Médecine interne
Chapitre S03-P01-C20
Maladie de Still de l’adulte
ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre. |
Lien vers la mise à jour |
La maladie de Still de l’adulte est définie chez les personnes âgées de plus de 16 ans par l’association de quatre éléments clinico-biologiques cardinaux : fièvre marquée, éruption cutanée évanescente, arthralgies ou arthrites et hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles en l’absence de facteur rhumatoïde ou d’anticorps antinucléaires [2], [13], [37], [38], [41].
À ces manifestations peuvent s’associer de façon variable des éléments tels qu’un mal de gorge, des myalgies, une hépatopathie, des adénopathies, une splénomégalie, une péricardite, une pleurésie, des infiltrats pulmonaires, des douleurs abdominales ou d’autres signes plus rares.
L’exclusion d’un processus infectieux, d’une néoplasie ou d’une hémopathie maligne et de toute autre maladie inflammatoire est nécessaire avant de retenir ce diagnostic.
Épidémiologie
Son incidence annuelle est estimée selon les pays entre un et dix nouveaux cas par million d’habitants [33]. Elle peut survenir à tout âge, y compris chez des sujets âgés. Une prédominance féminine de la maladie de Still de l’adulte a été évoquée. L’âge de début est entre 16 et 35 ans dans plus de deux tiers des cas. Aucune agrégation familiale n’a été rapportée.
Pathogénie
Inflammation systémique non spécifique
La physiopathologie de la maladie de Still de l’adulte reste largement incomprise [1], [3], [4], [11], [22], [24], [42], [47]. Une augmentation des taux de cytokines pro-inflammatoires a été rapportée, notamment d’interleukine (IL) 1β, IL-6, IL-17, IL-18, interféron γ, tumor necrosis factor (TNF) et de macrophage inhibitory factor (MIF), sécrétées notamment par des macrophages activés. Cette augmentation de la production de cytokines pro-inflammatoires est la conséquence de la forte activation du système histiomacrophagique et semble non spécifique, proche de celle observée au cours de certaines réactions d’hypersensibilité médicamenteuse ou d’infections virales. Il ne s’y associe pas de réaction granulomateuse ou de phénomène auto-immun.
Deux cytokines semblent devoir être distinguées : l’IL-1, acteur central des syndromes auto-inflammatoires (voir plus loin) [11], l’IL-6 et l’IL-18 dont les taux élevés sont associés aux manifestations systémiques de la maladie et sont parfaitement corrélés à la ferritinémie et à l’activité de la maladie [7], [25], [42].
Hypothèse infectieuse
Des infections diverses sont incriminées dans le déclenchement de la maladie de Still de l’adulte, le plus souvent suite à des primo-infections virales parfois associées à une activation macrophagique, parfois bactériennes ou parasitaires : virus de la rubéole, de la rougeole, des oreillons, d’Epstein-Barr, des hépatites A, B ou C, VIH, cytomégalovirus, parvovirus B19, adénovirus, échovirus, virus influenzæ et para-influenzæ, Coxsackie, bactéries telles que le staphylocoque, le streptocoque, Yersinia enterocolitica, Campylobacter jejuni, Chlamydia trachomatis, Mycoplasma pneumoniæ, Borrelia bugdorferi ou, enfin, des parasites tels que Toxoplasma gondii. La responsabilité de l’aspirine a également été évoquée pour l’atteinte hépatique. Il s’agissait dans tous les cas d’observations isolées ou peu nombreuses et le lien de causalité reste incertain.
Hypothèse du syndrome d’hypersensibilité
On a rapporté une plus grande fréquence des allergies avant le déclenchement d’une maladie de Still de l’adulte et une augmentation des taux sériques d’immunoglobulines (Ig) E et d’IL-4 a également été rapportée [44]. De plus, des similitudes existent entre la maladie de Still de l’adulte et certains désordres inflammatoires tels que les syndromes d’hypersensibilité systémique liés à la prise de médicaments [9].
Syndrome auto-inflammatoire sporadique
La maladie de Still de l’adulte et la maladie de Still de l’enfant partagent avec les syndromes auto-inflammatoires nombre de signes cliniques, hématologiques et biologiques, ce qui a ouvert la discussion sur la possibilité de les reclasser au sein des maladies auto-inflammatoires [5], [13], [21], [39]. Il est actuellement indiscutable que la dérégulation de la production de l’IL-1β par les cellules mononucléées sanguines constitue un facteur majeur dans la physiopathologie des syndromes auto-inflammatoires, qu’ils soient héréditaires ou sporadiques [5], [11]. Le mécanisme pathogénique implique les inflammasomes, complexes multiprotéiques composés de récepteurs NALP (NAcht leucine-rich-repeat protein) et d’« adaptateurs » ASC (apoptosis-associated speck-line protein containing a caspase-recruitment-domain), qui ont pour rôle d’activer les caspases (IL-1 converting enzyme) à l’origine de la production d’IL-1 active. Les mécanismes de l’activation de NALP3 ne sont pas totalement élucidés, mais ils semblent reconnaître un panel de ligands endo- ou exogènes, notamment de l’acide ribonucléique (ARN) bactérien, l’adénosine triphosphate (ATP), les cristaux et certains produits antiviraux, ce, par l’intermédiaire de récepteurs Nod-like (NLR) ou Toll-like (TLR) [4], [5], [35] (Figure S3-P1-C20-1).
Physiopathologie de la maladie de Still de l’adulte. CRP : protéine C réactive ; IL : interleukine ; PMN : polymorphonuclear neutrophil : TLR : récepteur Toll-like ; TNF-α : tumor necrosis factor α ; VS : vitesse de sédimentation.
Manifestations cliniques
Les principaux symptômes cliniques sont présentés dans le Tableau S03-P01-C20-I [13], [36], [37], [41].
Nombre | Pourcentage | |
---|---|---|
Sexe féminin | 443/659 | 67,2 |
Âge ≤ 35 ans | 402/578 | 69,6 |
Épisode dans l’enfance | 57/439 | 13 |
Arthralgies | 655/659 | 99,4 |
Arthrites | 490/565 | 86,7 |
– polyarthrite | 137/178 | 77 |
– oligo-arthrite | 41/178 | 23 |
Fièvre ≥ 39 °C | 544/574 | 94,8 |
Perte de poids ≥ 10 % | 165/345 | 47,8 |
Éruption cutanée | 537/650 | 82,6 |
Mal de gorge | 379/575 | 65,9 |
Myalgies | 212/338 | 62,7 |
Adénopathies | 346/558 | 62,0 |
Splénomégalie | 273/637 | 42,9 |
Hépatomégalie | 190/493 | 38,5 |
Pleurésie | 145/618 | 23,5 |
Péricardite | 139/627 | 22,2 |
Douleurs abdominales | 86/422 | 20,4 |
Pneumopathie | 68/494 | 13,8 |
Atteinte rénale | 31/355 | 8,7 |
Atteinte neurologique | 33/475 | 6,9 |
Atteinte oculaire | 16/302 | 5,3 |
Signes cliniques cardinaux
Fièvre
La fièvre est un signe constant dans la maladie de Still de l’adulte ; d’installation brutale, elle peut résumer le tableau dans certains cas [9]. Typiquement hectique, elle est à 39 ou 40 °C, parfois 41 °C, intermittente avec des pics thermiques volontiers vespéraux s’enchaînant sur plus d’une semaine, et s’accompagne de frissons et d’une altération de l’état général.
Arthralgies ou arthrites
Elles sont également constantes, parfois décalées dans le temps. Les douleurs sont en général maximales lors des pics fébriles. Parfois migratrices, elles se fixent rapidement au cours de l’évolution, le plus souvent sous la forme d’une polyarthrite bilatérale et symétrique pouvant toucher petites et grosses articulations y compris interphalangiennes distales, sacro-iliaques, temporomandibulaires et cervicales. La ponction articulaire met en évidence un liquide inflammatoire et la biopsie synoviale une synovite non spécifique. Quand il existe des arthrites, un passage à la chronicité est possible avec, dans un tiers des cas, une atteinte destructrice à type de pincement articulaire ou d’érosions. Au niveau de la main, l’atteinte prédomine sur les articulations carpiennes et carpo-métacarpiennes avec peu de destruction distale (Figure S3-P1-C20-2).
Carpite fusionnante isolée au cours d’une maladie de Still de l’adulte.
Signes cutanés
Le rash typique comporte des petites macules ou maculopapules, de couleur rose saumon, non prurigineuses, de quelques millimètres de diamètre avec une bordure légèrement irrégulière, parfois entourées d’une auréole de peau saine plus pâle (Figure S3-P1-C20-3). Elle siège le plus souvent à la racine des membres et sur le tronc. Son caractère typiquement fugace, maximal lors des pics fébriles, disparaissant sans séquelle pendant les périodes d’apyrexie, constitue un élément d’orientation en faveur du diagnostic de maladie de Still de l’adulte [18]. L’histologie est non spécifique.
Érythème fugace de maladie de Still de l’adulte sur le bras.
L’existence d’un purpura ou d’ecchymoses doit faire discuter une complication telle qu’une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), un purpura thrombotique thrombocytopénique (syndrome de Moschcowitz) ou un syndrome d’activation macrophagique.
Signes cliniques associés
Beaucoup d’autres manifestations ont été décrites [13], [36], [37], [41] :
– douleurs pharyngées : un mal de gorge inaugure volontiers la maladie. Il s’agit d’une gêne douloureuse à la déglutition des aliments (odynophagie). Les prélèvements bactériologiques sont négatifs ;
– myalgies : les douleurs musculaires sont fréquentes, très intenses pouvant confiner le patient au lit, avec également une recrudescence lors des phases fébriles.
– adénopathies et splénomégalie : une polyadénopathie faite de petits ganglions mobiles, de taille modérée, pouvant être profonds, parfois sensibles, volontiers asymétriques, peut être observée. La biopsie note une hyperplasie réactionnelle polyclonale et non spécifique constituée de lymphocytes T et B, de plasmocytes et de granulocytes. Une splénomégalie en règle modérée est assez fréquente, mise en évidence cliniquement ou à l’échographie ;
– douleurs abdominales : des douleurs abdominales diffuses, parfois associées à des nausées et des vomissements ne sont pas rares au cours de la maladie de Still de l’adulte. Quand le patient est sous traitement anti-inflammatoire, une origine iatrogène doit être recherchée ;
– atteinte hépatique : une hépatomégalie clinique, échographique ou tomodensitométrique le plus souvent indolore et modérée est décrite. Une hépatite cytolytique aiguë ou subaiguë, parfois dramatique, est possible et parfois associée à une coagulation intravasculaire disséminée ou/et un syndrome d’hémophagocytose. Une cholestase, et a fortiori un ictère, sont rares. Lorsqu’une biopsie hépatique est pratiquée, on trouve des lésions à type de d’infiltrat inflammatoire, plus ou moins important des espaces porte, constitué de cellules mononucléées, lymphocytes et plasmocytes, plus rarement polynucléaires neutrophiles ;
– atteinte pulmonaire et pleurale [31] : un épanchement pleural uni- ou bilatéral de type exsudatif est la manifestation pleuropulmonaire la plus fréquente. Des infiltrats pulmonaires habituellement labiles, fréquemment bilatéraux et volontiers asymptomatiques sont rapportés. Un syndrome restrictif et des troubles de la diffusion du monoxyde de carbone peuvent être observés sur les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) ;
– atteinte cardiaque [31] : la péricardite est le plus souvent associée à une pleurésie. Des myocardites ont également été rapportées, avec une évolution le plus souvent favorable sous traitement. Enfin, quelques rares atteintes valvulaires aortiques ou mitrales ont été décrites ;
– autres manifestations exceptionnelles : des manifestations ophtalmologiques, des troubles neurologiques, une atteinte néphrologique, une amylose AA sont très rares, mais décrits au cours de la maladie de Still de l’adulte.
Éléments paracliniques
Aucune anomalie paraclinique n’est spécifique de la maladie de Still de l’adulte, cependant, deux perturbations sont évocatrices du diag-nostic [13], [36], [37], [41].
Signe cardinal biologique
Le quatrième signe cardinal est l’hyperleucocytose supérieure à 10 000 ou 15 000/mm3, constituée de plus de 80 % de polynucléaires neutrophiles. Ce chiffre peut atteindre plus de 50 000/mm3, avec parfois une myélémie. L’hyperleucocytose est associée à une anémie inflammatoire et une thrombocytose.
Autres perturbations
Un syndrome inflammatoire est constant et habituellement très marqué, concernant aussi bien la vitesse de sédimentation que les protéines de phase aiguë : protéine C réactive (CRP), fibrinogène, fractions du complément (C3, C4). Une hypergammaglobulinémie (prédominant sur les immunoglobulines G) est présente dans deux tiers des cas.
Une cytolyse modérée avec élévation des aminotransférases et des lacticodéshydrogénases, régressive sous traitement, est fréquente. Une cytolyse majeure avec CIVD est possible. Point important, il n’existe, dans la maladie de Still de l’adulte, aucun signe d’auto-immunité. Histologiquement, on retrouve une infiltration inflammatoire non spécifique, polyclonale, sans lésion granulomateuse [13].
Place des ferritines
Au cours de la maladie de Still de l’adulte, la ferritinémie est fréquemment élevée, pouvant atteindre des taux supérieurs à 10 000 μg/l, très corrélée avec la production d’IL-18 et témoignant de l’activation du -système histiomacrophagique [25]. Son ascension pourrait être un marqueur de rechute [8]. Cependant cette élévation n’est pas pathognomonique du diagnostic [15].
On peut améliorer les capacités diagnostiques en dosant la fraction glycosylée qui, pour un taux inférieur ou égal à 20 % (normal 50 à 80 %), a une meilleure sensibilité et spécificité pour le diagnostic de maladie de Still de l’adulte. Contrairement à la ferritinémie, le pourcentage de ferritine glycosylée est peu influencé par l’activité inflammatoire de la maladie de Still de l’adulte ; son effondrement persiste plusieurs semaines à plusieurs mois après l’obtention d’une rémission [15].
Diagnostic différentiel
Dans ce contexte, plusieurs diagnostics doivent être évoqués en dehors de la maladie de Still de l’adulte.
Infections
Plusieurs infections peuvent mimer une maladie de Still de l’adulte, notamment des primo-infections virales (VIH, parvovirus B19), des infections parasitaires systémiques (toxoplasmose), des infections bactériennes profondes (foyers biliaires profonds ou endocardite) ou disséminées (tuberculose) [12], [13], [34]. En pratique, ce sont ces diagnostics qui sont les plus délicats à éliminer avant d’instaurer un traitement par corticoïdes ou immunomodulateurs.
Néoplasies et hémopathies malignes
Les adénopathies et les manifestations systémiques doivent faire évoquer de principe les lymphomes malins (hodgkiniens ou non), d’autres hémopathies malignes ainsi que des carcinomes épidermoïdes ou glandulaires (mammaires, bronchiques, rénaux, thyroïdiens ou oto-rhino-laryngologiques) [13], [23], [32], [49].
Pathologies inflammatoires ou auto-immunes
Les diagnostics les plus importants à évoquer sont les vascularites et les polymyosites [15], [37]. Il faut aussi évoquer le syndrome hyper-IgD, le TRAPS (tumor necrosis factor receptor-associated periodic syndrome) et les CAPS (cryopyrine associated periodic syndromes) [5], [45].
Critères de classification
En l’absence d’élément pathognomonique du diagnostic, des critères de classification ont été proposés (Tableau S03-P01-C20-II). Les plus validés et les plus utilisés à l’échelon international sont ceux de M. Yamaguchi [48]. Leur sensibilité et leur spécificité sont respectivement de 96,2 % et 92,1 %. Cependant, l’application des critères de classification de M. Yamaguchi se heurte à la validation difficile des critères d’exclusion en pratique courante.
Une grille de critères prenant en compte l’effondrement de la ferritine glycosylée sans faire intervenir de tels critères d’exclusion a été proposée [17]. Sa sensibilité est identique à celle de M. Yamaguchi, mais avec une meilleure spécificité de 98 %. Cependant, ces critères n’ont pas été validés dans une autre population.
Évolution
Il existe deux formes cliniques : l’une systémique avec fièvre et signes généraux prédominants et l’autre articulaire chronique avec un caractère érosif dans environ 30 % des cas [13], [36], [37], [41].
Critères de classification de M. Yamaguchi et al. [48] | Critères de classification de B. Fautrel et al. [23] |
---|---|
Critères majeurs | |
1. Fièvre ≥ 39 °C, évoluant depuis 1 semaine ou plus 2. Arthralgies, évoluant depuis 2 semaines ou plus 3. Éruption cutanée typique maculeuse ou maculopapuleuse, non prurigineuse, rose saumon, survenant pendant les pics fébriles 4. Leucocytose ≥ 10 000/mm3 et polynucléaires neutrophiles ≥ 80 % | 1. Fièvre hectique ≥ 39 °C 2. Arthralgies 3. Érythème transitoire 4. Pharyngite 5. Taux de polynucléaires neutrophiles ≥ 80 % 6. Ferritine glycosylée ≤ 20 % |
Critères mineurs | |
1. Pharyngite ou douleurs pharyngées 2. Adénopathie et/ou splénomégalie, confirmée à la palpation ou l’échographie 3. Atteinte hépatique : élévation anormale des transaminases et/ou des lactate deshydrogénases, attribuable à la maladie et non à une allergie/toxicité médicamenteuse 4. Absence de facteur rhumatoïde (IgM sérique) et d’anticorps antinucléaires (en IF) | 1. Rash maculopapulaire 2. Taux de leucocytes ≥ 10 000/mm3 |
Critères d’exclusion | |
1. Absence d’infection, notamment sepsis et mononucléose infectieuse 2. Absence d’affection maligne, principalement lymphomes malins 3. Absence d’autre pathologie rhumatismale, principalement périartérite noueuse et vascularites (atteintes extra-articulaires) | |
Au moins cinq critères, dont au moins deux majeurs et aucun critère d’exclusion | Quatre critères majeurs ou trois critères majeurs et deux critères mineurs |
La maladie de Still de l’adulte peut évoluer de façon monophasique, polyphasique avec des périodes de rémission plus ou moins longues entre les poussées, ou enfin de façon chronique avec des symptômes persistants sur plusieurs années [13], [36], [37], [41]. Il n’existe pas de signes prédictifs de l’évolution
Pronostic
Pronostic vital
L’atteinte articulaire conditionne le pronostic fonctionnel, principalement dans les formes érosives. Le pronostic vital est dominé par la sévérité des atteintes viscérales :
– hépatite cytolytique se compliquant de CIVD et de défaillance polyviscérale ;
– atteintes hématologiques : purpura thrombotique thrombocytopénique, syndrome d’activation macrophagique ainsi que syndrome des antiphopholipides ;
– atteintes pulmonaires type syndrome de détresse respiratoire aiguë ;
– complications infectieuses iatrogènes à germes banals ou opportunistes ;
– amylose secondaire (AA), qui ne se voit quasiment plus depuis l’arrivée des biothérapies.
Cas particulier de la grossesse
La maladie de Still de l’adulte ne semble pas associée à des phénomènes hormonaux et des poussées de la maladie ne sont pas plus fréquentes au cours de la grossesse [29]. Le risque de complication obstétrical ne semble pas plus élevé que dans la population générale, sauf lorsque la poussée inaugurale de maladie de Still de l’adulte survient durant la grossesse [19].
Traitement
Aucun essai randomisé n’a jusqu’à présent été mené dans la maladie de Still de l’adulte, en raison de la relative rareté de la maladie. Plusieurs thérapeutiques ont été proposées (Tableau S03-P01-C20-III) et une proposition de stratégie thérapeutique est présentée dans la Figure bdc S3-P1-C20-4 [13], [40].
Proposition de schéma thérapeutique au cours de la maladie de Still de l’adulte (MSA). AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; CRP : protéine C réactive ; Ig : immunoglobulines ; IL : interleukine ; TNF : tumor necrosis factor ; VS : vitesse de sédimentation.
Traitement de première intention
L’aspirine ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont utilisés en première intention, mais sont rarement efficaces sur le long terme. La tolérance hépatique doit être surveillée.
La corticothérapie orale (0,5 à 1 mg/kg/j d’équivalent prednisone) est le plus souvent nécessaire. La décroissance est empirique et aucun schéma ne peut être prédéfini.
Traitement de seconde intention
En cas de réponse inadéquate ou de rechute à la décroissance des corticoïdes, un traitement de fond doit être envisagé.
Méthotrexate
Il est utilisé selon un schéma proche de celui de la polyarthrite rhumatoïde (PR). Il permet, dans bon nombre de cas, de contrôler l’activité inflammatoire de la maladie de Still de l’adulte, avec un effet d’épargne cortisonique. Son efficacité semble moindre dans les formes systémiques pures [13], [14].
Inhibiteurs de l’IL-1 : IL-1Ra ou anakinra (Kineret®) / anticorps anti-IL-1 ou canakinumab
Ce traitement a été tenté à la dose utilisée dans la polyarthrite rhumatoïde. Son efficacité est le plus souvent spectaculaire en quelques jours, confirmant le rôle central de l’inflammasome et de la voie de l’IL-1 dans la pathogénie de la maladie. Différentes études observationnelles, à court ou moyen terme, ont montré des taux de réponse et de maintien thérapeutique élevés [18], [20], [28], [30]. La tolérance est globalement bonne, mais il existe un risque infectieux comme avec les autres biothérapies. La décroissance prudente et progressive est possible après obtention d’une rémission stable.
Le canakinumab a obtenu récemment l’AMM pour la maladie de Still de l’adulte. Son prix exorbitant fait qu’aucun accord de remboursement n’a été signé entre l’Assurance maladie et le laboratoire pharmaceutique. Son intérêt est donc limité.
Inhibiteur du récepteur de l’IL-6 : tocilizumab (Roactemra®)
Thérapeutiques | Dose | Latence d’effet | Effets indésirables |
---|---|---|---|
Anti-inflammatoires non stéroïdiens, voie orale | Doses usuelles | Quelques heures à quelques jours | Toxicité gastrique Insuffisance rénale si prise prolongée Hypertension artérielle |
Prednisone | 0,5-1 mg/kg/j per os Diminution progressive sans schéma consensuel | Quelques heures à quelques jours | Prise de poids, syndrome de Cushing, diabète Infections Ostéoporose, ostéonécrose Risque vasculaire |
Méthylprednisolone | 500 mg à 1g/j pendant 3 jours (IV) (ou 15 mg/kg/j pendant 3 jours) | Quelques heures | |
Méthotrexate | 10-25 mg/sem per os (SC en cas d’intolérance digestive ou de réponse insuffisante per os) (+30 % d’efficacité) | 4 à 8 semaines | Pneumopathie d’hypersensibilité Hépatopathie Aplasie si surdosage ou association accidentelle au Bactrim Infections |
Inhibiteur IL-1 (IL-1Ra) | Anakinra : 100 mg/j (SC) Canakinumab : 150 mg/mois | Quelques jours | Infections, dont tuberculose Hypersensibilité |
Anticorps anti-IL-6R | Tocilizumab : 8 mg/kg/mois (IV) Tocilizumab : 162 mg/sem (SC) | 4-8 semaines | Infections, dyslipidémies Perforation digestive paucisymptomatique |
Autres thérapeutiques Immunoglobulines polyvalentes | 2 g/kg pendant 2-5 jours (IV) Une fois par mois pendant 6 mois (non consensuel) | 1-3 mois | |
Ciclosporine A | 2,5 à 3 mg/kg/j per os | 1-2 mois | HTA, insuffisance rénale Hypertrichose |
Inhibiteurs TNF Anticorps anti-TNF ou récepteur soluble TNF | Infliximab : 3-5 mg/kg S0, S2, S6, puis toutes les 6 à 8 semaines (IV) Étanercept : 50 mg/7 jours (SC) Adalimumab : 40 mg/14 jours (SC) Certolizumab : 200 mg/14 jours (SC) Golimumab : 50 mg/28 jours (SC) | 2 semaines | Infections, dont tuberculose Hypersensibilité |
Utilisé selon les modalités de la polyarthrite rhumatoïde, le tocilizumab a une efficacité comparable à celle de l’anakinra dans plusieurs études observationnelles [6], [10], [26], [43], [50].
Autres traitements proposés dans les formes sévères et réfractaires
Les anti-TNF-α semblent avoir une efficacité certaine, mais le plus souvent limitée tant en intensité qu’en durée. À moyen terme, ils doivent être arrêtés en raison de phénomène d’échappement ou d’effets indésirables [16].
La ciclosporine A a été proposée avant l’ère des biothérapies dans les formes systémiques prédominantes ou les syndromes d’activation macrophagique [27].
Les immunoglobulines intraveineuses ont été proposées dans la maladie de Still de l’adulte, à la dose de 2 g/kg par cure mensuelle de 2 à 5 jours [46]. Leur coût et leur faible efficacité ont limité leur diffusion.
Autres thérapeutiques
L’atteinte articulaire peut bénéficier de gestes infiltratifs locaux, ainsi que de rééducation spécifique.
Conclusion
La maladie de Still de l’adulte est donc une maladie extrêmement polymorphe, tant dans son expression clinique que dans son profil évolutif. La complexité de sa prise en charge est liée d’une part à la difficulté de certifier le diagnostic et de ce fait à la nécessité d’éliminer une longue liste de diagnostics différentiels, parfois dans l’urgence.
Dans les dernières années des progrès thérapeutiques substantiels ont été faits grâce à une meilleure connaissance de la physiopathologie de la maladie de Still de l’adulte. Les biothérapies ciblant l’IL-1 et l’IL-6, et peut-être à terme l’IL-18, sont les plus prometteuses.
Bibliographie