S29 Néphrologie

S29 Néphrologie

S29

Néphrologie

 

Éric Thervet et Alexandre Karras

Partie 1 - Bases de la néphrologie

Le rein est un organe rétropéritonéal qui se projette à la charnière thoraco-abdominale. Certaines particularités anatomiques comme l’orientation, la conformation des voies excrétrices, la disposition des éléments du hile, la variabilité de la vascularisation, ou les rapports anatomiques ont une importance clinique.

Le rein se compose :

– d’un parenchyme entouré d’une capsule fibreuse, dont on distingue de la périphérie vers le hile deux zones différentes :

– le cortex, sous la capsule, riche en glomérules,

– la médullaire, formée des pyramides de Malpighi, au nombre de huit à dix, dont le sommet bombe vers le hile et forme les papilles sur lesquelles viennent se ventouser les petits calices.

– d’un sinus, adipeux et lymphoïde, dans lequel se logent la voie excrétrice en arrière et les vaisseaux rénaux en avant. Les axes des calices et de leur tige convergent vers le pyélon.

Chaque rein est entouré de tissu cellulo-graisseux et est situé, avec la glande surrénale, dans un sac fibreux ; l’ensemble constitue la loge rénale.

La biopsie rénale reste un examen complémentaire indispensable dans la prise en charge et le suivi du patient en néphrologie. L’examen histologique du parenchyme rénal, obtenu par la biopsie rénale, permet non seulement d’établir un diagnostic mais également de préciser le pronostic ou la réponse à une thérapeutique. Outre les examens « classiques » de microscopie optique, immunofluorescence et microscopie électronique, les récents développements de la biologie moléculaire ont ouvert la voie à de nouvelles utilisations du tissu rénal obtenu par la biopsie. Depuis sa première description en 1951 par Iversen et Brun [1], la technique de la biopsie rénale a beaucoup évolué notamment grâce à l’apport de l’échographie et des pistolets automatiques, rendant ce geste de plus en plus sûr et fiable. Ses indications, contre-indications et complications ont évolué en conséquence.

La sémiologie néphrologique s’articule autour de symptômes cliniques en rapport avec des anomalies de l’appareil urinaire mais aussi de signes témoignant du retentissement systémique de ces anomalies ou de perturbations biologiques qui peuvent être mises en évidence par des tests semi-quantitatifs (bandelette urinaire) ou des analyses en laboratoire. Ces signes clinico-biologiques peuvent parfois être combinés pour donner des syndromes, révélant parfois les pathologies uronéphrologiques, mais s’intégrant aussi souvent dans un tableau clinique touchant d’autres appareils, évoquant une maladie systémique d’origine auto-immune, héréditaire, métabolique ou iatrogène.

Partie 2 - Grandes pathologies

Acidose métabolique

Renaud de la Faille

L’acidose métabolique est une situation caractérisée par un excès d’acides fixes (non volatils) et un déficit en bicarbonate. Elle peut être soit isolée soit associée à d’autres anomalies de l’état acido-basique. Enfin son évolution peut être soit aigue (s’étendant sur quelques heures ou jours) soit chronique (s’étendant sur quelques semaines voire années). Ce chapitre détaille les éléments diagnostiques importants d’une acidose métabolique, puis ses causes, ses conséquences et ses principes de traitement.

L’insuffisance rénale aiguë (IRA) est caractérisée par la baisse brutale (en quelques heures à plusieurs jours) et potentiellement réversible du débit de filtration glomérulaire (DFG). Elle s’accompagne d’une élévation des concentrations plasmatiques d’urée et de créatinine et/ou d’une réduction de volume des urines (oligurie). Elle correspond à la défaillance des fonctions d’épuration des toxines urémiques et de régulation de la composition hydro-électrolytique de l’organisme assurées par les reins.

Néphroprotection

Depuis quelques dizaines d’années, la recherche sur les maladies rénales chroniques (MRC) a permis d’identifier 2 principaux facteurs de progression de l’insuffisance rénale chronique : l’hypertension artérielle (HTA) et la protéinurie [1]. Par la suite, les études ayant pour objectif de ralentir le déclin du débit de filtration glomérulaire (DFG) ont fait naître, au milieu des années 1990, le concept de néphroprotection, aboutissant à la rédaction de recommandations de bonnes pratiques cliniques américaines (KDOQI/KDIGO) et françaises (HAS). Le concept de néphroprotection regroupe en fait tous les moyens, thérapeutiques ou non, destinés à ralentir la progression de la MRC et à prévenir ou traiter les éventuelles comorbidités et complications associées. Actuellement, l’évaluation de l’appropriation et de la mise en œuvre de ces précédentes recommandations par les professionnels de santé est un témoin de la qualité des soins délivrés aux patients souffrant de MRC ( Figure S29-P2-C3-1).

Partie 3 - Néphropathies

La classification des néphropathies peut se voir par différents aspects : la rapidité d’évolution, la fonction, le devenir, et la structure du parenchyme rénal touchée.

Il est en tout cas reconnu que des anomalies même légères de la structure et/ou de la fonction rénale sont associées à un risque augmenté de développer des complications même pour d’autres organes et d’être associées avec une augmentation de la mortalité.

Les néphropathies glomérulaires, également appelées glomérulopathies, réunissent de nombreuses affections rénales définies par l’atteinte prédominante des glomérules. Une partie de ces pathologies résultent d’une atteinte inflammatoire, définissant la glomérulonéphrite (GN). Le terme de glomérulopathie primitive signifie habituellement qu’il n’existe pas de maladie systémique responsable de manifestations extrarénales. Les principales formes sont indiquées dans le Tableau S29-P03-C02-I. À l’opposé, les glomérulopathies secondaires (Tableau S29-P03-C02-II) correspondent à la localisation rénale glomérulaire d’une maladie générale, d’origine auto-immune, infectieuse, hématologique, métabolique ou héréditaire.

Le rein est des organes les plus richement vascularisés de l’organisme. La vascularisation rénale est essentielle pour assurer la fonction de cet organe et toute pathologie (aiguë ou chronique) affectant les vaisseaux du rein, et notamment l’arbre artériel, va avoir des conséquences importantes par le biais d’une ischémie du parenchyme et de la chute du débit de filtration glomérulaire. On distingue classiquement les pathologies macrovasculaires, touchant les gros troncs artériels (artère rénale principale et grosses branches de division) ou veineux, des pathologies microvasculaires, responsables d’une oblitération des petites artères et artérioles intrarénales.

Les néphropathies tubulo-interstitielles aiguës (NTIA) représentent une cause fréquente d’insuffisance rénale aiguë, dont la prévalence est probablement sous-estimée. La NTIA est définie par la présence de lésions histologiques touchant uniquement l’interstitium du parenchyme rénal et les tubules, proximaux ou distaux, qui sont présents en son sein. Ces lésions, associant une infiltration inflammatoire locale, un œdème interstitiel, mais aussi parfois des lésions cellulaires des structures tubulaires, se traduisent par une détérioration aiguë de la fonction rénale. Il s’agit souvent de pathologies peu bruyantes, évoluant à bas bruit et pouvant évoluer vers la néphropathie interstitielle chronique.

Le terme néphropathie tubulo-interstitielle chronique (NTIC) recouvre un ensemble très hétérogène de néphropathies atteignant en premier lieu et de façon prédominante l’interstitium et les tubes rénaux. On inclut parfois dans les NTIC les dommages tubulo-interstitielles résultant d’une obstruction chronique sur les voies urinaires, compliquée ou non d’infection. Les NTIC proprement dites, d’origine non obstructive, peuvent être secondaires à des agents néphrotoxiques médicamenteux ou environnementaux, à des affections métaboliques, ou à une infiltration parenchymateuse survenant au cours d’affections infectieuses, immunologiques ou hématologiques.

Les gammapathies monoclonales se définissent par la présence dans le sérum et/ou les urines d’une immunoglobuline (Ig) monoclonale, produite par un clone lymphocytaire B. Ce clone est le plus souvent plasmocytaire sécrétant une IgG, une IgA, une IgD ou une chaîne légère (CL) isolée, et plus rarement lymphocytaire (CD20+) ou lymphoplasmocytaire sécrétant habituellement une IgM. Le clone reste typiquement quiescent pendant une période prolongée, situation correspondant cliniquement à la définition de gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS). Il évolue secondairement vers le stade d’hémopathie symptomatique, lorsque survient une atteinte d’organe liée spécifiquement à la masse tumorale élevée, correspondant alors selon la nature du clone à un myélome multiple, une maladie de Waldenström (MW) ou un lymphome malin non hodgkinien. L’étape intermédiaire est représentée par le stade d’hémopathie indolente. Pour le myélome multiple, les critères définissant le caractère symptomatique (CRAB) regroupent classiquement hypercalcémie, insuffisance rénale secondaire à une néphropathie à cylindres myélomateux (NCM), anémie, et lésions ostéolytiques.

Un nombre important de pathologies rénales sont d’origine génétique. Ainsi environ 25 % des patients ayant une maladie rénale chronique rapportent un antécédent familial de néphropathie ; une maladie rénale de transmission mendélienne est retrouvée dans plus de 10 % des cas d’insuffisance rénale terminale. La liste des néphropathies génétiques s’allonge d’année en année avec les progrès de la génétique. Les principales maladies rénales héréditaires sont indiquées dans le Tableau S29-P03-C07-I. Un certain nombre de ces pathologies sont traitées dans d’autres chapitres (lithiase rénale, néphropathies vasculaires, glomérulopathies)

Lithiase rénale

La lithiase rénale est une pathologie la plupart du temps sans gravité quoique potentiellement invalidante, mais elle peut se compliquer, notamment en cas d’un mauvais contrôle des récidives, ou de diagnostic non posé ou erroné d’une maladie rénale chronique, voire d’une insuffisance rénale terminale (IRT). La lithiase rénale est une pathologie fréquente qui touche 10 à 12 % de la population française, avec un sexe-ratio de deux hommes pour une femme. Dans plus de 80 % des cas, les calculs sont de nature calcique, constitués d’oxalate de calcium ou, plus rarement, de phosphate de calcium. La lithiase rénale récidive dans 50 % des cas 5 ans après un premier épisode et est responsable de 2 à 3 % des causes d’IRT, d’où la nécessité d’un traitement médical préventif.

Partie 4 - Cas particuliers en néphrologie

La prévalence des patientes en âge de procréer porteuses d’une maladie rénale chronique (MRC) serait actuellement proche de 3 % [18]. Les progrès récents de l’arsenal thérapeutique permettent de ralentir l’évolution des néphropathies et d’envisager une grossesse pour la plupart des patientes porteuses d’une IR. Ces grossesses ne sont cependant pas dénuées de risques pour la mère et l’enfant. La grossesse peut modifier l’évolution de l’IR et l’IR peut être à l’origine de complications spécifiques pendant la grossesse. Il n’existe pas de consensus sur la mesure du débit de filtration glomérulaire (DFG) et de la protéinurie au cours de la grossesse. Idéalement, la grossesse doit être programmée car l’IR n’est souvent qu’un des symptômes de pathologies variées qui peuvent comporter un risque propre pour la grossesse (diabète, lupus…). Le suivi devra être fait conjointement par les néphrologues et les obstétriciens.

La prééclampsie est un syndrome spécifique de la grossesse qui touche entre 3 et 5 % des grossesses et qui est diagnostiquée traditionnellement lorsqu’une femme enceinte présente une augmentation de la pression artérielle et une protéinurie [1]. Il s’agit de la première cause de mortalité maternelle, fœtale et néo-natale en particulier dans les pays en voie de développement. Les causes sont peu claires mais il existe certainement une part de prédisposition génétique et des associations fortes avec certains variants génétiques de la thrombophilie, de l’inflammation, du stress oxydatif et du système rénine angiotensine.

Partie 5 - Thérapeutiques néphrologiques

L’insuffisance rénale chronique est une pathologie fréquente. Dans la population générale, aux Etats-Unis, il a été montré que plus de 13 % des sujets étudiés dans l’étude NHANES (National Health And Nutrition Examination Survey) sur la période 1999-2004 présentaient une insuffisance rénale de stade 1 à 4 selon la classification internationale KDOQI-KDIGO (Tableau S29-P05-C01-V) [4]. En France, l’étude Mona Lisa réalisée chez des sujets âgés âgés de 35 à 75 ans et l’étude des 3 Cités chez des sujets âgés de plus de 65 ans ont respectivement rapporté une prévalence d’un Débit de Filtration Glomérulaire (DFG) inférieur à 60 ml/min de 8,2 % et de 13,7 % [1], [2]. Par ailleurs, d’importantes fréquences d’anomalies rénales ou d’insuffisances rénales ont été observées dans différentes pathologies chroniques. Ainsi, la prévalence de l’insuffisance rénale et/ou de la protéinurie, chez les patients infectés par le VIH, est de l’ordre de 20 % et est multifactorielle [22]. De même, la majorité des patients atteints de tumeurs solides (53 %) présentent également une insuffisance rénale, chronique, associée [11]. De plus, les patients présentant une insuffisance rénale présentent une mortalité plus élevée que les patients non insuffisants rénaux (en général DFG inférieur et supérieur à 60 ml/min), principalement liée à la question de l’adaptation posologique des médicaments qui sont prescrits à ces patients, comme cela a été montré en cancérologie, dans l’infection par le VIH, et dans la population générale en France [1], [13], [23].

Un diurétique est une substance qui négative le bilan hydrosodé des liquides extracellulaires de l’organisme. On distingue schématiquement les aquarétiques (par exemple vaptans) qui augmentent l’élimination de l’eau, les natriurétiques (ou salidiurétiques) qui augmentent l’élimination du sel, et les diurétiques dits d’épargne du potassium qui sont faiblement natriurétiques et surtout antikaliurétiques. Seules ces deux dernières catégories seront envisagées ici.

Les désordres nutritionnels et métaboliques sont nombreux, précoces et de diagnostic parfois difficile. Ils sont la conséquence de la réduction de la fonction rénale entrainant une accumulation progressive de toxines métaboliques, de l’apparition d’une anorexie, d’une inflammation chronique, d’une réduction de l’activité physique, d’une dépression [1]. À cela s’ajoute la prise d’un grand nombre de médicaments dont certains ont des effets secondaires digestifs non négligeables. Du fait de la nature chronique et lentement progressive des symptômes, il est difficile pour le clinicien de mettre en évidence une dénutrition, d’autant qu’il n’en existe pas de marqueur simple. Nous verrons dans ce chapitre les causes et conséquences de la dénutrition qui apparaît au cours de la maladie rénale chronique (MRC) et les besoins nutritionnels spécifiques destinés à la prévenir.

Lorsqu’approche le stade où l’homéostasie de l’organisme ne peut plus être correctement assurée par les reins, un traitement de suppléance par dialyse chronique doit être proposé dans le cas largement majoritaire où la transplantation préemptive d’un greffon rénal à partir d’un donneur vivant n’a pas pu être réalisée.

Chez un patient régulièrement suivi, dont la pression artérielle et les paramètres biochimiques plasmatiques sont bien contrôlés, l’insuffisance rénale reste le plus souvent asymptomatique. L’indication à débuter un traitement par dialyse chronique se fonde alors sur des critères biologiques attestant de la réduction de la filtration glomérulaire. Le critère habituellement accepté est une valeur estimée du débit de filtration glomérulaire (DFG) comprise entre 5 et 10 ml/min pour 1,73m2 de surface corporelle. Un second critère est l’élévation de l’urée sanguine au-delà de 35 mmol/l.

Dans l’idéal, la dialyse doit être commencée sur ces critères, même en l’absence de retentissement clinique. En fait, il est habituel que se manifestent, au stade ultime de l’insuffisance rénale, une asthénie marquée et des troubles digestifs (nausées ou vomissements), qui contribuent à faciliter l’acceptation du traitement par les patients.