S32 Maladies infectieuses

S32 Maladies infectieuses

S32

Maladies infectieuses

 

Olivier Lortholary et Dominique Salmon

Partie 1 - Infections bactériennes

Malgré l’amélioration des techniques d’identification et de dépistage des souches résistantes, conduisant à un diagnostic plus précoce et à une antibiothérapie mieux adaptée, Staphylococcus aureus, également appelé staphylocoque doré ou staphylocoque à coagulase positive, reste un agent infectieux fréquemment impliqué en pathologie humaine, qu’elle soit communautaire ou associée aux soins, et à l’origine d’une importante morbi-mortalité. Les autres staphylocoques, appelés staphylocoques blancs ou staphylocoques à coagulase négative (SCN), s’imposent comme l’une des principales bactéries responsables d’infections nosocomiales et peuvent conduire à des situations d’impasse thérapeutique.

Généralités et classifications

Les streptocoques sont des cocci à Gram positif regroupant de nombreuses espèces commensales et potentiellement pathogènes de la flore ORL. Les streptocoques sont des germes encapsulés facultatifs, ce qui leur confère un plus grand pouvoir invasif.

La classification des streptocoques dépend de leur pouvoir hémolytique sur gélose (sans conséquence clinique). Les alpha-hémolytiques sont représentés par les streptocoques viridans et le pneumocoque. Les beta-hémolytiques sont répertoriés selon la classification de Lancefield reposant sur les antigènes de surface, substance C, absente des autres types de streptocoques. Les antigènes sont notés de A à V et sont des polysaccharides ou des acides lipoteïchoïques (groupe D et N). Les gamma hémolytiques ne sont pas hémolytiques, représentés principalement en pathologie humaine par Streptococcus bovis et les streptocoques viridans (Tableau S32-P01-C02-I).

Les infections à streptocoques sont fréquentes avec en premier lieu les infections à pneumocoques et Streptococcus pyogenes. La transmission des streptocoques est possible par voie salivaire, par voie aérienne (aérosols de sécrétions), par voie digestive/génitale (accouchement) ou cutanée.

Généralités

Les entérocoques sont des microorganismes anaérobies facultatifs à Gram positif. Ils sont proches des streptocoques et possèdent l’antigène de surface D mais ont été différenciés après étude génomique. Ils sont commensaux et sont retrouvés dans la flore digestive et génitale. Les deux principales espèces responsables d’infection chez l’homme sont E. faecalis et E. faecium. Leur virulence est faible par rapport aux autres cocci à Gram positif, ils sont retrouvés dans de nombreux prélèvements sans pour autant être à l’origine de l’infection. De ce fait, de nombreuses antibiothérapies d’infections pluri-microbiennes ne prennent pas en compte l’entérocoque. Leur pouvoir pathogène est en revanche admis en cas d’infection mono-microbienne ou sur un terrain immunodéprimé et post-chirurgical. Un traitement antibiotique (céphalosporine ou quinolones de préférence) préalable est un autre facteur de risque d’infection.

Méningites bactériennes aiguës

Les méningites bactériennes aiguës sont des affections non rares, dont la gravité en termes de morbi-mortalité reste importante malgré les prises en charge actuelles optimisées. L’amélioration du pronostic doit se faire par une reconnaissance et un traitement adéquat le plus précocement possible, soit dès la suspicion de méningite aiguë bactérienne. La démarche diagnostique et thérapeutique est une urgence absolue qui ne souffre aucun délai.

Une méningite est définie par une inflammation des méninges (dure-mère, arachnoïde et pie-mère, contenant le liquide céphalorachidien [LCR]) dont l’étiologie peut être infectieuse ou non. Une méningite bactérienne aiguë correspond donc à la présence d’un syndrome infectieux associé à des anomalies du LCR (hypercellularité soit > 10 éléments/ml, hyperprotéinorachie soit > 0,5 g/l, hypoglycorachie soit rapport glycorachie/glycémie < 0,5) et à la mise en évidence, directe ou indirecte (présence d’antigène, d’acide nucléique), d’une bactérie dans le LCR ou dans un autre site, ou d’anomalies fortement évocatrices de cette étiologie.

Épidémiologie[6]

Les pneumonies sont des infections du parenchyme pulmonaire d’évolution aiguë. Elles sont dites communautaires (PAC) si elles sont acquises en milieu extrahospitalier ou si elles surviennent avant la 48e heure de l’admission hospitalière. Cinquième cause de décès dans les pays industrialisés, elles sont considérées comme des pathologies potentiellement sévères et causent une importante morbi-mortalité (Tableau S32-P01-C05-I). En France, l’incidence annuelle des PAC est faible, allant de 5/1 000 à 12/1 000. Leur impact sur les systèmes de santé et les sociétés en Europe est important avec un coût estimé approximativement à 10 millions d’euros, surtout dus aux jours d’hospitalisation et à la perte des jours travaillés.

Les infections urinaires sont des infections très fréquentes, représentant le deuxième site d’infection bactérienne communautaire après les voies respiratoires, et le premier site d’infection bactérienne nosocomiale. Ces infections sont protéiformes, allant de la bactériurie asymptomatique au sepsis sévère. En dehors des bactériuries asymptomatiques, les infections urinaires associent des signes cliniques, locaux ou généraux, et des signes biologiques de sévérité variable.

Le terme inoculation est apparu pour la première fois dans le monde médical au XVIIIe siècle, lors de l’importation en Occident de la variolisation par Lady Mary Wortley Montagu, épouse de l’ambassadeur d’Angleterre en Turquie. Cette technique ottomane remontant probablement à la Chine ancienne consistait à inoculer la variole (injecter du pus provenant des pustules d’un malade) afin de provoquer une forme modérée de la maladie. Elle constitue l’ancêtre de la vaccination contre la variole mise au point des années plus tard par Edward Jenner. Par extension, les maladies d’inoculation d’origine animale sont les maladies transmises par un animal à l’occasion d’une morsure, d’une griffure, ou d’un contact entre la salive et une plaie préexistante ou une muqueuse. Les limites de ce cadre nosologique restent néanmoins assez floues.

En 1886, le médecin allemand, Adolf Weil, décrit ce qui sera plus tard appelée la « maladie de Weil ». Le premier agent causal Leptospira hæmorrhagæ, a été découvert en 1916 par Inada et coll. au Japon. Depuis des siècles, la leptospirose a toujours été associée à des activités particulières, notamment agricoles : maladie des coupeurs de canne, des égoutiers et fièvre de la boue sont autant de synonymes [8].

La fièvre typhoïde est une bactériémie à point de départ digestif liée à 4 sérotypes de bactéries du genre Salmonella (dites Salmonella « majeures ») : les sérotypes Typhi (fièvre typhoïde proprement dite) et Paratyphi A, B et C. La présentation clinique, les complications possibles et les traitements sont identiques selon le sérotype de Salmonella majeure, aussi préfère-t-on souvent parler de fièvre entérique d’une manière générale.

Contrairement aux autres Salmonella, les sérotypes Typhi et Paratyphi sont exclusivement humains. La transmission est féco-orale, le plus souvent indirecte par l’eau de boisson ou les aliments.

Parmi toutes les infections, une des plus courantes est la bactériémie à bacilles à Gram négatif (BGN). Le traitement antibiotique de ces infections est aujourd’hui confronté à la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques, phénomène essentiellement rencontré en situation nosocomiale mais qui émerge également en milieu communautaire.

La tuberculose est une maladie contagieuse liée à Mycobacterium tuberculosis ou bacille de Koch (BK). C’est une cause majeure de morbidité et de mortalité dans le monde, dont la prise en charge a été marquée par la découverte des premiers antituberculeux après la seconde guerre mondiale. Le seul vaccin disponible, le BCG, n’est que partiellement efficace. Le développement du syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) dans les années 1980 a largement contribué au redéploiement de l’épidémie mondiale de tuberculose, en particulier en Afrique et en Asie.

Cette maladie est caractérisée par une inoculation pulmonaire, la primo-infection, qui devient latente et peut ensuite évoluer vers une forme patente ou « maladie ». On estime qu’un tiers de la population mondiale est infectée par M. tuberculosis. Seuls 5 à 10 % de ces personnes feront dans leur vie une tuberculose « maladie ». L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), les traitements immunosuppresseurs et certaines anomalies génétiques augmentent le risque de tuberculose « maladie ». Cette dernière peut toucher tous les organes, le poumon étant le plus fréquemment atteint. Un traitement associant plusieurs antituberculeux de première ligne pendant 6 mois suffit pour traiter la majorité des cas de tuberculose, mais l’émergence de souches résistantes aux antituberculeux souligne la nécessité de développer de nouvelles molécules.

Le choléra se manifeste par une diarrhée sécrétoire aiguë susceptible d’entraîner une déshydratation extrêmement intense conduisant parfois au décès en quelques heures. Cette maladie associée aux conditions d’hygiène défectueuses reste d’actualité aujourd’hui.

La brucellose (fièvre de Malte, fièvre ondulante méditerranéenne, mélitococcie) est une maladie infectieuse commune à l’homme et à de nombreux animaux. Elle est déterminée par les bactéries du genre Brucella. Limitée d’abord au pourtour de la mer Méditerranée, elle est devenue aujourd’hui une infection mondiale mais est devenue très rare en France.

Le genre Yersinia regroupe 12 espèces dont seules 3 sont reconnues pathogènes pour l’homme : l’agent de la peste, Y. pestis, et deux espèces responsables d’infections entériques, Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis.

Yersinioses à Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis

Les espèces Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis sont entéropathogènes et la contamination a lieu, sauf cas particulier, par consommation d’aliments contaminés.

La coqueluche, maladie strictement humaine à transmission respiratoire, a remarquablement bénéficié de la vaccination débutée dans la deuxième moitié du siècle dernier. L’OMS estime qu’en 1950 (pour une population mondiale de 2,5 milliards) les décès par coqueluche chez les enfants de 0 à 5 ans étaient de 4 millions/an contre 60 000 en 2020 pour 7,5 milliards d’individus.

L’effet de la vaccination a été spectaculaire sur les décès et la survenue de la maladie dans sa forme classique et dangereuse chez l’enfant, c’est-à-dire avec quintes et reprise inspiratoire bruyante (le chant du coq) avec risque de mortalité avant un an. Aux États-Unis, le taux d’attaque des coqueluches typiques passait de 150 à 200/10 000 dans les années 1940 à 0,5 à 1 dans les années 1970. En France, on estimait en 1950, le nombre des coqueluches typiques à 7 000 par an avec 200 décès, alors qu’en 1970, les chiffres étaient tombés respectivement à 1 500 et 20. En 1986, année où la France a décidé d’interrompre la surveillance active de la coqueluche, on n’observait plus que quelques dizaines de cas de formes typiques avec moins de 5 décès par an.

La diffusion du vaccin ne se fait que lentement dans les pays en développement. Pour la période 2010-2015, l’OMS considérait que la coqueluche était encore responsable de 200 000 morts par an, la plupart ayant moins de 2 ans, avec une très forte disparité Nord/Sud.

La baisse considérable des décès et des coqueluches sévères est évidemment un progrès majeur, mais qui ne suffit pas car la morbidité est largement sous-estimée. L’infection coquelucheuse sous toutes ses formes, symptômes mineurs ou même portage asymptomatique, y compris chez l’adulte, reste toujours contagieuse. Cette circulation persistante de la bactérie est importante et progresse depuis quelques années, en particulier avec la généralisation du vaccin acellulaire.

Les germes anaérobies constituent le principal contingent bactérien des flores commensales. Le terme « anaérobie » caractérise leur métabolisme énergétique qui est strictement indépendant de l’oxygène, ce qui les différencie des bactéries aéro-anaérobies et micro-aérophiles. Les bactéries anaérobies sont incapables de survivre dans l’air ambiant, car elles ne possèdent pas de systèmes enzymatiques assez efficaces pour lutter contre les dérivés toxiques de l’oxygène. Leur niveau de sensibilité varie selon les espèces de moins de 0,5 % à 8 % de pression partielle en oxygène.

On distingue deux types d’infections à germes anaérobies : les infections à bacilles à Gram positif sporulés du genre Clostridium, et les infections à germes anaérobies de la flore endogène (IGA), qui font l’objet de ce chapitre. Ces dernières correspondent à des infections secondaires à la rupture d’une barrière cutanée ou muqueuse. Elles sont polymicrobiennes dans plus de 80 % des cas et impliquent également des germes aérobies.

Historique

La première description détaillée du tétanos est retrouvée dans les écrits d’Hippocrate qui décrit les deux formes majeures du tétanos : le tétanos (trismus) et l’opisthotonos (forme généralisée). C’est l’époque pasteurienne qui permet les grands progrès dans la compréhension de la maladie. Sir James Young Simpson est le premier à affirmer en 1854 que le tétanos est provoqué par une plaie. Arthur Nicolaier décrit en 1884 un petit bacille en forme d’épingle tandis que Gustave Ramon, vétérinaire de l’Institut Pasteur, met au point les anatoxines, permettant la vaccination à partir de 1926. Cette vaccination devient obligatoire en France suite à la promulgation de la loi du 24 novembre 1940 (article L. 311-2).

Le botulisme est une maladie paralytique aiguë. Sa symptomatologie résulte de l’action de neurotoxines paralysantes sécrétées par différentes espèces bactériennes du genre Clostridium, la plus connue étant Clostridium botulinum. Le diagnostic est établi devant une association de signes cliniques et un contexte épidémiologique évocateur. Cette affection regroupe principalement trois entités cliniques : le botulisme alimentaire qui représente la quasi-totalité des cas en France, le botulisme d’inoculation ou par blessure et le botulisme infantile concernant principalement les nourrissons [9].

La diphtérie est une toxi-infection contagieuse, peu immunisante due à Corynebacterium diphtheriæ et à sa toxine. Fréquente et cause importante de mortalité infantile dans la première moitié du XXe siècle, elle a pratiquement disparu dans les pays occidentaux. La généralisation de la vaccination par l’anatoxine de Ramon explique en partie cette disparition de la diphtérie. Cependant, des épidémies avec plusieurs milliers de cas ont été signalées au cours du vingtième siècle en Europe de l’Est, notamment en Russie.

Les bactéries du genre Borrelia sont des micro-organismes spiralés de la famille des Spirochètes comprenant plusieurs dizaines d’espèces. Les agents des borrélioses humaines sont transmis par des arthropodes vecteurs hématophages et responsables de la maladie de Lyme et des fièvres récurrentes.

Maladie de Lyme

La borréliose de Lyme (BL) est répandue dans tout l’hémisphère Nord, c’est une maladie endémique en Europe, en Asie et dans de nombreux États des États-Unis. Elle est principalement causée en Europe par trois espèces du complexe Borrelia burgdorferi sensu lato (B. burgdoferi sensu stricto, B. garinii et B. afzelii). En Amérique du Nord, la seule espèce responsable de maladie de Lyme est B. burgdoferi sensu stricto. Le spectre des manifestations cliniques de la BL est étendu, la sévérité de l’atteinte est variable et en partie liée à l’espèce infectante [8].

La BL a été décrite pour la première fois en 1977 dans une étude rapportant des manifestations articulaires chez des enfants du Connecticut pour lesquels le diagnostic d’arthrite juvénile avait été initialement proposé [2]. Le caractère multisystémique de la maladie a été compris plus tardivement.

Les infections à Chlamydia sont connues depuis l’Antiquité mais l’agent du trachome, Chlamydia trachomatis, n’est identifié qu’en 1952, celui de la psittacose, Chlamydia psittaci, en 1968 et C. pneumoniæ n’est reconnue comme espèce à part entière qu’en 1989 après avoir été prise pour une souche à transmission interhumaine de C. psittaci. La classification taxonomique des Chlamydiaceæ date de 1999, et les sépare en deux genres distincts : Chlamydia, comprenant C. trachomatis, et Chlamydophila, qui regroupe principalement C. pneumoniæ et C. psittaci. Ces 3 espèces sont de loin les principales rencontrées en clinique humaine (Tableau S32-P01-C22-I).

Les actinomycoses et nocardioses sont des infections bactériennes rares causées par des bactéries du genre Actinomyces et Nocardia, respectivement. Ces actinobactéries peuvent être subdivisées en deux sous-ordres : anaérobie et aérobie ( Figure S32-P1-C23-1) [7]. Nous présenterons dans ce chapitre les principales caractéristiques diagnostiques et thérapeutiques de ces infections en mettant en avant leurs similitudes, mais surtout les éléments cliniques, radiologiques ou microbiologiques qui permettent de les distinguer (Tableau S32-P01-C23-I).

La lèpre est une infection chronique à Mycobacterium leprae à expressions essentiellement cutanées et neurologiques périphériques. Des millénaires après sa première description, la lèpre continue de représenter un enjeu de santé public majeur dans le monde en particulier en Inde, au Brésil, en Indonésie, au Bangladesh et au Nigeria où son incidence est la plus élevée [10]. À l’ère de la mondialisation, il s’agit de savoir en porter le diagnostic précocement afin d’en prévenir les conséquences fonctionnelles mutilantes.

Le genre Yersinia comprend 11 espèces, dont 3 sont des pathogènes importants chez l’homme : Yersinia pestis, Yersinia enterocolitica et Yersinia pseudotuberculosis. Le bacille de la peste a été isolé par Alexandre Yersin en 1894 au cours de la troisième pandémie de peste. La peste est une zoonose murine dont le vecteur est la puce. Les humains sont des hôtes accidentels de la maladie. La maladie est principalement contractée après morsures de puces infectées et par contact (morsure, griffure, inhalation de sécrétions respiratoires) avec des animaux infectés. La transmission interhumaine par aérosol est possible et fait de Y. pestis un agent potentiel de bioterrorisme. Dans environ 14 % des cas, la source d’infection est inconnue [9].

Environ 30 espèces de puces peuvent être des vecteurs de peste. Le vecteur le plus efficace est Xenopsylla cheopis, la puce du rat. Le pou de corps humain (Pediculus humanus) a été proposé comme vecteur possible de Y. pestis.

Aujourd’hui, l’émergence de bactéries multi- ou hautement résistantes aux antibiotiques est un problème majeur de santé publique et représente une menace croissante en Europe et dans le monde. Ce phénomène naturel est accéléré par le mésusage des antibiotiques. Les bactéries sont présentes au sein des divers écosystèmes (humains, animaux, agricoles…) et leur exposition répétée aux antibiotiques favorise l’acquisition de résistances par modification génétique. Les bactéries résistantes émergent principalement par pression de sélection. Elles peuvent ensuite circuler et échanger des gènes de résistance avec d’autres bactéries de l’environnement.

L’émergence de ces résistances bactériennes a des conséquences importantes en termes de morbi-mortalité liée à l’inadéquation ou l’impasse thérapeutique, mais aussi en termes économiques du fait d’un allongement des durées d’hospitalisation et de l’utilisation de médicaments de dernier recours souvent onéreux. Ainsi, les dépenses européennes de santé liées à l’antibio-résistance sont estimées à 1,1 milliard d’euros par an. Par ailleurs, l’impact de l’antibio-résistance sur la mortalité a été évalué à 33 000 décès par an en Europe.

Dans la lutte contre l’antibiorésistance, l’usage des antibiotiques doit être optimisé de manière globale (médecine humaine et vétérinaire, élevage, agriculture). Un antibiotique ne devrait être utilisé que dans les conditions suivantes : indication adaptée (uniquement en cas d’infection bactérienne), médicament adapté à la bactérie (possédant le spectre le plus étroit possible), à une dose adaptée et pour la durée de prescription la plus courte possible.

La mélioïdose est une zoonose bactérienne endémique en Asie et dans le nord de l’Australie, mais retrouvée aussi sur d’autres continents. Ainsi, des cas ont-ils été recensés en Afrique, dans le Pacifique et dans l’Océan Indien depuis 2004, surtout à Madagascar, puis dans d’autres iles de la région.

Une bactérie saprophyte

L’incidence de la mélioïdose dans le monde est estimée à environ 165 000 cas dont 89 000 évoluent vers le décès, mais ces chiffres sont très probablement sous-estimés. La maladie est connue dans 45 pays et très probable dans 35 autres pays, en raison de la difficulté d’affirmer le diagnostic. Le germe responsable, Burkholderia pseudomallei, ou bacille de Whitmore, a été découvert en 1912 dans le pus d’abcès d’opiomanes décédés. Cette bactérie, saprophyte, est présente dans les sols chauds et humides, où elle peut résister pendant plusieurs années. L’homme s’infeste par voie transcutanée (plaie cutanée au contact d’une eau contaminée), aérienne (inhalation d’air contaminé) ou encore digestive. Sa diffusion est favorisée par des phénomènes naturels (inondations, tsunamis…). De nombreuses espèces animales domestiques et sauvages peuvent être infectées et d’ailleurs ce germe a été introduit en France en 1975 par un panda offert par la Chine.

Partie 2 - Infections virales

Infections à entérovirus[7], [3]

Les virus du genre Enterovirus de la famille Picornaviridae sont répartis en quatre espèces humaines comportant chacune plusieurs sérotypes : les virus coxsackie (CV), les échovirus (E), les poliovirus (PV) et autres entérovirus (EV). Ce sont des virus à ARN monocaténaire de polarité positive. Leur variabilité génétique est la conséquence de mutations ponctuelles ou de recombinaisons lors de co-infections, et cette diversité, qui est étroitement associée à leur tropisme tissulaire et à leur spectre pathologique, requiert une veille épidémiologique continue.

Une infection virale du système nerveux central peut se manifester sous différentes présentations cliniques : encéphalite, méningite, myélite, radiculonévrite et névrite.

Une encéphalite est une infection se traduisant par une inflammation du parenchyme cérébral associé à des troubles cliniques d’origine neurologique. Seules les étiologies infectieuses seront évoquées dans ce chapitre, d’autres étiologies non infectieuses (auto-immune, paranéoplasique) peuvent être à l’origine de tableau encéphalitique.

L’encéphalite infectieuse est une infection grave grevée d’une mortalité notamment dans le cadre de méningo-encéphalite herpétique pour laquelle la mortalité dépasse les 70 % en l’absence de traitement [4]. Une étiologie spécifique n’est retrouvée que chez 50 % des patients et le micro-organisme responsable varie selon le pays d’acquisition de ces infections.

Infections à myxovirus : grippe

Épidémiologie et physiopathologie

Éléments virologiques

Les virus grippaux sont des virus intracellulaires à ARN responsables d’infections respiratoires aiguës chez l’homme et l’animal. Ils appartiennent à la famille des orthomyxoviridae, et trois genres sont pathogènes pour l’homme : myxovirus influenza A, B et C.

Les virus B et C sont strictement humains. Les virus A infectent différents animaux (oiseaux, mammifères marins, chevaux, porcs) ; les oiseaux constituent le réservoir de la grippe.

On distingue différents sous-types, classés selon les types d’hémagglutinine (H) et de neuraminidase (N). À ce jour, 16 types d’hémagglutinine et 9 de neuraminidase ont été identifiés.

Les recombinaisons génétiques sont fréquentes au sein des virus grippaux, soit intrinsèquement, soit du fait d’échanges de gènes entre les espèces (oiseaux, hommes, autres mammifères). Ces phénomènes sont responsables des épidémies grippales annuelles, ainsi que des pandémies.

Les oreillons ou parotidites épidémiques sont une maladie contagieuse aigue causée par un paramyxovirus. Bien que la gravité soit modérée, 10 % des patients développent une méningite lymphocytaire. Une autre cause moins fréquente est l’encéphalite qui peut aboutir au décès ou à des séquelles neurologiques. L’orchite, la pancréatite sont d’autres formes cliniques des oreillons. L’épidémiologie des oreillons s’est considérablement modifiée depuis l’introduction du vaccin combiné rougeole-rubéole-oreillons. Les pays qui ont atteint un haut niveau de couverture vaccinale ont obtenu rapidement une diminution drastique de morbidité liée aux oreillons chez les enfants. En revanche, nous observons un nouveau phénomène épidémique qui s’est déplacé vers les adolescents et les jeunes adultes.

Nombreuses sont les infections virales qui peuvent s’accompagner d’une éruption fébrile, souvent maculeuse ou maculopapuleuse, qui apparaît généralement en même temps que les anticorps sériques.

Rougeole

Virus à ARN appartenant au genre Morbillivirus de la famille des Paramyxoviridæ, le virus de la rougeole a été isolé chez l’homme en 1954. La rougeole est une des maladies infectieuses les plus contagieuses. Elle demeure dans le monde l’un des grands fléaux infectieux responsable d’environ 140 000 décès en 2018 (chiffres de l’OMS). Les formes sévères surviennent plus particulièrement chez les enfants malnutris, notamment si leur apport en vitamine A est insuffisant, ou si leur système immunitaire est affaibli par d’autres maladies. En France, on note une recrudescence de la rougeole depuis 2008, favorisée par des communautés d’enfants et d’adolescents incomplètement ou non vaccinés. Après avoir diminué en 2012, la circulation virale a repris très activement en 2018 avec 2 919 cas déclarés. Depuis 2005, la rougeole est redevenue une maladie à déclaration obligatoire en France.

Introduction

Le virus Varicelle Zona (VZV) est un virus herpétique dermatoneurotrope de distribution cosmopolite. La primo-infection se traduit par la varicelle, virose très contagieuse et bénigne de l’enfance. Des complications neurologiques et respiratoires peuvent survenir, beaucoup plus fréquentes chez l’adulte et les personnes immunodéprimées, ainsi que des malformations fœtales au cours de la grossesse d’une mère non immunisée. L’infection VZV persistant sous forme latente dans les ganglions sensitifs rachidiens et des nerfs crâniens, peut être réactivée dans les métamères correspondants en provoquant un zona. La réactivation est favorisée par la diminution de l’immunité cellulaire lors du vieillissement ou d’un déficit immunitaire ; les complications ophtalmologiques et neurovasculaires sont plus fréquentes dans ces situations.

Introduction

L’herpèsvirus humain 8 (HHV-8) est un gamma herpèsvirus oncogène comme le virus d’Epstein-Barr (EBV), établissant une infection latente. Il est responsable de la maladie de Kaposi (MK), de lymphomes primitifs des séreuses (PEL, primary effusion lymphoma), de maladies de Castleman multicentriques (MCM). Ces pathologies sont plus fréquentes en cas de déficit immunitaire lié au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou après transplantation. L’HHV-8 est moins répandu que l’EBV avec de fortes disparités géographiques et des mécanismes de transmission, privilégiant une excrétion virale salivaire. La principale zone d’endémie est en Afrique Centrale et de l’Est avec une transmission précoce et une atteinte de la population générale. L’infection en zone de faible endémie concerne surtout les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), principalement en Amérique du Nord et en Europe, révélée par l’émergence très inhabituelle de MK associées à l’infection VIH-1 dans les années 80. En 1994, l’équipe de Moore et Chang a isolé par une technique d’identification génique des séquences virales correspondant à ce nouvel herpèsvirus, le HHV-8 dans des lésions de MK.

Généralités

Les arbovirus (pour Arthropods borne virus) sont transmis par des arthropodes, insectes hématophages qui peuvent être des moustiques, des tiques ou encore des phlébotomes. Les vertébrés constituent le réservoir du virus. Plus de 500 arbovirus sont connus, dont environ 110 pouvant être pathogènes pour l’homme [5].

Ces zoonoses surviennent particulièrement dans les zones tropicales, où elles peuvent être de véritables problèmes de santé publique, à la fois par la mortalité qu’elles peuvent induire, mais aussi par la morbidité avec des séquelles parfois importantes (par exemple en cas de signes neurologiques, ou d’arthralgies chroniques invalidantes dans le cas du Chikungunya).

Du fait de la modification des pratiques touristiques, avec l’augmentation du nombre de personnes voyageant en zone tropicale, ces pathologies sont aussi une source importante de pathologies du voyageur, des vaccins n’étant pas disponibles pour tous. Des cas d’arboviroses d’importation sont de plus en plus décrits.

Il faut donc savoir évoquer ce diagnostic chez une personne exposée. Si certains arbovirus sont présents dans la zone tropicale de façons large (comme par exemple la dengue), d’autres sont limités à une zone géographique plus restreinte (par exemple l’Oropuche dans le bassin amazonien). Néanmoins, ces pathologies partagent souvent des symptômes comme le syndrome fébrile, le syndrome hémorragique pour certains, ou encore un syndrome encéphalitique.

La primo-infection par le virus Epstein-Barr virus (EBV) souvent asymptomatique chez l’enfant peut se traduire chez l’adolescent ou l’adulte jeune par une mononucléose infectieuse (MNI) caractérisée par de la fièvre, une angine et des adénopathies cervicales, associées à une lymphocytose atypique. Les tests sérologiques sont essentiels pour distinguer l’infection EBV souvent bénigne et spontanément régressive d’autres affections plus graves pouvant se manifester de façon similaire.

Le Cytomégalovirus (CMV) est un virus à ADN de la famille des Herpesviridae. Ce virus ubiquitaire strictement humain a la particularité, comme tous les autres virus de la même famille, de persister sous forme latente et de donner des infections secondaires lors des réactivations. C’est un pathogène opportuniste qui peut mettre en jeu le pronostic fonctionnel ou vital des patients immunodéprimés (patients transplantés, patients infectés par le VIH avec moins de 100 CD4/mm3) et il est la première cause des infections congénitales virales.

La rage avec 55 000 morts par an dans le monde est au 10e rang des maladies infectieuses mortelles selon l’OMS. C’est une zoonose répandue dans le monde entier qui peut affecter tous les mammifères ( Figure S32-P2-C12-1). L’Antarctique, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, ainsi que d’autres îles plus petites sont indemnes de rage des mammifères non volants et les très rares cas qui y sont observés sont liés à une importation ou à la rage des chauves-souris.

Petit virus à ADN de la famille des parvoviridae, le Parvovirus B19 (PVB19) est pathogène chez l’homme. La primo-infection est, dans la plupart des cas, peu symptomatique. Le PVB19 est l’agent de la cinquième maladie (erythema infectiosum) chez l’enfant, d’aplasies transitoires, d’anémie hémolytique, et d’érythroblastopénie souvent chez des patients immunodéprimés. Il peut aussi être responsable de myocardite. L’infection fœtale peut conduire à l’hydrops foetalis. La cellule cible du PVB19 est le progéniteur érythroïde médullaire. La persistance de l’infection pourrait être secondaire à un défaut de synthèse d’anticorps neutralisants.

Les agents transmissibles non conventionnels (ATNC), ou prions (proteinaceous infectious particles), sont les agents des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST ou TSE). Ces maladies neurodégénératives, pouvant atteindre de nombreuses espèces mammifères, sont rares chez l’homme (incidence annuelle : 1 à 1,5/million), caractérisées par une incubation souvent longue et par un décès rapide après les premiers signes. Il n’existe pas de traitement curatif spécifique. Les EST ont d’abord été décrites chez le mouton (tremblante du mouton ou scrapie) au 18e siècle, puis chez l’homme au milieu du 20e siècle avec le Kuru et surtout la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ ou CJD). Les MCJ sont devenues un enjeu de santé publique à la fin des années 80, en raison d’infections par hormone de croissance contaminée, et de la maladie de la vache folle.

« Les maladies infectieuses : il en naîtra de nouvelles, il en disparaîtra lentement quelques-unes ; celles qui subsisteront ne se montreront plus sous les formes que nous leur connaissons aujourd’hui », Charles Nicolle (1933).

Introduction

Le concept de maladie virale émergente a été créé en 1989 par des épidémiologistes américains, ce terme de maladie virale émergente s’appliquant aux cas suivants :

– un syndrome qui associe de façon originale une étiologie et des symptômes non observés jusque-là par la médecine (maladie nouvelle stricto sensu) : exemple du SIDA au début des années 1980 ;

– une affection qui n’a encore jamais été identifiée dans une zone géographique ou un environnement humain donné : exemple du virus West Nile aux États-Unis ;

– une affection qui réapparaît là où elle avait disparu, ou dans un environnement nouveau : exemple de la fièvre jaune ou de la dengue hémorragique en Amérique du Sud ;

– une affection dont l’étiologie est nouvellement décrite (maladie connue, virus nouveau) : exemple de l’hépatite C ou des fièvres hémorragiques dues aux virus Ebola, Lassa, Marburg (Tableau S32-P02-C15-I).

Le SARS-CoV-2 (Severe acute respiratory syndrome coronavirus 2), encore appelé COVID-19 (définition donnée le 11 mars 2020 par l’Organisation Mondiale de la Santé, OMS) est responsable d’une pandémie dont la traduction clinique est parfois sévère et responsable du décès d’un certain nombre de patients, essentiellement victimes d’un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA). Les informations épidémiologiques, pathogéniques, cliniques, paracliniques et thérapeutiques décrites dans ce chapitre seront régulièrement actualisées (www.traite-de-medecine.fr), car ce chapitre a été rédigé durant le déroulement de la pandémie et les données évolutives, notamment à long terme ne sont pas encore connues.

Depuis début 2020, le coronavirus, d’abord décelé sur le marché de Wuhan en Chine, s’est rapidement propagé dans le monde entier, en provoquant une pandémie responsable de plus de 760 millions de cas dont 7 millions de décès. En Europe, les chiffres sont de 275 millions de cas (y compris plus de 40 millions de cas en France), dont plus de 2 millions de décès (dont 167 000 en France). Cette maladie atteint essentiellement les adultes, mais dès avril 2020, des cas ont été répertoriés chez les enfants (voir Figure S32-P02-C17-1), même si le nombre d’enfants atteints est beaucoup plus faible que celui des adultes.

Partie 3 - Infections fongiques

Épidémiologie

Les candidoses sont des infections fongiques cosmopolites dues à des champignons du genre Candida. Ces levures existent sous forme unicellulaire et se multiplient par bourgeonnement. Dans les produits pathologiques, Candida spp est observé sous forme de levures rondes de 4 à 6 mm de diamètre à paroi fine qui peuvent émettre des pseudo-filaments (notamment C. albicans). Candida spp est un germe saprophyte de la peau, du vagin et de la flore intestinale, qui est retrouvé chez 30 % des individus. La majorité des infections disséminées est d’origine endogène à point de départ digestif, cutané ou génito-urinaire. Plus rarement exogènes, elles sont alors généralement secondaires à une transmission interhumaine par voie manu-portée, orale ou sexuelle, ou par transmission verticale en période périnatale.

L’émergence de mycoses invasives est multifactorielle. L’accroissement du nombre de patients immunodéprimés (meilleure survie des patients greffés de cellules souches périphériques, transplantés d’organe solide) et de l’intensité de l’immunodépression (anticorps anti-CD52), l’apparition de nouvelles armes thérapeutiques largement utilisées (anti CD52, anti TNF), l’emploi d’antifongiques de plus large spectre en prophylaxie (entraînant l’émergence d’espèces plus résistantes et de nouvelles espèces) et l’amélioration des techniques diagnostiques en mycologie conduisent ces dernières années à l’émergence de certaines mycoses invasives qui font l’objet de ce chapitre ( Figure S32-P3-C2-FIG1).

Partie 4 - Maladies parasitaires

Le péril fécal comprend l’ensemble des risques de transmission des agents pathogènes (bactéries, virus, parasites) par les excréta (selles, urines, expectoration). En disséminant ses excréta, l’homme est souvent le principal et parfois le seul (dans le cas de la poliomyélite ou du choléra) agent de dissémination et de contamination de l’environnement, ce qui entretient les épidémies.

L’amœbose occupe le deuxième rang des maladies parasitaires les plus meurtrières au monde. Le parasite en cause est Entamœba histolytica. Ce protozoaire est principalement retrouvé chez les voyageurs en zones tropicales ou les migrants originaires de zones d’endémie. Environ 10 % de la population mondiale serait infectée par des amibes parasites du genre Entamœba dont la plus pathogène est Entamœba histolytica. Le tableau clinique est variable allant de la simple colonisation asymptomatique à la colite amibienne ou aux abcès viscéraux potentiellement graves. L’infection peut survenir des mois ou des années après l’exposition au parasite.

Cosmopolite et très répandue, la giardiose (nouvelle appellation de giardiase) peut rester longtemps asymptomatique ou provoquer des troubles digestifs plus ou moins sévères. Si son diagnostic est parfois difficile à poser, son traitement spécifique est maintenant d’une grande efficacité, et d’une parfaite innocuité.

Les leishmanioses sont des zoonoses, atteignant le système réticulo-endothélial, et transmises par des diptères. Il en existe trois formes : cutanées, cutanéomuqueuses et viscérales. Elles sont réparties dans quelques grands foyers géographiques Figure dans Biblio S32-P04-C04-6.

Le paludisme est une maladie hémolysante due à un protozoaire du genre Plasmodium, transmis par des moustiques. Environ 1 milliard de sujets vivent en zone d’endémie, 300 à 400 millions sont atteints chaque année. Cette maladie est responsable de près de 1 million de morts par an en zone intertropicale, essentiellement des enfants. Avec les brassages de population et l’augmentation des voyages tropicaux, le nombre de cas de paludisme diagnostiqués au retour ne cesse de s’élever [6].

La toxoplasmose est l’infestation due à un parasite de la classe des coccidies, Toxoplasma gondii. Cette infection cosmopolite est bénigne dans la majorité des cas, mais est potentiellement grave chez la femme enceinte et chez le sujet immunodéprimé.

Les trypanosomoses sont dues à des protozoaires flagellés du genre Trypanosoma qui infectent les cellules du système réticulo-endothélial. Deux espèces peuvent infecter l’Homme : Trypanosoma brucei, responsable de la trypanosomose africaine (maladie du sommeil), transmise par la piqûre de la mouche tsé-tsé et Trypanosoma cruzi, responsable de la trypanosomose américaine (maladie de Chagas) transmise par les déjections de réduves (punaises). D’autres espèces de trypanosomes infectent uniquement les animaux. Les trypanosomoses du bétail constituent un véritable fléau pour l’élevage en Afrique.

Considérés comme non pathogènes (sauf exception) mais traduisant une hygiène défectueuse : Dientamoeba fragilis, Trichomonas intestinalis, Sarcocystis hominis, Entamoeba coli, Entamoeba hartmanni, Entamoeba polecki, Chilomastix mesnili, Endolimax nana, Pseudolimax (Iodamoeba) butschlii, Embadomonas intestinalis, Enteromonas hominis, Entamoeba dispar [13].

Anguillulose

L’anguillulose est une parasitose principalement tropicale, présentant un grand polymorphisme clinique, une persistance très longue dans l’organisme et un risque de dissémination grave chez les sujets immunodéprimés

Épidémiologie

Ce nématode adulte n’est présent chez l’homme que sous forme de femelle parthénogénétique (femelle n’ayant pas besoin de mâle pour la reproduction), mesurant 2,5 mm × 35 cm. Strongyloides stercoralis est l’espèce la plus répandue dans toutes les zones tropicales et le pourtour méditerranéen, le principal réservoir étant l’homme. Strongyloides fuelleborni est localisé en Afrique tropicale et en Asie, le principal réservoir étant le singe. La femelle adulte vit dans la muqueuse duodénale, et pond chaque jour environ 30 œufs, qui éclosent in situ, pour donner naissance à des larves rhabditoïdes, éliminées avec les selles. Il s’agit du seul parasite dont le cycle varie en fonction des conditions climatiques. En effet, si les conditions sont défavorables (hygrométrie < 60 %, température < 20° C), les larves rhabditoïdes se transforment en larves strongyloïdes infestantes (cycle asexué). Si les conditions sont favorables (hygrométrie > 60 %, température > 20° C), les larves rhabditoïdes se transforment en adultes mâles et femelles qui ne vivent que quelques jours, juste le temps pour les femelles de pondre des œufs. À l’éclosion, en sortent des larves rhabditoïdes qui se transforment en larves strongyloïdes infestantes (cycle sexué). Il y a, dans ce cas, multiplication des larves dans le milieu extérieur. Parfois, les larves rhabditoïdes se transforment, sans quitter l’organisme humain, en larves strongyloïdes infestantes (cycle d’auto-infestation), ce qui explique la persistance de la maladie pendant plusieurs dizaines d’années. Après pénétration transcutanée, les larves gagnent la circulation, puis le poumon, le carrefour aérodigestif et redescendent dans l’estomac, puis le duodénum où elles arrivent au stade d’adultes femelles, qui vont pondre des œufs.

Les cestodes sont des vers plats hermaphrodites, à corps divisé en segments ou anneaux. Les adultes parasitent le tube digestif de l’hôte définitif et les larves se développent dans un hôte intermédiaire.

Échinococcose alvéolaire

Cette parasitose, due au développement chez l’homme de la forme larvaire du tænia du renard, est d’évolution chronique et de mauvais pronostic.

Épidémiologie, cycle parasitaire et physiopathologie

Épidémiologie

La bilharziose ou schistosomose humaine est due à l’infestation par l’homme d’un trématode du genre Schistosoma. Il existe 5 espèces majeures pathogènes pour l’homme : S. haematobium, S. mansoni, S. intercalatum, S. japonicum et S. mekongi. Pour S. haematobium, S. mansoni, S. intercalatum, l’hôte définitif unique est l’homme, mais pour S. japonicum et S. mekongi, qui sont des espèces zoonotiques, l’hôte définitif peut être un autre mammifère (buffle, porcs, rongeurs…) Cet élément a un impact important dans le contrôle et l’élimination de ces pathogènes en zone d’endémie. Il existe par ailleurs la possibilité d’hybrides pouvant être responsable de pathologie chez l’homme (S. haematobium/S. bovis par exemple).

La bilharziose est la deuxième parasitose dans le monde, l’OMS estimant environ 220 millions personnes infectées, répartis dans 78 pays selon ses dernières estimations ( Figure S32-P4-C11-1). Plus de 90 % des cas se concentrent en Afrique sub-saharienne, mais la répartition des espèces varie d’une région à l’autre : S. mansoni est la seule espèce présente sur le continent sud-américain, S. japonicum et S. mekongi sont exclusivement retrouvées en Asie du sud-Est. Les dernières estimations publiées par l’OMS évaluent à 24 072 décès par an imputables à la pathologie dans le monde.

Les distomatoses sont des zoonoses très répandues dans le monde, résultant de l’ingestion des parasites (douves) avec l’hôte intermédiaire. Ces infestations regroupent plusieurs espèces de douves, avec des localisations préférentielles, essentiellement le foie, mais aussi l’intestin, et le poumon (Tableau S32-P04-C12-I). Les douves du foie ont été décrites chez le bétail dès le XVIe siècle, l’espèce Fasciola gigantica ayant été observée dès le début du XXe siècle en Ouzbékistan.

Les filarioses sont des infections dues à différents nématodes, vers fins et longs comme des fils, dont la caractéristique commune est la transmission à l’homme par un hôte intermédiaire (mouche, moucheron, moustique, crustacé microscopique). En fonction de la localisation des vers adultes dans l’organisme, on distingue trois types de filarioses : les filarioses lymphatiques, les filarioses des séreuses (non pathogènes) et les filarioses sous-cutanées (loase, onchocercose, dracunculose) (Tableau S32-P04-C13-I).

Les syndromes de larva migrans sont largement répandus dans le monde. Ils sont dus à des helminthes d’animaux en impasse parasitaire chez l’homme, c’est-à-dire ne pouvant s’y développer et y effectuer leur cycle complet. Ils migrent donc dans divers organes, d’où leurs noms.

Selon le type de larve incriminée et sa migration (cutanée ou profonde), on distingue les larva migrans cutanées et les larva migrans viscérales.

Les ectoparasites sont des arthropodes qui provoquent de simples nuisances ou qui peuvent inoculer des maladies tout en restant à l’extérieur du corps. Ils peuvent jouer un rôle d’hôtes obligatoires de parasites ou de vecteurs de divers agents pathogènes (parasites, bactéries, virus) (Tableau S32-P04-C15-I). Ces arthropodes vivent sur l’homme pour se nourrir, la durée du repas sanguin étant très variable selon les arthropodes : les moustiques piquent rapidement et les tiques restent attachées sur la peau plusieurs heures.

Partie 5 - SIDA et infection par le VIH

Le VIH/SIDA constitue la pandémie la plus sévère qu’ait connue l’humanité depuis plus d’un siècle. Apparu à la face du monde au début des années 80, il s’est rapidement étendu dans tous les continents touchant toutes les classes de la société même s’il prédomine dans les pays occidentaux parmi ce que l’on appelle les populations clés (Hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes : HSH, usagers de drogues par voie intraveineuse : UDVI, prostituées…).

L’acmé de l’épidémie a eu lieu dans les années 2000. Grâce aux combinaisons de traitements anti rétroviraux et aux mécanismes de financements internationaux permettant un accès au traitement des pays les plus pauvres, l’incidence diminue actuellement et la transmission materno-fœtale est quasiment contrôlée mais la maladie reste un problème de santé publique prioritaire dans de nombreux pays.

Pour accélérer et soutenir la lutte contre l’épidémie, l’ONUSIDA a défini en 2015 des objectifs ambitieux pour 2030, les objectifs 90/90/90, qui signifient qu’en 2030 90 % des personnes devront être dépistées, 90 % des personnes dépistées devront être traitées et 90 % des personnes traitées devront avoir une charge virale VIH indétectable.

Rétrovirus à tropisme immunitaire

Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est un rétrovirus qui infecte principalement deux types cellulaires importants dans le développement des réponses immunes : les cellules T exprimant CD4 et les cellules de la lignée des monocytes/macrophages, ce qui aboutit à un déficit immunitaire profond, aux conséquences cliniques dévastatrices en l’absence de traitement. L’essentiel des données recueillies, résumées ici, portent sur l’infection par le VIH-1 et les modèles simiens d’infection pathogène. Le VIH-2 a été moins étudié : cette infection, moins agressive, constitue en soi un modèle intéressant où l’interaction hôte-virus trouve un point d’équilibre différent. Néanmoins, à déficit immunitaire égal, les complications cliniques sont les mêmes dans les deux cas.

Le tropisme cellulaire du VIH est expliqué par la liaison à deux récepteurs membranaires : CD4 d’une part et un récepteur de chimiokine (CCR5 ou CXCR4) d’autre part. Les virus transmis par voie sexuelle et présents en début d’infection utilisent préférentiellement le co-récepteur CCR5, alors que parmi les virus retrouvés au stade tardif de l’infection, qui ont un plus haut potentiel de réplication, on retrouve plus souvent des virus utilisant préférentiellement CXCR4. Ceci explique que de rares sujets (1 % des caucasiens), homozygotes pour une délétion de 32 paires de bases dans la séquence régulatrice du gène CCR5 (mutation « Delta 32 »), et n’exprimant donc pas le récepteur CCR5, apparaissent dotés d’une certaine « résistance » vis à vis de la transmission sexuelle du VIH. Par ailleurs, l’expression de CCR5 et CXCR4 à la surface des lymphocytes T varie en fonction de leur différenciation : CCR5 est fortement exprimé par les cellules T mémoire effectrices, particulièrement dans les tissus comme les muqueuses, alors que CXCR4 est largement exprimé par les lymphocytes périphériques. Il existe donc une véritable co-évolution écologique entre les populations cellulaires cibles disponibles et le tropisme viral. D’une part, cela rend compte d’un effet de « filtre » au moment de la transmission par voie muqueuse (sexuelle) : ce sont principalement les virus à tropisme CCR5 qui sont transmis. D’autre part le virus modifiant au cours du temps son tropisme, en parallèle à un épuisement des cellules T exprimant CCR5, il en vient à infecter préférentiellement des sous-populations différentes, porteuses de CXCR4, ce changement de tropisme entraînant une accélération de la déplétion généralisée des lymphocytes T CD4.

Les cellules cibles du VIH sont les lymphocytes T CD4. Le VIH, en infectant ces cellules puis en s’y répliquant, conduit à leur destruction accélérée. En l’absence de traitement, pendant plusieurs années, les lymphocytes T CD4 progressivement détruits par le virus se renouvellent rapidement jusqu’à ce que les altérations des organes lymphoïdes centraux (thymus) ne permettent plus leur régénération, ces altérations étant en partie dues à l’activation chronique et généralisée des cellules immunocompétentes en réponse à la réplication virale.

En l’absence de traitement antirétroviral, la quasi-totalité des patients infectés par le VIH évolue vers le SIDA, expression clinique de la phase ultime de la maladie. Il a d’abord été défini en 1982 comme une maladie due à l’atteinte de l’immunité cellulaire, sans cause identifiée à ce déficit immunitaire. En 1987, la définition s’est étendue à l’ensemble des manifestations cliniques tardives de l’infection par le VIH. La dernière révision concernant la définition du SIDA date de 1993 et elle est toujours d’actualité (Tableau S32-P05-C03-I).

L’avènement des trithérapies antirétrovirales a permis une diminution drastique de la survenue des infections opportunistes au cours de l’infection par le VIH. Ces infections opportunistes (IO) surviennent à présent lorsque l’infection VIH est prise en charge tardivement (IO inaugurales) ou chez des patients suivis (du moins dans le passé) mais en rupture de traitement. Plus rarement, il s’agit de patients en échec de prise en charge thérapeutique antirétrovirale et préventive des IO.

La trithérapie antirétrovirale a bouleversé le pronostic des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) transformant cette infection mortelle en une pathologie chronique.

Ces dernières années, l’avènement de nouvelles molécules, de nouvelles spécialités combinées, de nouveaux concepts (traitement comme prévention, simplification, allègement, bithérapie) d’une part, et le vieillissement des PVVIH accumulant comorbidités et co-médications a permis une individualisation des choix thérapeutiques, mais les a aussi rendus plus complexes.

Partie 6 - Autres

Des modifications de la pharmacocinétique des antibiotiques antibactériens sont induites physiologiquement par la grossesse (augmentation de la diffusion et de l’élimination rénale des médicaments, modification de l’action des cytochromes hépatiques), sans justifier une adaptation de leur posologie cependant. Le risque de tératogénicité ou de passage placentaire avec toxicité fœtale est à redouter et à prévenir avant chaque prescription médicamenteuse chez une femme enceinte.

L’objectif de ce chapitre est de présenter une synthèse des éléments clés guidant la prescription d’une antibiothérapie chez une femme enceinte. On distinguera trois catégories de molécules : celles qui peuvent être prescrites tout au long de la grossesse et de l’allaitement, celles pour lesquelles le bénéfice maternel attendu doit être supérieur au risque fœtal pour en justifier la prescription, et enfin celles qui sont contre-indiquées pendant toute ou partie de la grossesse. Un tableau de synthèse par familles d’antibiotiques offre une vision d’ensemble ainsi que des précisions concernant l’allaitement