S30 Thérapeutique

S30 Thérapeutique

S30

Thérapeutique

 

Claire Le Jeunne

Partie 1 - Thérapeutique générale

Les propriétés pharmacologiques et les qualités pharmaceutiques d’un médicament sont à la base de ses actions thérapeutiques potentielles. L’utilisation thérapeutique d’un médicament est régie par les conditions de son autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les médicaments (la plupart) qui sont soumis à une telle autorisation. Ces conditions sont présentées dans le Résumé des caractéristiques du produit (le RCP), annexe I de l’AMM. La règle générale pour le prescripteur est donc celle d’une prescription des médicaments dans le cadre de leur AMM, avec certaines possibilités bien cadrées des conditions de prescription hors AMM.

Au cours du processus d’analyse du dossier de soumission d’AMM par les firmes pharmaceutiques, le RCP est la version finalisée par les agences d’enregistrement, Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ou Agence européenne des médicaments (EMA), du RCP initialement fourni par la firme et, après d’intenses discussions et généralement multiples corrections, surtout pour les médicaments les plus récents et en particulier ceux qui ont suivi une procédure d’AMM européenne centralisée. Il en est de même pour la notice d’information au patient (annexe III de l’AMM). Le RCP représente ainsi le véritable aboutissement de tout le développement d’un médicament, fruit d’un consensus scientifique européen pour les procédures européennes, et de surcroît document de référence opposable lors d’une prescription médicale à un patient donné. Les monographies comme celles du Vidal ou de Thériaque se basent toutes strictement sur le RCP de l’ANSM ou de l’EMA (en fonction du type de procédure) comme référentiel de base pour établir leur documentation.

La méthodologie des essais thérapeutiques est un des progrès médicaux essentiels de la fin du XXe siècle.

Durant des années, les médecins ont évalué l’effet des médicaments en observant l’évolution de patients traités et en tentant d’en tirer des relations. Cette observation que l’on appellera plus tard du nom d’épidémiologie a permis de connaître l’efficacité de nombreuses substances : la colchique chez le goutteux, la digitale chez l’insuffisant cardiaque, l’iode chez l’hyperthyroïdien…

Pour mieux situer les médicaments, pour découvrir ceux dont l’action est plus modeste, pour évaluer avec précision le bénéfice, cette méthode d’observation est insuffisante. Il faut utiliser une technique décrite en 1865 par Claude Bernard : la méthode expérimentale. L’effet du médicament est alors facilement évaluable en mesurant la différence d’évolution de deux groupes comparables de patients, ne différant que par le traitement. Si une amélioration de l’évolution peut être mise en évidence dans un groupe, il est légitime d’établir une relation de causalité entre la prise du traitement et l’évolution, c’est-à-dire affirmer une meilleure efficacité thérapeutique.

Plus les bénéfices escomptés sont faibles par rapport aux thérapeutiques préexistantes, plus la méthodologie devra être rigoureuse pour qu’une efficacité clinique soit mise en évidence. La méthodologie des essais thérapeutiques permet cette rigueur qui garantit la réalité des résultats observés dans les essais cliniques des médicaments. Elle permet de s’assurer qu’un nouveau médicament est réellement meilleur qu’un placebo et permet de le situer par rapport aux autres thérapeutiques déjà disponibles.

Bon usage du médicament

L’augmentation du nombre de médicaments disponibles pour traiter une pathologie donnée, l’émergence de médicaments pour traiter des maladies dites orphelines, les prix parfois considérables de certains médicaments, les scandales sanitaires liés aux effets indésirables des médicaments parfois facilités par leur mésusage ou leur utilisation hors autorisation de mise sur le marché (AMM) ont fait naître le concept du « bon usage du médicament ».

On peut le définir littéralement comme le bon médicament, dans la bonne indication pour traiter aux bonnes posologies, le bon patient.

Ceci implique une bonne connaissance par le prescripteur du patient, de sa maladie et du médicament, une bonne vigilance de la part du pharmacien, dernier contrôleur de la chaîne avant la prise par le patient et, bien sûr, la compréhension par le patient du bien-fondé de cette thérapeutique et son adhésion à ce traitement (sous réserve d’une tolérance acceptable).En effet tout médicament non pris par le patient entraîne une perte de chance pour lui, mais également un coût majeur pour la collectivité.

Sujets âgés

Sont considérées comme « âgées » les personnes de 75 ans et plus et celles de plus de 65 ans atteintes de polypathologie (5 800 000 personnes en France en 2011). Il s’agit d’une partie importante et croissante des populations occidentales. La prise en charge thérapeutique des malades âgés intervient dans un contexte où s’opposent, d’une part, la fréquente polypathologie qui nécessite très souvent plusieurs traitements, d’autre part, l’exposition et la sensibilité accrues aux effets indésirables des médicaments. Bien que l’âge lui-même ne contre-indique généralement pas un traitement, il en modifie souvent les objectifs et les modalités qui font l’objet de différentes recommandations et référentiels [1], [4], [13], [16].

Génériques

Un médicament générique se définit par rapport à une spécialité de référence (ou princeps) comme étant un médicament ayant la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique, et dont la bio-équivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriée » (Code de la santé publique, article L. 5121). Ces études ne sont pas nécessaires pour les formes injectables directement administrées dans la circulation sans phase d’absorption. Cette disposition évidente fait pourtant l’objet de nombreuses interrogations et permet aux « anti-génériques » d’attribuer l’augmentation des résistances aux antibiotiques, aux antibiotiques génériques injectables [9].

Les études de bio-équivalence consistent à comparer la concentration du principe actif du médicament dans le sang, après absorption du princeps et du générique, sur un groupe restreint de malades sains (12 minimum à 36) après une prise unique.

Les études de biodisponibilité permettent, quant à elles, de calculer la vitesse et l’intensité d’absorption dans l’organisme du générique comparativement à celles du princeps.

L’éducation thérapeutique vise à améliorer la prise en charge des patients atteints de maladie chronique et elle s’oppose, d’une part, à l’infantilisation du patient réduit au statut d’élève ou d’enfant devant observer les prescriptions d’un médecin décidant à sa place, pour son bien, et, d’autre part, à l’objectivation du malade, réduit à sa maladie. Les pionniers de l’éducation thérapeutique revendiquent une pratique centrée sur le patient et ils sont fiers de ce combat historique. Cependant, loin de l’autosatisfaction, il est parfois utile de penser contre soi. En effet, on voit naître au sein du « courant » des militants de l’éducation thérapeutique, une tendance à réduire l’éducation thérapeutique à l’éducation, en relativisant la thérapeutique. Or, l’éducation du patient n’a d’intérêt que si elle lui permet d’utiliser au mieux le traitement le plus adapté à sa pathologie chronique, d’où l’importance que le soignant impliqué dans l’éducation thérapeutique connaisse parfaitement la maladie dont le patient est atteint et ses traitements. Une autre erreur consiste à réduire l’éducation à l’accompagnement, et finalement l’accompagnement à la bienveillance. L’empire du bien triomphe ! Le problème de l’observance risque alors d’être marginalisé et le terme d’« observance » peut devenir un « gros mot » à éviter, avec sa connotation religieuse de règle à suivre, d’obéissance totale. Tout au contraire, même si l’éducation thérapeutique ne se résume pas au simple objectif de l’obtenir à tout prix, l’observance nous paraît au cœur de l’éducation thérapeutique et du rapport médecin-patient au cours de la maladie chronique. Encore faut-il lever le malentendu qui se cache derrière le concept d’observance et qu’on ne peut pas résoudre par un simple changement de nom, en remplaçant observance par adhérence. Comme s’il suffisait d’adhérer pour observer !

Définitions

Un événement iatrogène (de iatros : médecin et génès : qui est engendré) est défini d’après le Larousse par « un trouble, une maladie provoqués par un acte médical ou par les médicaments, même en l’absence d’erreur du médecin ». Ce chapitre s’intéressera à la iatrogénèse médicamenteuse, soit à l’ensemble des effets indésirables consécutifs de l’utilisation d’un médicament.

Un effet indésirable médicamenteux (EIM) est défini par « une réaction nocive et non voulue à un médicament ou à un produit » [7]. Jusque-là limitée à la survenue, lors de l’utilisation de médicaments à dose thérapeutique, la définition de l’effet indésirable s’est élargie et intègre dorénavant les réactions nocives survenues dans toutes les situations d’utilisation telles que le mésusage, l’abus, le surdosage et les erreurs médicamenteuses.

Parmi ces EIM, on distingue les effets indésirables graves et les effets indésirables inattendus. En Europe, tout effet indésirable grave suspecté doit être déclaré par voie électronique sans délai et au plus tard dans les quinze jours suivant la réception de l’information à partir du moment où l’État en a pris connaissance [7].

Un effet indésirable grave est défini par « un effet indésirable létal, ou susceptible de mettre la vie en danger, ou entraînant une invalidité ou une incapacité importante ou durable, ou provoquant ou prolongeant une hospitalisation, ou se manifestant par une anomalie ou une malformation congénitale » [7]. Plus récemment, l’effet indésirable « médicalement significatif », a été intégré dans cette définition. C’est-à-dire, un effet considéré comme grave par un médecin, soit un effet ayant des conséquences cliniques importantes mais ne correspondant pas à l’un des autres critères de gravité.

Définition

L’effet placebo d’un médicament (ou d’une thérapeutique) désigne tous les effets non spécifiques, désirés ou non, liés au médicament ou au geste thérapeutique et à l’interaction entre le patient et le soignant. Étymologiquement, placebo provient du latin « je plairai ». En pratique, un médicament dit placebo est une substance pharmacologiquement inactive, c’est-à-dire dénuée de tout principe actif, et ayant la même forme, couleur et odeur que celles du médicament étudié. Si l’on pressent l’effet placebo depuis longtemps, son effet a été quantifié depuis que l’on réalise des essais cliniques comparatifs versus placebo.

Classiquement, l’anesthésie a pour but d’assurer le confort et l’analgésie pendant une intervention chirurgicale, mais aujourd’hui de nombreux autres actes interventionnels requièrent la présence d’un anesthésiste-réanimateur, pour différentes raisons souvent combinées : l’acte est douloureux (ponction sous scanner) ou produit de l’inconfort chez l’adulte (endoscopie), l’acte est précis justifiant une immobilité stricte (neuroradiologie), l’acte ne peut être réalisé sans anesthésie (enfant). Au cours de ce chapitre, le terme interventionnel couvrira donc les actes de chirurgie classique mais également les actes réalisés en dehors du bloc opératoire, comme explicité ci-dessus. L’anesthésie va donc répondre, principalement, à trois directives : assurer l’analgésie, la narcose (inconscience) et la relaxation musculaire. L’anesthésiste-réanimateur doit connaître parfaitement les temps opératoires et les complications potentielles de chaque situation. Au fil du temps, l’anesthésie est devenue une spécialité transversale qui fait la connexion entre les spécialités interventionnelles et les spécialités médicales. Un patient qui doit bénéficier d’une intervention peut présenter d’autres affections médicales, non liées directement à la chirurgie, mais qui peuvent influencer son devenir et le succès de l’acte. Le rôle de l’anesthésiste-réanimateur, loin de se résumer strictement à la période opératoire, commence au moment de la consultation d’anesthésie et s’étend jusqu’à la période post-opératoire. Un concept de plus en plus employé est celui de médecine péri-opératoire dans lequel l’anesthésiste-réanimateur joue un rôle clef : il assure l’optimisation de l’état médical du patient afin que l’intervention et la récupération post-opératoire se déroulent le mieux possible.

Contexte

Le fractionnement de la médecine en de multiples spécialités et thérapies diverses est à la fois choquant et surprenant. Il semblerait pourtant logique qu’au lieu d’éparpiller et de diviser la médecine, il faille tout au contraire la rassembler en un seul ensemble ce qui apporterait des outils nouveaux et très profitables pour tous les malades… La connaissance du corps et de la maladie par la science ne peut tout traiter car l’être vivant n’est pas réductible au biologique. Ce constat se retrouve dans le décalage existant entre les nombreuses avancées scientifiques en médecine et en thérapeutique et le vécu subjectif du patient.

Les études de médecine offrent un enseignement remarquable sur les nombreux mécanismes du corps humain. La physiologie et l’anatomie sont développées jusque dans leurs plus infimes détails. Mais la séparation de la médecine en différentes spécialités y est déjà instaurée comme une évidence. Or, si ce processus de spécialisation (division) se poursuit, il y aura dans l’avenir un accroissement important du nombre des spécialistes dans des domaines variés… Le résultat est que les médecins savent de plus en plus de choses sur de moins en moins de sujets. Ils deviennent aussi très « techniciens » et moins humains… À ce rythme, toute la médecine obéira bientôt à une standardisation complète des examens et des traitements.

Dans le cursus d’enseignement médical (hors spécialisation), une place encore modeste est laissée à ce qui pourrait s’intituler la « médecine globale ». De plus, l’étude du psychisme n’y est présentée que sous l’angle de la pathologie : dépression, schizophrénie, phobies, etc. Quant aux interactions possibles entre les deux, elles sont limitées aux effets délétères du stress, le reste étant considéré comme relevant davantage de la philosophie que de la médecine… Comme si l’esprit n’influençait pas (ou très peu) l’organisme dans lequel il vit en dehors de ces quelques situations pathologiques !

Partie 2 - Médicaments en médecine interne

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) représentent la classe thérapeutique la plus prescrite au monde, soit environ 4 % des prescriptions de pharmacie. Leur utilisation très large et ubiquitaire est liée à leur efficacité symptomatique antalgique, anti-inflammatoire et antipyrétique. Cette utilisation très large a pour corollaire une iatrogénie importante puisqu’ils sont responsables d’effets indésirables très fréquents, parfois graves, en premier lieu digestifs et cardiovasculaires.

À la fin des années 1930, Kendall aux États-Unis et Reichstein en Suisse isolent la cortisone et des extraits de surrénales de porc sont rapidement utilisés dans le traitement de la maladie d’Addison. À la fin des années 1940, une première injection d’acétate de cortisone est réalisée avec succès chez un patient atteint de polyarthrite rhumatoïde. C’est ainsi que naît la corticothérapie telle qu’elle qu’on la connaît aujourd’hui. L’usage a réservé aux termes « corticoïdes » et « corticothérapie » la prescription à visée anti-inflammatoire de glucocorticoïdes, éliminant ainsi les minéralocorticoïdes et les androgènes, également sécrétées par la glande corticosurrénale.

Les immunoglobulines intraveineuses (Ig IV) administrées par voie intraveineuse sont des médicaments ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les années 1980 pour remplacer les gammaglobulines administrées par voie intramusculaire dans le traitement substitutif des déficits immunitaires humoraux primitifs. Il s’agit de préparations thérapeutiques liquides ou lyophylisées, stériles, contenant des immunoglobulines (Ig) humaines d’isotype G, constituée à partir d’un pool de plasma d’individus sains. En plus de leur intérêt dans le traitement substitutif des patients ayant un déficit en anticorps, il a été mis en évidence par Imbach et coll. en 1980 que les Ig IV utilisées à forte dose ont une efficacité dans les thrombopénies auto-immunes [3]. Depuis cette date leur utilisation a été envisagée dans de très nombreuses pathologies auto-immunes et/ou inflammatoires systémiques, avec obtention cependant d’un nombre limité d’autorisations de mise sur le marché. Dans ce chapitre, nous traitons exclusivement des préparations d’Ig poyvalentes humaines et n’abordons pas les Ig spécifiques (anti-D, antibactériennes ou antivirales).

Le traitement des pathologies inflammatoires et/ou auto-immunes systémiques repose sur l’utilisation de corticoïdes et d’immunosuppresseurs (IS). Les corticoïdes sont associés à la survenue de nombreux effets secondaires plus ou moins sévères et/ou réversibles, et une stratégie d’épargne cortisonique est systématiquement recherchée. Celle-ci peut reposer sur l’utilisation d’IS et/ou de biomédicaments. Classiquement, on différencie les molécules dites chimiques, souvent non spécifiques d’une cible, des biomédicaments parmi lesquels on retrouve les anticorps monoclonaux et les protéines de fusion, qui ont une cible spécifique.

Dans ce chapitre, nous traiterons des IS couramment utilisés dans le traitement des pathologies inflammatoires et/ou auto-immunes systémiques (Tableau S30-P02-C04-I). Le plus souvent, ces IS ont été utilisés initialement dans le traitement préventif du rejet de greffe dans le contexte d’une transplantation d’organe. Les immunoglobulines intraveineuses et les autres biomédicaments immunomodulateurs tels que les anticorps monoclonaux ciblant le cluster de différentiation (CD)-20, le tumor necrosis factor α (TNF-α), le récepteur à l’interleukine (IL)-6 sont traités ailleurs.

Les échanges plasmatiques (EP) sont prescrits au cours de nombreuses affections, essentiellement hématologiques, neurologiques, néphrologiques et immunologiques. Ils consistent, après séparation des éléments figurés du sang, à épurer un volume plasmatique équivalent à au moins une masse plasmatique (40 ml/kg) et à le remplacer par des colloïdes et/ou du plasma allogénique. L’effet thérapeutique recherché est d’enlever des substances considérées comme pathogènes, par exemple des médiateurs immunologiques ou des lipoprotéines. Dans le cas de maladies induites par un déficit protéique acquis ou constitutionnel non substituable par un médicament dérivé du sang (purpura thrombopénique immunologique [PTT], syndrome hémolytique et urémique [SHU]), l’échange plasmatique permet d’apporter une grande quantité de protéines plasmatiques sans risque de surcharge. Des modifications hémorhéologiques peuvent également avoir un effet thérapeutique à court terme. Habituellement, les EP ne sont pas à eux seuls un traitement de fond mais, le plus souvent, un des éléments d’une stratégie thérapeutique. Quelle que soit l’affection traitée, plusieurs séances sont nécessaires pour obtenir un effet thérapeutique.

Traitements anticoagulants

La coagulation est le processus physiologique qui conduit à la formation d’un caillot de fibrine sous l’action d’une enzyme clef, la thrombine. In vivo, ce processus met en jeu la paroi vasculaire, des éléments cellulaires circulants parmi lesquels les plaquettes, des protéines plasmatiques (facteurs procoagulants, inhibiteurs de la coagulation) et des ions calcium. Initiée de manière prépondérante par la voie du facteur tissulaire et du facteur VII (FVII), la coagulation consiste en une activation en cascade de précurseurs de sérine-protéases à la surface des plaquettes activées ( Figure S30-P2-C6-1) : le facteur X activé (FXa) au sein du complexe prothrombinase y joue un rôle central, générant la thrombine à partir de la prothrombine. La thrombine (facteur IIa) a la particularité d’être multifactorielle : elle transforme le fibrinogène soluble en fibrine, active les plaquettes, active en retour les facteurs V et VIII amplifiant ainsi le processus, mais exerce également des fonctions modulatrices. Un système d’inhibiteurs physiologiques permet in situ de limiter l’extension du caillot : ainsi, l’antithrombine, en complexant de manière irréversible la plupart des facteurs activés parmi lesquels la thrombine et le FXa, est un anticoagulant naturel puissant.

Les IMID (immune mediated inflammatory diseases) regroupent des affections complexes auto-immunes et auto-inflammatoires. Leur mécanisme met en jeu de nombreux médiateurs de l’immunité innée et adaptative dont de grandes voies cytokiniques (TNF, IL-6, IL-1, etc.), des cellules-clés comme le lymphocyte T et le lymphocyte B mais aussi d’autres acteurs (polynucléaires, cellules dendritiques, macrophages, mastocytes, etc.).

Partie 3 - Greffes

De tous les traitements de la maladie rénale chronique parvenue au stade V, la transplantation rénale est indiscutablement celui qui apporte au patient non seulement une meilleure qualité de vie, mais aussi une prolongation de survie [27]. Soixante ans à peine se sont écoulés depuis le succès des deux premières transplantations rénales pratiquées à quelques semaines d’intervalle à Boston puis à l’hôpital Necker à Paris entre des jumeaux non identiques. Depuis cette date, plus de 500 000 transplantations rénales ont été effectuées dans le monde entier et en France, environ 35 000 patients vivent actuellement avec un greffon fonctionnel. Cependant, à l’échelon individuel, la réussite d’une transplantation rénale est multifactorielle. C’est la raison pour laquelle l’évaluation prétransplantation du receveur est une étape déterminante qui permettra de préciser les indications, de préciser la balance bénéfice/risque en fonction de l’âge du receveur, de définir les stratégies chirurgicales et médicales, le pronostic et donc de permettre d’inscrire sur la liste d’attente de transplantation le plus grand nombre de patients. Celles que nous présentons intègrent celles déjà publiées [18] et celles de l’hôpital Necker.

Le rejet est une réaction immunologique déclenchée par l’introduction, dans un organisme receveur de cellules, de tissus ou d’organes provenant d’un organisme donneur différent, de la même espèce ou non. Cette terminologie a été utilisée historiquement à propos des greffes de peau entre des souris de lignée congéniques différentes. Cette réaction immunologique a de multiples traductions cliniques depuis la perte immédiate et définitive de l’organe transplanté dans le cas du rejet hyperaigu jusqu’à l’apparition dans les urines du receveur de biomarqueurs prédisant la survenue, quelques semaines plus tard, d’un événement clinique ! Les très nombreux progrès réalisés au cours de la dernière décennie permettent de proposer plusieurs classifications des rejets en fonction de la chronologie de survenue par rapport à la date de la transplantation, du retentissement fonctionnel sur l’organe transplanté (existence ou non d’une dysfonction rénale dans le cas présent), des méthodes utilisées pour poser le diagnostic (histologie conventionnelle, « microscopie moléculaire », biomarqueurs sanguins et/ou urinaires, etc.). Si les progrès ont été nombreux et significatifs en ce qui concerne le diagnostic du rejet, ce dont témoignent les modifications nombreuses et significatives de la classification de Banff, les conséquences en termes de prise en charge thérapeutique (à chaque type de rejet son traitement spécifique) sont encore imparfaites et constituent le défi des prochaines années pour améliorer le pronostic de la transplantation rénale.

De tous les traitements de la maladie rénale chronique au stade V, la transplantation rénale est indiscutablement celui qui apporte au patient non seulement une meilleure qualité de vie, mais aussi une amélioration de l’espérance de vie. En France, plus de 3 000 transplantations rénales sont réalisées chaque année et plus de 33 000 patients vivent avec un greffon rénal fonctionnel. Cette grande réussite ne doit pas occulter la complexité de cette prise en charge qui tient à la lourdeur des traitements, vecteurs de complications significatives, chez des patients porteurs d’un long trajet médical et souffrant de l’ensemble des complications liées à l’évolution de la maladie rénale chronique. La rigueur du suivi du patient transplanté constitue le meilleur garant de la réussite de la transplantation sur le long terme. L’objectif de ce chapitre est de décrire au plan pratique les modalités de surveillance des patients transplantés. Cette synthèse est inspirée des recommandations nationales, européennes [2], et américaines [4], [5]portant sur le suivi des patients transplantés rénaux.

Près de 2 000 allogreffes de cellules souches hématopoïétiques (CSH) ont été réalisées en France en 2014, soit 2 fois plus que dans les années 2000. Cette augmentation est le fait de l’élargissement des indications d’allogreffe, du développement de conditionnements non myélo-ablatifs qui ont permis de repousser l’âge limite de la greffe au-delà de 50 ans, et de nouvelles sources de CSH allogéniques. La survie globale est cependant restée stable d’environ 50 % à 5 ans. Ces données reflètent à la fois le risque de rechute persistant après allogreffe et l’importance des complications inhérentes à la procédure d’allogreffe.

En France, les principales indications d’allogreffe (Tableau S30-P03-C04-I) sont les hémopathies malignes dans 90 % des cas (leucémies aiguës ≈ 50 % des cas, autres hémopathies ≈ 40 % des cas). Pour les hémopathies malignes, le risque de complications après allogreffe est influencé par le type d’hémopathie, les traitements antérieurs (morbi-mortalité directement corrélée au nombre de lignes de chimiothérapie prégreffe), la chimiosensibilité à la greffe (toxicité et rechute responsables d’une mortalité plus élevée en cas de maladie réfractaire).

Bien que de pratique courante, plus de 3 000 transplantations rénales étant réalisées chaque année en France, l’évolution du patient transplanté peut être émaillée de nombreuses complications en rapport avec son état médical antérieur, la chirurgie en elle-même ou son traitement immunosuppresseur. L’objet de ce chapitre est de présenter une synthèse des différentes complications pouvant affecter le patient transplanté rénal, à l’exclusion des rejets du greffon qui font l’objet du chapitre S30-P03-C02.