. Le rôle pathogène de l’éosinophile est désormais bien établi, à travers de nombreux arguments directs et indirects, dans la dermatite atopique, l’urticaire, la pemphigoïde, la dermatite herpétiforme et dans les toxidermies, telles que les nécrolyses épidermiques toxiques et le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse ou DRESS (drug rash with eosinophilia and systemic symptoms), dans lequel le taux d’éosinophiles supérieur à 1 500/mm3, est un des critères diagnostiques.

À côté de ces dermatoses associées à une éosinophilie et nosologiquement bien individualisées, on distingue un groupe hétérogène d’affections pour lesquelles l’éosinophilie tissulaire représente le dénominateur commun et constitue un critère diagnostique essentiel. Ces affections ont la particularité d’être des syndromes réactionnels survenant secondairement à une activation du système immunitaire en réponse à divers antigènes souvent non identifiés et induisant la production préférentielle de cytokines de profil TH2, dont l’interleukine (IL) 5, principal facteur impliqué dans le chimiotactisme, l’activation et la survie des éosinophiles.

Les granulomatoses cutanées sont des dermatoses hétérogènes dont le mécanisme physiopathologique est encore mal connu ; il s’agit vraisemblablement d’un processus réactionnel granulomateux à différents stimuli infectieux, inflammatoires, néoplasiques, métaboliques ou chimiques, ce qui explique la grande variété de causes trouvées face à des présentations cliniques et histologiques multiples, mais pouvant être assez stéréotypées.

La lésion élémentaire correspond souvent à une papule infiltrée, indolore, arrondie, bien limitée, rouge rosée et prenant une couleur jaunâtre à la vitropression dite « gelée de pommes ». Sa surface est lisse ou légèrement squameuse car il n’y a généralement pas de participation épidermique. Les papules ont tendance à confluer et à former des plaques, parfois arciformes ou annulaires. En régressant, elles peuvent laisser des séquelles atrophiques et/ou dyschromiques.

Les calcinoses et les ossifications cutanées se caractérisent par des dépôts dermiques ou hypodermiques d’hydroxyapatite. La découverte d’une calcinose cutanée lors d’une biopsie cutanée impose une réflexion étiologique ; aussi le Tableau S19-P05-C04-I résume-t-il les principales causes des cinq grands types de calcinoses cutanées. Souvent, la cause est connue ou évidente, comme par exemple la calcification d’une cicatrice d’acné ou la survenue de calcinoses cutanées chez les malades avec une dermatomyosite ou une sclérodermie connue, car ce sont des complications classiques. Ailleurs, elle impose au minimum un bilan phosphocalcique.

Mucinoses cutanées

Franco Rongioletti

Les mucinoses cutanées sont un groupe hétérogène de maladies au cours desquelles la mucine (glycosaminoglycanes acides), composée surtout d’acide hyaluronique, s’accumule dans le derme et dans les follicules pileux. L’étiopathogénie demeurant inconnue, ces maladies sont actuellement divisées en deux groupes :

– les mucinoses cutanées spécifiques, dites primaires (Tableau S19-P05-C05-I), qui se manifestent par des lésions cliniques spécifiques où le dépôt de mucine est le signe histologique distinctif. Elles peuvent être d’origine inflammatoire, hamartomateuse ou néoplasique ;

– les mucinoses secondaires, dans lesquelles le dépôt de mucine est simplement un signe histologique accessoire, sans expression clinique (Tableau S19-P05-C05-II).

Les maladies cutanées fibrosantes primitives – morphées, également appelées sclérodermies cutanées, lichen scléro-atrophique, encore appelé lichen scléreux, variante sclérodermiforme de la réaction cutanée chronique du greffon contre l’hôte – traduisent une inflammation cutanée initiale se caractérisant secondairement par une induration cutanée (sclérose), témoin d’une fibrose (accumulation de collagène) du derme et parfois des tissus sous-jacents, liée à une probable activation auto-immune (morphée, lichen scléro-atrophique) ou allo-immune (maladie du greffon contre l’hôte chronique sclérodermiforme). Contrairement à la sclérodermie systémique, il n’y a généralement pas dans ces maladies de signes d’atteinte vasculaire, notamment pas de syndrome de Raynaud ni d’hypertension artérielle pulmonaire, ni non plus de fibrose pulmonaire, digestive ou cardiaque. L’existence d’un continuum clinique entre le lichen scléro-atrophique, les morphées superficielles, les morphées profondes et la fasciite de Shulman (inflammation et sclérose des fascias musculaires) fait suspecter un substratum physiopathologique commun à toutes ces entités. L’existence de formes de chevauchement entre ces entités est particulièrement présente au cours de la maladie du greffon contre l’hôte chronique [12].

Vascularites inflammatoires : atteinte dermatologique

La classification et les différents types de vascularites sont abordés dans le chapitre S03-P01-C07. Nous insisterons ici sur quelques particularités dermatologiques (Figure S19-P5-C7-1).

Partie 6 - Hypodermites

Le terme d’hypodermite désigne une inflammation de l’hypoderme. L’hypoderme est constitué de lobules adipeux, de septa fibreux interadipocytaires et de vaisseaux et c’est donc selon l’atteinte inflammatoire prédominante de l’un de ces trois composants anatomiques qu’il est possible de séparer les hypodermites en « septales » et en « lobulaires » (encore appelées panniculites), avec ou sans lésions vasculaires. Cette classification est illustrée dans le Tableau S19-P06-C01-I. Les hypodermites peuvent être l’expression cutanée d’une maladie générale, qu’elles peuvent parfois révéler [1], [2].

Hypodermites septales

L’érythème noueux est le paradigme des hypodermites septales. C’est la plus fréquente des hypodermites avec l’hypodermite scléreuse de stase de l’insuffisance veineuse. Il a été abordé dans le chapitre S19-P03-C08.

Les autres hypodermites septales sont beaucoup plus rares. Certaines morphées ou certains granulomes annulaires profonds peuvent être localisés dans les septa, et le diagnostic repose dans ce cas sur l’examen histopathologique et les signes associés.

Hypodermites lobulaires ou panniculites

Certaines panniculites doivent être diagnostiquées rapidement – comme, par exemple, les panniculites septiques –, ce qui justifie le recours aux colorations spéciales et aux mises en culture du prélèvement biopsique cutané, ainsi qu’aux hémocultures, au moindre doute. Elles peuvent résulter d’une propagation à la graisse d’une maladie infectieuse à inoculation cutanée, d’une atteinte de contiguïté à partir d’un organe sous-jacent ou encore d’une dissémination septicémique. Une évolution gommeuse, c’est-à-dire un ramollissement central de la lésion avec un écoulement purulent, est caractéristique.