S31 Anesthésie réanimation et médecine péri-opératoire

S31 Anesthésie réanimation et médecine péri-opératoire

S31

Anesthésie, réanimation et médecine péri-opératoire

 

Benoît Plaud et Serge Molliex

Partie 1 - Préparation à l’acte interventionnel

Aspect réglementaire et principes de l’évaluation pré-anesthésique

L’évaluation d’un patient avant un acte chirurgical ou interventionnel est effectuée par un médecin qualifié en anesthésie-réanimation au cours d’une consultation spécialisée. Il s’agit en France d’une obligation réglementaire, inscrite dans le décret 94-1050 du 5 décembre 1994 et constituant la première phase du processus anesthésique ( Figure S31-P1-C1-1). En dehors de l’urgence, elle doit être effectuée plusieurs jours avant l’acte, le plus souvent en consultation externe. Elle donne lieu à un compte-rendu de consultation, élément du dossier médical du patient.

Les différents types d’examens complémentaires pré-opératoires

Les examens complémentaires sont une composante de l’évaluation pré-opératoire. Parmi ces examens, il convient de distinguer les examens directement en rapport avec la maladie ou le motif qui va amener le patient au bloc opératoire dont le but est d’assurer le diagnostic, définir l’opérabilité et le type de chirurgie à réaliser, et ceux dont l’objectif est d’évaluer et de réduire les risques associés à la réalisation de l’acte opératoire et de l’anesthésie qu’il requiert. De façon générale mais pas exclusive, les premiers sont le plus souvent prescrits par le médecin qui confie le patient au chirurgien ou par celui-ci, les seconds le sont par le médecin anesthésiste à l’issue de la consultation pré-anesthésique. L’évaluation et la réduction des risques reposent principalement sur l’anamnèse et l’examen clinique, mais peuvent éventuellement faire appel à des examens complémentaires et/ou à l’avis d’autres spécialistes. Les examens complémentaires pré-opératoires dans ce dernier cadre ne sont donc pas obligatoires lorsque leur intérêt ou bénéfice n’est pas démontré, leur prescription ne répond à aucune obligation réglementaire ou justification médico-légale.

La gestion des médicaments et des dispositifs médicaux dans la période péri-opératoire est un des principaux enjeux de l’évaluation anesthésique : traitements à visée cardiovasculaire, du diabète et interférant avec la coagulation (anti-agrégant et anticoagulant) sont les plus fréquemment rencontrés.

L’objectif de l’antibioprophylaxie chirurgicale est d’empêcher la prolifération de la flore bactérienne colonisante au niveau du site opératoire et per se diminuer l’incidence d’infection du site opératoire. Ses principes pharmacologiques sont différents d’une antibiothérapie curative dans laquelle l’inoculum bactérien est élevé. Les bactéries colonisantes les plus fréquemment en cause dans les infections du site opératoire sont donc les cibles. La problématique de l’antibioprophylaxie entre dans le cadre de la consommation hospitalière des antibiotiques. En effet, 30 à 40 % des patients hospitalisés reçoivent des antibiotiques. L’antibioprophylaxie représente près de la moitié de la consommation d’antibiotiques d’une structure hospitalière. Par ailleurs, des enquêtes retrouvent jusqu’à 50 % de prescriptions non conformes aux recommandations.

La première utilisation d’antibiotique pour prévenir les infections du site opératoire date de 1939. Des sulfamides avaient été administrés en chirurgie colorectale. Leur utilisation systématique a été associée à l’émergence rapide de résistances et l’abandon de cette méthode. Quelques années plus tard, la notion d’antibioprophylaxie chirurgicale raisonnée est apparue sous l’impulsion d’Altemeier. Ces grands principes sont toujours d’actualité. Toutefois, le niveau de preuve global reste faible à modéré, en dehors de certains points précis.

L’anémie est l’une des premières co-morbidités dans la population mondiale. Dans le contexte du péri-opératoire, elle est associée à une augmentation de la morbi-mortalité, comme l’est la transfusion sanguine. C’est pourquoi des stratégies sont à mettre afin de limiter l’anémie et la transfusion en place en péri-opératoire. Il s’agit même d’une des dix priorités de santé reconnues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (déclaration WHA63.12 21, mai 2010). L’ensemble de ces stratégies d’épargne transfusionnelle est regroupé au sein du concept de « patient blood management » (PBM) [9].

Partie 2 - Management de l’intervention

Le médecin anesthésiste-réanimateur dispose d’outils de surveillance hémodynamique rendu obligatoire par le décret de loi n° 94-1050 du 5 décembre 1994 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des établissements de soins en ce qui concerne la pratique de l’anesthésie [2]. Le patient doit bénéficier d’une « surveillance clinique continue et de matériel d’anesthésie et de suppléance adapté au protocole anesthésique retenu » et ces moyens doivent permettre « le contrôle continu du rythme cardiaque, du tracé électrocardioscopique, de la saturation du sang en oxygène et de la concentration en gaz carbonique expiré » et « la surveillance de la pression artérielle, soit non invasive ou invasive, si l’état du patient l’exige » [7].

La notion de monitorage est indissociable des algorithmes thérapeutiques prenant en compte ces paramètres. Ce n’est pas le monitorage péri-opératoire qui améliore le pronostic des patients mais les objectifs thérapeutiques et les moyens mis en œuvre pour y parvenir.

L’objectif de ce chapitre sera de réaliser une synthèse (volontairement non exhaustive) des principaux types de monitorage au bloc opératoire.

Née il y a plus d’un siècle en Écosse, la chirurgie ambulatoire a connu un développement considérable dans un premier temps aux États-Unis depuis les années 1960, puis dans les autres pays occidentaux depuis les années 1970-80 [2]. De nombreuses actions nationales ont été menées ces dernières années, permettant d’atteindre, en France en 2017, un taux global de 55,9 % (chiffre de l’Association française de chirurgie ambulatoire) contre 32 % en 2006. La chirurgie ambulatoire a donc progressé globalement, mais principalement sur des gestes ciblés et de manière inégale selon les types de structure et les régions. Tout l’enjeu du développement de la chirurgie ambulatoire en France pour les tutelles est d’atteindre une cible à 70 % à l’horizon 2022. Il y a donc une volonté affirmée de changer de paradigme afin que la chirurgie ambulatoire devienne la référence (instruction de la Direction générale de l’offre de soins DGOS/R3 n° 2010-457). Cet objectif est fondé sur une méthode unique de transférabilité des séjours d’hospitalisation conventionnelle vers l’hospitalisation ambulatoire (instruction DGOS/R3 n° 2015-296).

La chirurgie ambulatoire est donc un enjeu majeur de l’évolution de l’offre de soins, en premier lieu pour le patient, et également pour les professionnels et les établissements de soins. Son développement va bien sûr permettre de diminuer la durée d’hospitalisation des patients bénéficiant de ce type de prise en charge mais pas seulement. En effet, toute la stratégie mise en place pour assurer une organisation efficiente en chirurgie ambulatoire est transposable à la chirurgie à hospitalisation conventionnelle et « favorise donc le développement d’organisations performantes en chirurgie » (instruction DGOS/R3 n° 2015-296). Dans cette perspective, les anesthésistes-réanimateurs sont en première ligne non seulement dans le contexte de leurs pratiques médicales, mais aussi dans le cadre organisationnel (nombre d’entre eux sont coordonnateurs ou participent activement au pilotage d’une unité d’anesthésie et de chirurgie ambulatoire [UACA]).

En France, 9 millions d’anesthésies générales sont pratiquées chaque année pour des actes chirurgicaux et interventionnels au bloc opératoire ou non (radiologie). Elle reste la technique de référence permettant de prendre en charge les patients pour une procédure programmée ou en urgence. Elle est définie par une perte de conscience réversible avec trois composantes que sont l’hypnose, l’analgésie et la myorelaxation. Le choix des agents repose sur leurs propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques, le terrain du patient, la procédure chirurgicale ou interventionnelle dans un contexte d’urgence ou non et le caractère ambulatoire des actes réalisés.

L’ensemble des procédures anesthésiques, dont l’anesthésie générale, a été réglementé par le décret du 5 décembre 1994. Ce dernier a permis d’améliorer la sécurité des patients en fixant des mesures de formation du personnel, de consultation et de visite pré-opératoire, d’équipements de surveillance, de salles de surveillance post-interventionnelles (SSPI) et de respect des recommandations de bonnes pratiques.

Dès lors, une véritable culture de la sécurité s’est imposée aux anesthésistes-réanimateurs. En 1999, l’enquête conjointe de la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR) et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) révélait que les décès directement imputables à l’anesthésie étaient de 4,7 pour 100 000 actes. Le taux de mortalité variait de 0,4 à 55 pour 100 000 actes en présence d’un patient porteur d’une morbidité grave [4]. Les grands principes de réalisation d’une anesthésie générale, les adaptations en situation d’urgence et les principales morbidités imputables à l’anesthésie générale sont présentés ici.

L’anesthésie locorégionale regroupe de nombreuses techniques allant de l’infiltration cutanée aux techniques anesthésiques périmédullaires (rachianesthésie, anesthésie péridurale). Le choix d’une technique dépend de la balance bénéfice/risque, du choix du patient et de la maîtrise de la technique par l’opérateur.

Les différentes méthodes analgésiques sont d’une part les interventions non pharmacologiques, comme les méthodes psychocorporelles
et comportementales. Les méthodes d’analgésie pharmacologique, d’autre part, utilisent des agents anesthésiques intraveineux ou inhalés, des blocs nerveux comme une analgésie péridurale (APD). Ces différentes méthodes ne sont pas inconciliables surtout quand on assiste à une évolution des souhaits des patientes qui demandent un accouchement plus physiologique, une analgésie plus personnalisée. L’objectif principal de l’anesthésiste sera de proposer ces différentes méthodes aux patientes en exposant bien pour chacune d’elles leurs limites, leurs avantages respectifs et complémentarité.

Partie 3 - Soins post-interventionnels

La dénomination « salle de surveillance post-interventionnelle » (SSPI) fait suite à celle de « salle de réveil » depuis la parution du décret du 5 décembre 1994. Ce changement traduit que :

– le « réveil » n’est plus une des questions centrales de la pratique anesthésique ;

– toute intervention, qu’elle soit chirurgicale ou « interventionnelle » (endoscopie, radiologie), nécessite tout autant que l’anesthésie une surveillance spécifique.

La prévention de la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) fait partie intégrante de la médecine péri-opératoire. Elle a beaucoup gagné en efficacité depuis le début des années 1970. Il n’était pas rare à cette époque d’observer un taux élevé de thromboses veineuses symptomatiques, mais aussi d’embolies pulmonaires, parfois mortelles, dans les services de chirurgie orthopédique ou de chirurgie carcinologique. Les équipes médicales étaient fort démunies face à ce risque. Ces événements sont devenus beaucoup plus rares grâce à la prophylaxie systématique. C’est l’héparine non fractionnée par voie sous-cutanée (Calciparine®) qui a d’abord été utilisée dans cette indication avec des résultats satisfaisants (près de 67 % de réduction du risque comparativement au placebo ou l’absence de traitement). Puis sont arrivées les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), encore plus puissantes (80 % de réduction des événements), avec une bien meilleure biodisponibilité. La prophylaxie mécanique a accompagné ces progrès pharmacologiques avec les bas de contention et la compression pneumatique intermittente. Enfin, depuis 2010, les anticoagulants oraux directs (AOD) sont utilisés en prophylaxie de la maladie thrombo-embolique veineuse après chirurgie de la prothèse totale de hanche ou de genou. Le risque thrombo-embolique post-opératoire évolue : il augmente compte tenu de la population qui accède à la chirurgie (plus âgée, plus de comorbidités), il diminue car les parcours et les prises en charge ont considérablement évolué (techniques chirurgicales et anesthésiques, ambulatoire, récupération accélérée après chirurgie).

Introduite dans les années 1990 par l’équipe danoise du Pr Henrik Kehlet, la réhabilitation accélérée ou réhabilitation améliorée après chirurgie (RAC), appelée « enhanced recovery after surgery (ERAS) » ou « fast-track surgery » dans la littérature anglo-saxonne, est une méthode de prise en charge péri-opératoire en plein essor depuis les années 2010 [6]. Celle-ci consiste en une prise en charge globale et multiprofessionnelle (chirurgien, anesthésiste-réanimateur, infirmier, kinésithérapeute…) du patient tout du long de la période péri-opératoire, avec comme objectif principal une récupération de l’autonomie la plus rapide possible par le biais d’un rétablissement rapide des capacités physiques et psychiques antérieures. Cette méthode vise en particulier à limiter les conséquences de l’acte opératoire, véritable vecteur de stress sur l’organisme, pouvant induire une réponse métabolique et hormonale d’autant plus délétère que les capacités fonctionnelles du patient sont diminuées préalablement.

En prenant en charge le patient de façon active dès la phase pré-opératoire jusqu’à la phase post-opératoire, et en anticipant la phase suivant la sortie d’hospitalisation, la RAC a pour bénéfice individuel une diminution de la morbidité et des durées d’hospitalisation. Développés initialement pour la chirurgie colorectale, les programmes de réhabilitation se sont ensuite généralisés à d’autres modèles chirurgicaux en empruntant les mêmes principes que ceux décrits dans le présent chapitre. L’application à d’autres domaines en médecine ou en médecine intensive est désormais en cours [8].

Partie 4 - Soins critiques

Les péritonites correspondent à une inflammation aiguë du péritoine dont les causes les plus fréquentes sont infectieuses. Ces dernières sont caractérisées par la présence de pus dans la cavité péritonéale, collection liquidienne louche ou purulente, contenant à l’examen microscopique des leucocytes et éventuellement des bactéries visibles. Le diagnostic est confirmé par la culture microbiologique positive. Ces affections sont une urgence thérapeutique. Une prise en charge multidisciplinaire est indispensable, faisant intervenir différentes spécialités médicales selon le patient dont l’urgentiste, le gastro-entérologue, le chirurgien et l’anesthésiste-réanimateur.

L’oxygénothérapie hyperbare (OHB) est une modalité d’administration de l’oxygène (O2) par voie respiratoire à une pression supérieure à la pression atmosphérique entre 2 et 2,8 atmosphères absolues (ATA) pendant une à plusieurs heures. L’OHB est appliquée par l’intermédiaire d’une chambre hyperbare, communément appelée « caisson ».

L’hyperbarie médicale a pris son essor depuis les années 1950, sous l’impulsion des praticiens hollandais et français qui introduisent les indications dans le domaine de l’urgence telles que l’intoxication au monoxyde de carbone, la gangrène gazeuse ou l’embolie gazeuse iatrogène. De nos jours, la discipline s’est consolidée par la publication d’études cliniques et la validation d’indications raisonnées par des comités d’experts tant au niveau national qu’international.

La réanimation moderne permet, grâce à la ventilation artificielle, de maintenir la fonction ventilatoire et, par là même, la fonction circulatoire chez les patients comateux, souffrant de destructions irréversibles et complètes du cerveau et du tronc cérébral. Le maintien artificiel de ces fonctions dans ce contexte a généré une situation inédite, telle que reconnue par F. Goulon et Mollaret : la mort cérébrale, actuellement dénommée mort encéphalique [9]. Cet état survient lorsque la cause du coma a engendré un arrêt circulatoire cérébral par hypertension intracrânienne, ischémie ou anoxie. Cette situation irréversible permettait d’envisager des prélèvements d’organes en vue de la greffe d’organes dans de meilleures conditions qu’auparavant. Néanmoins, pour permettre ces prélèvements à cœur battant, il fallait étendre la définition légale de la mort qui s’envisageait jusque-là par le constat d’un arrêt cardiorespiratoire. Le législateur a donc étendu la notion de mort à la mort encéphalique par l’édiction d’un décret en Conseil d’État. Ce dernier impose que le constat de la mort préalable au prélèvement soit mené selon une procédure unique et codifiée qui associe des critères cliniques et paracliniques. Ce formalisme a le mérite de ne pas laisser la place au doute. Un tel formalisme n’est pas universel ; d’autres pays n’établissent le diagnostic de mort encéphalique que par l’examen clinque avec la disparition de l’activité du tronc cérébral associée à un coma aréactif.

Le concept de damage control (DC) est une stratégie thérapeutique privilégiant la restauration physiologique à la réparation anatomique chez des patients traumatisés graves hémorragiques au pronostic vital immédiatement engagé. Initialement décrit sous le nom de damage control surgery (DCS) pour les blessés présentant des traumatismes abdominaux pénétrants hémorragiques, ce concept s’articule en trois temps : chirurgie de contrôle lésionnel, restauration physiologique, puis chirurgie de réparation définitive. Concernant le versant réanimation, on parle de damage control resuscitation (DCR), associant une prise en charge hémodynamique spécifique et hémostatique intensive, pour lutter précocement contre la triade létale associant coagulopathie, hypothermie et acidose [5]. En constante évolution, ce concept de DC a été proposé également dès la prise en charge préhospitalière du blessé pour débuter au plus vite le contrôle de l’hémorragie et la réanimation hémostatique, réalisant ainsi le concept de remote DCR (RDCR). Le DC n’est mis en œuvre que pour les traumatisés les plus graves, ou lors des situations d’afflux de blessés. Dans les autres cas, les patients peuvent être traités de façon définitive d’emblée. Correctement appliqué, le DC permet d’améliorer significativement le taux de survie des traumatisés les plus graves.

Dans son ouvrage intitulé L’incroyable histoire de la médecine publié aux éditions Arènes BD en 2018, Jean-Noël Fabiani décrit la réanimation dans une bulle de bande dessinée qui résume bien le concept de la sédation-analgésie ( Figure S31-P4-C5-1). L’essentiel des soins prodigués à un patient de réanimation vise en effet à suppléer la ou les défaillances d’organe qui sont l’objet de son admission et de son maintien en réanimation. Les thérapeutiques mises en œuvre sont intensives et souvent invasives : ventilation mécanique en pression positive sur sonde d’intubation endotrachéale, immobilisation stricte imposée au lit afin de permettre un monitorage fiable des constantes vitales et de prévenir l’ablation accidentelle des nombreux drains, cathéters et sondes (dont la sonde d’intubation), ou encore de permettre une circulation extracorporelle sans interruption (épuration extrarénale, assistance circulatoire). Ces sources d’inconfort et de douleur nécessitent que l’on sédate (sedare signifie apaiser) une majorité des patients lorsqu’ils sont intubés et ventilés. La sédation inclut des techniques diverses allant des thérapeutiques non médicamenteuses à l’utilisation de médicaments et de techniques proches de l’anesthésie générale chez les patients sous assistance ventilatoire. Cependant, la sédation doit être considérée comme une arme thérapeutique à double tranchant qui comporte de nombreux effets secondaires et des conséquences à long terme dont tout médecin doit être conscient. Les buts de ce chapitre sont d’expliquer les objectifs et les principes de la sédation-analgésie, puis d’en énumérer les effets secondaires afin de mieux prendre en charge les patients après un séjour en réanimation.

Les patients de soins critiques peuvent nécessiter un transport intra- ou inter-hospitalier (TIH) pour une procédure diagnostique (imagerie, coronarographie), thérapeutique (artério-embolisation, bloc opératoire) ou pour une admission dans une autre unité de soins spécialisés. Si cette procédure est, par définition, nécessaire pour le patient, elle nécessite une préparation et une coordination parfaite. On estime ainsi qu’environ la moitié de ces transports s’accompagnent d’événements indésirables, classés selon leur gravité en deux catégories : les événements indésirables graves et les événements porteurs de risque [1], [3], [6](Tableau S31-P04-C06-I). Afin de minimiser ces événements (Tableau S31-P04-C06-II), des recommandations ont été proposées pour organiser au mieux le TIH [5].

De la gestion d’un patient à la gestion d’un flux de patients

Un afflux de blessés correspond à la prise en charge de plusieurs victimes dans un temps court. C’est une situation d’exception, difficile. On distingue l’afflux limité, ou situation de « multiple casualties », de l’afflux massif ou situation de « mass casualties » (Mascal). L’objectif de la prise en charge d’un afflux massif de blessés est de traiter efficacement le maximum de victimes avec les moyens à disposition sur le moment. L’afflux devient saturant lorsque le nombre de blessés est supérieur aux possibilités de prise en charge simultanée de la structure médicale. L’hôpital doit réorganiser toute son activité, qui doit alors être exclusivement orientée vers la prise en charge des patients relevant de cet événement. Pour cela, il est impératif de trier les victimes, en les catégorisant en fonction de leur gravité, pour déterminer un ordre de prise en charge, notamment chirurgical et d’imagerie.

L’afflux massif de victimes est une crise sanitaire aiguë, pré-hospitalière et hospitalière, nécessitant un ajustement dynamique des structures d’urgences. Or « les scientifiques ne se sentent guère à l’aise avec ces phénomènes qui semblent hors du champ des théories bien nettes et ciselées qu’ils ont développées à partir des circonstances et événements inscrits dans la normalité. Les crises semblent être en opposition absolue avec la base même des sciences » [3]. La préparation aux situations sanitaires exceptionnelles, c’est-à-dire aux évènements inhabituels ou de grandes ampleurs susceptibles de mettre sous tension de façon inhabituelle de système de santé, nécessite des plans. S’articulant via le service d’aide médicale urgente (SAMU) avec les stratégies pré-hospitalières, le plan hospitalier pour l’afflux de victimes est le Plan blanc, avec ses différents paliers. Le cas de l’afflux massif lors de tueries de masse a fait l’objet de recommandations récentes [1], [2]. Si la connaissance du Plan blanc est indispensable, et les entraînements essentiels, gardons cependant d’emblée à l’esprit que la première victime d’une crise, c’est le plan. Si la phase initiale de chaos invite à dérouler scrupuleusement le plan, une fois levé « le brouillard de la guerre » [4], il convient de s’adapter à la situation précisément rencontrée. La résolution de la crise est donc un savoir créatif permettant de prendre en charge les exceptions aux règles habituelles, rapidement et sous pression.

Partie 5 - Organisation, professionnalisme

La prise en charge des patients a considérablement évoluée au cours des trente dernières années dans les modes d’organisation et d’optimisation du fait des progrès médicaux et des contraintes médico-économiques. Les établissements de santé (hôpitaux et cliniques) conduisent des démarches pour améliorer de façon continue la qualité de soins et la sécurité des patients, avec un souci d’efficience. En application de l’article L. 6111-2 du Code de la santé publique [5], les établissements de santé élaborent et mettent en œuvre une politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins et une gestion des risques visant à prévenir et traiter les événements indésirables liés à leurs activités. De par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, la commission médicale d’établissement (CME) des établissements de santé est responsable, en concertation avec la direction, de la lutte contre les événements indésirables associés aux soins (EIAS), de la désignation du coordonnateur de la gestion des risques et du responsable de la qualité de la prise en charge médicamenteuse. Elle est responsable de la mise en place de l’amélioration continue de la qualité, par la proposition de plans d’action, la production d’indicateurs, et la participation au système de signalement ainsi qu’à l’analyse des événements indésirables. Les effets de ces démarches d’optimisation sont contrôlés à intervalle régulier par les organismes de tutelle. Elle s’appuie sur un certain nombre d’indicateurs et sur les résultats de la procédure de certification des établissements de santé. Les sociétés savantes de chaque spécialité, comme par exemple celle de l’anesthésie réanimation, sont proactives dans cette démarche globale d’amélioration des soins.

Non directement thérapeutique par son action propre, l’anesthésie s’est attachée dès ses débuts à maîtriser les risques et à récupérer les conséquences des événements indésirables. Ces efforts ont permis de parvenir à un niveau satisfaisant de sécurité dans les pays développés [6]. Néanmoins, la survenue d’un événement indésirable lié aux soins marque un changement radical dans le cours prévu du déroulement de la prise en charge d’un patient. Elle requiert des actions immédiates de contrôle et, à l’issue, l’information du patient et de ses proches. La présence de l’équipe d’anesthésie (anesthésiste-réanimateur et infirmier anesthésiste diplômé d’État) permet de mettre en œuvre des moyens de récupération de l’événement indésirable pour en éviter ou atténuer les conséquences pour le patient. Sont décrits ici les outils d’aide à la gestion d’un événement indésirable dans le but d’en améliorer la récupération, avant d’envisager l’accompagnement transparent et sincère des conséquences, qui fait partie du soin et doit avoir été réfléchi en amont.

En renfort des connaissances scientifiques des soignants, les sciences humaines permettent de faire progresser la capacité de réaction non technique individuelle ou en équipe au bénéfice du patient (communication, travail d’équipe).

La Haute Autorité de santé (HAS) définit la simulation en santé comme l’utilisation d’un matériel (mannequin ou simulateur procédural), de la réalité virtuelle ou d’un patient standardisé pour reproduire des situations ou des environnements de soin, dans le but d’enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques et de répéter des processus, des concepts médicaux ou des prises de décision par un professionnel de santé ou une équipe de professionnels [3]. La simulation en santé est souvent comparée à la simulation réalisée dans l’aéronautique. Cette dernière a pris son essor dans les années 1970 lorsqu’il a été compris que la majorité des accidents d’avion était à mettre en lien avec des défaillances humaines et non des défaillances mécaniques. Il a ainsi fallu travailler le « facteur humain » dont on sait aujourd’hui qu’il est également responsable d’un très grand nombre d’accidents médicaux. À titre d’exemple, un rapport de l’académie de médecine américaine de 2000 estimait que les erreurs médicales étaient responsables d’environ 100 000 décès par an aux États-Unis [4]. Ce rapport est important car il a fait prendre conscience à beaucoup que toute activité humaine, y compris la médecine, était source d’erreurs inéluctables et qu’il était donc indispensable de développer une nouvelle culture de l’erreur médicale.