S01 Grands syndromes

S01 Grands syndromes

S01

Grands syndromes

 

Loïc Guillevin

Coordonnateur

Professeur des Universités, Praticien hospitalier, service de Médecine interne, hôpital Cochin, Paris

Définitions

La fatigue correspond à une sensation normale physiologique, aussi bien physique que psychologique, permettant un contrôle de la fonction vitale. La fatigue physiologique associe une baisse des performances (musculaires, sensorielles ou cognitives), à une impression désagréable (inconfort physique) incitant à cesser l’effort. Elle est réversible après le repos.

La fatigue est pathologique lorsqu’elle survient sans effort (asthénie physique ou psychique) ou pour des efforts modérés avec modification par rapport à un état antérieur. Elle devient chronique, quand cette sensation anormale se prolonge, entraînant un handicap avec un retentissement social et professionnel.

Le terme d’asthénie est fréquemment utilisé dans le langage médical pour signifier une fatigue pathologique généralement chronique, non améliorée par le repos. L’asthénie peut être d’origine somatique, psychologique ou fonctionnelle, avec différentes significations et des terminologies maintenant peu utilisées : psychasthénie pour le caractère psychogène, neurasthénie quand on veut mettre l’accent sur les manifestations somatiques.

Il convient de distinguer l’asthénie de la fatigabilité, qui se traduit par l’apparition anormalement précoce de la sensation de fatigue au cours de l’effort. Si elle s’exprime dans le domaine musculaire en l’absence de sensation de fatigue au repos, elle doit faire rechercher une affection neuromusculaire : anomalie de la jonction neuromusculaire en priorité (myasthénie auto-immune, myasthénie congénitale, syndrome de Lambert-Eaton ou botulisme), mais également sclérose latérale amyotrophique, neuropathie sensitivomotrice de Charcot-Marie-Tooth et cytopathies mitochondriales.

Épidémiologie

La fatigue est un symptôme très fréquent dans la population générale (10 à 20 % des adultes lors d’enquêtes orientées), qui ne conduit pas toujours à consulter, les facteurs déclenchants de la consultation en médecine générale (environ 3 % des consultations) étant principalement sa persistance ou son association à d’autres plaintes somatiques ou bien la détresse psychologique qui en résulte.

Les causes de l’asthénie diffèrent selon le niveau de soins auquel est adressé le patient, les centres spécialisés tertiaires étant plus souvent confrontés à la psychopathologie et à la pathologie fonctionnelle (syndrome de fatigue chronique) que les soins primaires.

Démarche diagnostique

La plainte de « fatigue » exprimée par le patient résulte d’un phénomène complexe allant de la perception d’une sensation anormale, modulée par l’interaction de facteurs génétiques et environnementaux (stress, infections, traumatismes), à la recherche d’une cause médicale dans un contexte personnel, familial et socioprofessionnel.

La démarche diagnostique a pour but de reconnaître la fatigue, de la caractériser en identifiant la plainte et la demande du patient, et d’en déterminer la ou les causes. Elle s’appuie sur une première phase clinique rigoureuse, basée sur l’interrogatoire et un examen physique approfondi. Les données cliniques permettent d’orienter vers les principales catégories étiologiques, en particulier organiques, psychiatriques ou fonctionnelles, qui motiveront l’essentiel du bilan complémentaire. Une intrication des différentes causes n’est pas rare. L’enquête doit prendre en compte d’emblée les différentes éventualités, qui seront explorées parallèlement tout au long de la démarche.

Les examens complémentaires et les avis spécialisés, somatiques et psychiatriques, sont orientés par les anomalies cliniques et les hypothèses diagnostiques. En l’absence de cause précise retrouvée, il importe de suivre l’évolution et de renouveler l’examen clinique approfondi.

Démarche clinique

L’interrogatoire est essentiel pour éliminer les symptômes exprimés sous le vocable fatigue mais dont la signification est autre, tout en pouvant s’associer à l’asthénie : dyspnée, lipothymie, ou somnolence par exemple. Parfois, des expressions trompeuses sont un reflet d’une authentique fatigue (manque d’énergie, de motivation, besoin de repos, lassitude…).

L’interrogatoire précise la plainte du patient, en décryptant ses propres termes pour révéler une composante psychique importante (« je suis fatigué ») ou un lien avec l’effort (« je fatigue ») dans les pathologies neuromusculaires ou les dyspnées d’origine cardiaque ou pulmonaire.

Les attentes du patient seront identifiées en …

L’amaigrissement est un motif fréquent de consultation, car la perte de poids est un critère populaire de mauvaise santé. Les mécanismes en cause sont complexes.
L’amaigrissement correspond à une perte de poids chez un sujet antérieurement en bonne santé. Cette perte de poids devient significative dès qu’elle atteint 5 % du poids précédent sur une période de 6 à 12 mois. Le paramètre clef d’évaluation est l’indice de masse corporelle de Quetelet : IMC = poids/(taille)2. La maigreur se définit comme un IMC inférieur à 18,5.

Une grande variété d’affections peuvent entraîner un amaigrissement : métaboliques, inflammatoires, tumorales, infectieuses et assez souvent psychiatriques. La crainte du médecin est de méconnaître une cause organique, en particulier un cancer, éventuellement curable. Dans certains cas, l’interrogatoire et l’examen clinique permettront de guider la procédure diagnostique, et l’expertise du clinicien aide à démasquer les causes cachées, mais certains amaigrissements restent isolés, pouvant entraîner des bilans invasifs et coûteux. La hiérarchisation du bilan doit tenir compte de la fréquence des pathologies en cause et de l’évolution. Malgré un bilan et un suivi, aucun diagnostic n’est trouvé dans 10 % à 23 % des cas. Une démarche adaptée aux personnes âgées a été proposée.

Au-dessus du réglage du métabolisme de la thyroïde, le poids corporel est régulé par un ensemble de structures cérébrales, notamment par les noyaux gris centraux, au sein desquels il semble que les noyaux accumbens jouent un rôle important. Ils interviennent en effet dans le système de récompense et l’assuétude (accoutumance, dépendance), le plaisir, la peur et l’effet placebo. Néanmoins, il est exceptionnel qu’une pathologie cérébrale, notamment limbique ou de la tête du noyau caudé donne un amaigrissement, et une imagerie n’est donc pas indiquée en première ligne devant un amaigrissement inexpliqué.

Diagnostic d’amaigrissement

Il faut confirmer qu’on est bien face à un amaigrissement et non à une maigreur constitutionnelle.

La maigreur est l’état stable d’un sujet dont le poids est inférieur à la norme. En fait, les normes varient avec l’environnement socioculturel, les époques, la mode. On peut arbitrairement retenir pour sa définition médicale un IMC inférieur à 18,5 kg/m2.

L’amaigrissement est une perte de poids survenant de novo quel que soit le poids initial. Il est pathologique lorsqu’il ne survient pas au cours d’un régime hypocalorique médicalement justifié par une surcharge pondérale. La comparaison du poids actuel avec les mesures pondérales relevées lors de consultations antérieures s’avère utile tout comme la recherche d’autres éléments objectifs : changement de vêtement, changement de tour de cou ou de taille, photographies… Il est utile, avec les pesées antérieures, de tracer a posteriori un graphique de poids. L’exploration étiologique d’un amaigrissement est une enquête multidimensionnelle qui rappelle celle d’une altération de l’état général, d’une fièvre ou d’un syndrome inflammatoire inexpliqués.

Évaluation des apports alimentaires

L’évaluation des apports alimentaires se fait au cours d’un interrogatoire diététique (qui peut être fait par le médecin ou prescrit sous le terme « inventaire diététique ») : consommation du jour précédent (rappel de 24 heures), consommation alimentaire sur une semaine (histoire alimentaire), fréquence de consommation de certains aliments. On évalue le total calorique entrant et la possibilité de carences. Bien entendu, ce rappel dépend du patient et, s’il est discordant, on pourra le confronter aux dires de l’entourage, voire à l’observation directe au cours d’une hospitalisation.

En situant le niveau et la nature des ingesta, l’enquête alimentaire précise la notion d’appétit et d’anorexie. La persistance de l’appétit, voire l’existence d’une hyperphagie, oriente vers une maigreur constitutionnelle, une malabsorption ou une hyperthyroïdie. L’anorexie élective à la viande évoque un processus néoplasique, alors qu’une pseudo-anorexie avec refus actif de se nourrir associé à une distorsion de l’image corporelle est en faveur d’une anorexie mentale.

Évaluation clinique initiale incontournable

Le contexte clinique est utile : âge, sexe, antécédents (maigreur familiale ou séquellaire d’une affection antérieure), prise médicamenteuse, conditions de vie, conduites à risque d’infections aériennes, orales, veineuses ou sexuelles, contexte psychologique et professionnel.

L’interrogatoire reconstitue l’histoire pondérale afin d’établir …

Définitions

La fièvre est définie par une température corporelle (mesurée par voie rectale ou buccale) supérieure à 38,3 °C.

La fièvre prolongée ou persistante est une fièvre supérieure à 38,3 °C de durée supérieure à 21 jours.

La fièvre prolongée d’origine indéterminée est une fièvre prolongée sans diagnostic étiologique après trois jours d’hospitalisation ou trois consultations et la réalisation d’un bilan diagnostique standardisé comportant un interrogatoire détaillé, un examen clinique complet, hémogramme, frottis sanguin, vitesse de sédimentation (VS), protéine C réactive (CRP), créatinine, ionogramme sanguin, protides, électrophorèse des protéines, bilan hépatique, lacticodéshydrogénase (LDH), créatine phosphokinase (CPK), anticorps antinucléaires, facteur rhumatoïde, examen cytobactériologique des urines, trois hémocultures, radiographie de thorax, échographie abdominale ou tomodensitométrie, intradermoréaction (IDR) à la tuberculine et l’arrêt des médicaments pouvant induire une fièvre. Sont exclues les fièvres survenant chez le patient neutropénique et chez le patient infecté par le VIH et les infections nosocomiales.

Les fièvres périodiques sont définies par au moins deux épisodes fébriles avec un intervalle libre d’au moins deux semaines et une apparente rémission dans ces intervalles.

Épidémiologie

Les quatre grandes causes des fièvres persistantes sont les infections, les pathologies néoplasiques, les pathologies inflammatoires et les causes inconnues. Les proportions relatives de ces causes, selon les études, sont très dépendantes de facteurs géographiques locaux et de l’évolution des moyens diagnostiques. Par exemple, du fait du développement et de l’augmentation de l’accessibilité de l’imagerie au cours des cinquante dernières années, la proportion des fièvres d’origine néoplasique a beaucoup diminué aux dépens des causes inflammatoires et des causes inconnues. Ces dernières représentent 23 % (7-51 %) des fièvres d’origine inconnue (fever of unknown origine ou FUO) dans les études les plus récentes. Dans les pays à ressources limitées, les causes infectieuses restent majoritaires.

La mortalité liée aux fièvres prolongées est dépendante de l’étiologie : 50 à 100 % dans les causes néoplasiques, 15 % pour les causes infectieuses, la mortalité est en revanche très faible dans les fièvres d’origine…