S05-P03-C12 Tumeurs cardiaques (Chapitre archivé)

S05-P03-C12 Tumeurs cardiaques (Chapitre archivé)

Cardiologie

Olivier Dubourg

Chapitre S05-P03-C12

Tumeurs cardiaques

Olivier Dubourg et Agnès Sirinelli
ATTENTION : Les informations contenues dans ce chapitre sont susceptibles d’être obsolètes, il existe une version plus récente de ce chapitre.
Lien vers la mise à jour

Les tumeurs primitives du cœur sont rares et les métastases cardiaques sont 20 fois plus fréquentes [1]. L’incidence des tumeurs primitives varie entre 0,02 et 0,3 % dans la population générale [15]. Les méthodes actuelles d’explorations non invasives comme l’échocardiographie transthoracique et transœsophagienne, la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique permettent d’en faire le diag-nostic du vivant du malade [3]. Les tumeurs cardiaques sont généralement accessibles à la chirurgie et la majorité d’entre elles doivent être opérées, car toutes exposent à des complications graves : embolie, insuffisance cardiaque, troubles du rythme et mort subite [2], [8]. Seul l’examen anatomopathologique permet de différencier les tumeurs bénignes des malignes. Le myxome est la tumeur primitive la plus fréquente (près de 25 % des observations de McAllister [15]) ; les autres tumeurs bénignes sont plus rares et sont représentées par le lipome (8 %), le papillome valvulaire (8 %), le rhabdomyome (7 %), le fibrome (3 %), l’hémangiome (3 %) et le tératome (3 %). Les tumeurs malignes primitives représentent 25 % de l’ensemble des tumeurs primitives cardiopéricardiques et sont dans la majorité des cas des sarcomes. Ainsi McAllister a-t-il retrouvé des angiosarcomes qui représentent moins de 8 % des tumeurs cardiaques primitives, des rhabdomyosarcomes (moins de 5 %) et des fibrosarcomes (moins de 3 %). Les tumeurs péricardiques sont le plus souvent bénignes, le kyste péricardique est le plus fréquent (près de 15 % des observations), et le mésothéliome péricardique est la forme maligne la plus fréquente (près de 3 % des cas) [15].

Tumeurs cardiaques bénignes

Myxomes

Nous avons rapporté une série de vingt tumeurs cardiaques primitives où le myxome représentait 65 % des observations [3]. Les données concernant le myxome sont issues de notre expérience et de la littérature. Le myxome est la tumeur la plus fréquente chez l’adulte, et était présent chez 13 patients de notre série. Les myxomes à eux seuls représentent 50 % de l’ensemble des tumeurs primitives de l’adulte. On n’observe pas de myxome avant l’âge de 3 ans, et il représente seulement 14 % des tumeurs cardiaques de l’enfant. La majorité des cas est observée entre 30 et 60 ans et la prédominance féminine est habituellement soulignée, ce qui est le cas dans notre série. Il existe des cas familiaux, des myxomes multiples, enfin parfois des myxomes récidivants. Dans 74 % des cas, le myxome siège dans l’oreillette gauche (OG) où il est appendu par un pédicule au septum interauriculaire, au niveau de la fosse ovale. Les autres localisations sont plus rares : oreillette droite (OD), ce qui était le cas d’une de nos observations et de 18 % de celles de la littérature ; ventricule droit, une observation dans notre série et 4 % dans la littérature ; ventricule gauche ; 4 % dans la littérature. Cette tumeur est histologiquement bénigne, mais elle peut être responsable de complications dramatiques : embolies systémiques ou pulmonaires, car elle est friable, obstruction d’un orifice valvulaire, car elle est pédiculée.

Clinique

Tableau simulant une pathologie mitrale

Le myxome de l’oreillette gauche est une tumeur mobile, se prolabant à travers l’orifice mitral en diastole, ce qui peut provoquer une obstruction avec ou sans régurgitation. Ainsi, ce type de tumeur se présente cliniquement comme un rétrécissement mitral dans presque la moitié des cas. Dans notre série, le diagnostic stéthacoustique de valvulo-pathie mitrale a été porté 10 fois sur 11 [3]. Les patients peuvent se présenter avec des manifestations paroxystiques, dyspnée aiguë ou syncope, secondaires au changement de position. L’auscultation cardiaque est donc variable dans le temps et surtout avec la position du sujet, on peut entendre un roulement diastolique au foyer mitral, mais il n’existe pas de claquement d’ouverture associé.

Tableau d’une embolie

Le deuxième tableau classique est celui de l’embolie (28 % des cas de notre série). Lorsque le myxome siège à gauche, ces embolies peuvent intéresser tous les territoires artériels et ainsi provoquer un accident cérébral, une ischémie d’un membre ou un infarctus myocardique.

Tableau d’une insuffisance cardiaque droite

Lorsque le myxome siège à droite, le tableau clinique est celui d’une insuffisance cardiaque droite progressive avec ou sans atteinte valvulaire droite, et pouvant se compliquer d’embolie pulmonaire [18].

Tableau d’une altération de l’état général

Le dernier tableau classique associe une altération de l’état général, une fièvre isolée et un syndrome inflammatoire biologique ; il est rare et ne représente que 2 % des observations rapportées dans la littérature.

Tableau du myxome dans un syndrome familial (Carneys complex) [6], [7]

C’est un syndrome complexe avec atteinte cutanée de type nævus bleu, des tumeurs périphériques myxoïdes, un syndrome du Cushing, un adénome pituitaire et des myxomes cardiaques récidivants. La transmission génétique de ce syndrome est hétérogène [1]. Le gène de la maladie a été localisé sur le chromosome 2 p16 et sur le -chromosome 17 q2 [6].

Radiographie thoracique

L’oreillette gauche est parfois dilatée et on note la présence de calcifications tumorales dans près de 10 % des observations. En scopie, ces calcifications ont la particularité d’être mobiles.

ECG

Il est superposable à celui d’une sténose mitrale évoluée, montrant une hypertrophie auriculaire gauche avec une hypertrophie ventriculaire droite. Le rythme est sinusal dans la majorité des cas. Une fibrillation auriculaire ou un flutter peuvent révéler un myxome auriculaire gauche.

Biologie

Ils sont peu perturbés en dehors d’un syndrome inflammatoire peu spécifique : accélération de la vitesse de sédimentation, hypergammaglobulinémie (cet aspect a été retrouvé chez sept patients sur treize), anémie inflammatoire et une thrombocytémie. Une étude a montré que les cellules du myxome pouvaient élaborer de l’érythropoïétine, des facteurs de la coagulation et de l’interleukine [20].

Échocardiographie

Cet examen est essentiel pour le diagnostic de tumeur du cœur. Il doit être réalisé par voie transthoracique et, parfois, par voie transœsophagienne. Il précise la taille et le siège de la tumeur, sa mobilité et ses rapports avec les appareils valvulaires. L’aspect échographique et la localisation de la tumeur sont souvent très évocateurs de myxome, ce qui incite les chirurgiens à opérer sur ces seules données [3].

Myxome de l’oreillette gauche

En mode bidimensionnel (Figure S5-P3-C12-1), le myxome se présente comme une masse souvent homogène, de taille variable (2 à 8 cm), avec des contours plutôt réguliers, implanté habituellement au niveau du septum interauriculaire près de la fosse ovale. Lorsque cette tumeur est mobile, elle peut s’enclaver dans l’orifice mitral en diastole. Parfois, elle est non mobile avec une implantation inhabituelle au niveau de la paroi de l’oreillette gauche ou de l’anneau mitral. En cas de doute, ou bien lorsque la tumeur est de petite taille, l’échocardiographie par voie transœsophagienne est nécessaire. Elle permettra d’éliminer un thrombus ou une anomalie de la valve mitrale. L’échocardiographie de contraste permet parfois de reconnaître la nature vasculaire de la tumeur et permet de préciser la nature et l’homogénéité de celle-ci (voir Figure S5-P3-C12-1). L’examen Doppler pourra objectiver une obstruction mitrale généralement peu importante en dehors des formes volumineuses qui peuvent réaliser un vrai barrage mitral.

Fig_05-03-12_01abc
Fig_05-03-12_01d

Myxome de l’oreillette gauche en échocardiographie bidimensionnelle. a) Vue parasternale grand axe : tumeur enclavée dans l’orifice mitral qui semble totalement obstructive en diastole. b) Même malade, incidence apicale 4 cavités en systole : la tumeur est entièrement dans l’oreillette gauche, collée contre le septum interauriculaire. c) Même incidence qu’en (b), mais en systole : la tumeur soulève la grande valve mitrale, elle est passée aux deux tiers dans l’oreillette gauche, mais on note qu’elle n’est pas totalement obstructive dans l’anneau mitral. d). Même incidence, mais après injection de contraste intraveineux : les cavités gauches sont remplies de contraste qui souligne la masse tumorale qui semble inhomogène. La paroi tumorale semble hypervascularisée.

Myxome de l’oreillette droite

L’examen bidimensionnel en vue apicale retrouve la tumeur insérée sur le septum interauriculaire et se prolabant à travers la tricuspide en diastole [18]. Les cavités droites sont parfois dilatées. Devant une tumeur de petite taille, non mobile, l’échocardiographie transœsophagienne est nécessaire pour tenter d’éliminer un thrombus ou une végétation tricuspide [11].

Myxome ventriculaire

Il est rare, facilement visualisé en échocardiographie transthoracique. Il est habituellement implanté au niveau du septum interventriculaire, mais toutes les localisations sont possibles. La cavité ventriculaire est parfois dilatée. Seul l’examen anatomopathologique en fera le diagnostic.

Tomodensitométrie

Elle permet d’analyser la densité tissulaire et de préciser l’insertion et la localisation du myxome [14]. Celui-ci apparaît comme une masse hypodense ou isodense dans la cavité cardiaque en l’absence d’injection de produit de contraste. Après injection (Figure S5-P3-C12-2), la masse tumorale a un aspect hétérogène, avec des zones prenant le contraste et parfois même des microcalcifications.

Fig_05-03-12_02

Myxome de l’oreillette gauche en tomodensitométrie. a) Coupe 4 cavités : présence d’une tumeur collée au septum interauriculaire et remplissant la quasi-totalité de l’oreillette gauche sur cette image en systole. b) Coupe 3 cavités : on retrouve la masse tumorale bien visible dans l’oreillette gauche qui semble homogène.

IRM

Avant injection, les caractéristiques du signal dépendent de la composition du myxome : zones en hypersignal pour les régions hémorragiques intratumorales, hyposignal pour les calcifications. Après injection de gadolinium, le rehaussement du signal est hétérogène, en faveur de régions tumorales nécrosées et l’IRM est d’une aide précieuse pour l’analyse de la densité tumorale [17].

Traitement chirurgical

Il est systématique et les résultats sont excellents [2], [8]. L’indication opératoire est actuellement posée sur les données échocardiographiques. L’exérèse tumorale est réalisée sous circulation extracorporelle : la tumeur, son pédicule et la partie adjacente du septum sont retirés. Ce type d’intervention permet d’espérer l’absence de récidive tumorale dont il existe quelques cas rapportés dans la littérature. Le diagnostic final est porté par l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire.

Anatomopathologie

Macroscopiquement, il s’agit d’une masse souvent polypoïde, lobulée, molle dont la surface est lisse ou irrégulière. Des calcifications sont fréquentes, surtout dans les myxomes de l’oreillette droite. Les tumeurs irrégulières sont gélatineuses et embolisent souvent, contrairement aux myxomes à surface lisse qui contiennent du collagène en abondance et se fragmentent rarement. Leur taille varie de moins de 1 cm à plus de 10 cm.

Histologiquement, le myxome comprend un stroma myxoïde plus ou moins abondant coloré par le bleu Alcian. Dans ce stroma, il existe une prolifération de cellules mésenchymateuses de petite taille polygonales ou stellaires. Ces cellules peuvent s’organiser en cordons ou simuler des capillaires, elles expriment des marqueurs endothéliaux CD31 et CD34. On retrouve par ailleurs dans le stroma des fibres élastiques, des cellules musculaires lisses, des lymphocytes, des macrophages (contenant de l’hémosidérine) et des cellules dendritiques.

Lipomes

Les lipomes cardiaques sont retrouvés chez l’adulte, notamment âgé. La majorité du tissu tumoral est composé de tissu adipeux mature avec parfois des cellules adipeuses fœtales associées à du tissu fibreux et/ou musculaire [13]. Les anatomopathologistes distinguent l’hypertrophie lipomateuse du septum interauriculaire des autres lipomes cardiaques, car le lipome interauriculaire n’est pas encapsulé alors que les autres tumeurs sont encapsulées.

Lipome du septum interauriculaire

On le rencontre autour de la sixième décennie. La symptomatologie clinique n’est pas spécifique et se résume à des troubles du rythme auriculaire ou de conduction.

Échocardiographie

Son aspect échographique (transthoracique ou transœsophagien) est caractéristique : épaississement du septum interauriculaire de plus de 2 cm respectant la fosse ovale (aspect en « haltères »). L’imagerie par résonance magnétique pourra confirmer la nature graisseuse [22].

Traitement

Il est symptomatique (anti-arythmiques, stimulateurs), une intervention chirurgicale est exceptionnelle [23]. La confirmation anatomopathologique n’est donc que rarement obtenue.

Anatomopathologie

Macroscopiquement, ce sont des tumeurs graisseuses non capsulées, situées en avant du foramen ovale qui se développent dans la cloison interauriculaire et peuvent mesurer jusqu’ à 8 cm d’épaisseur. La croissance de ces lipomes se fait en règle vers l’oreillette droite. La compression des voies de conduction intra-atriale est fréquente. Histo-logiquement, la tumeur est composée de vésicules de graisse brune, de cellules adipeuses matures, de lipoblastes et de myocytes dystrophiques.

Autres lipomes cardiaques

Ils sont rares et silencieux cliniquement. Il s’agit le plus souvent de découverte fortuite lors d’une échocardiographie ou d’une autopsie. Ces tumeurs sont rencontrées chez l’adulte des deux sexes. Les structures cardiaques les plus souvent atteintes sont le ventricule gauche, l’oreillette droite et le péricarde. La moitié de ces tumeurs se développent à partir de l’épicarde dans le sac péricardique et dans un quart des cas respectivement à partir de l’endocarde ou du myocarde.

Échocardiographie

Cet examen découvre une masse hyperéchogène, brillante, fixe ou peu mobile, pouvant faire protrusion dans une cavité cardiaque. Sa nature graisseuse est confirmée par l’IRM ou la tomodensitométrie.

IRM

Elle permet de définir la taille, la localisation et surtout la nature du lipome qui apparaît en hypersignal sur les séquences pondérées en T1 avant injection et en signal intermédiaire sur les séquences pondérées en T2. Sur les séquences de saturation de graisse, l’aspect est typique d’absence de signal.

Traitement chirurgical

Il est exceptionnellement nécessaire, seulement dans les formes volumineuses obstructives [23]. La confirmation anatomopathologique n’est donc que rarement acquise.

Anatomopathologie

Macroscopiquement, ce sont des tumeurs graisseuses encapsulées qui peuvent mesurer de 1 à 15 cm. Microscopiquement, ces tumeurs ne sont pas différentes des autres lipomes pouvant se développer dans l’organisme. Ils sont composés de cellules graisseuses matures sans cellule fœtale avec du tissu myxoïde et des vaisseaux sanguins. Des cellules musculaires peuvent être présentes, on a décrit des associations possibles avec la sclérose tubéreuse de Bourneville.

Fibro-élastomes papillaires

Clinique

Le fibro-élastome papillaire ou papillome est une tumeur de l’adulte qui est très rarement observée chez l’enfant [9], [21]. Cette tumeur est le plus souvent asymptomatique [10]. Elle est découverte soit au cours d’une échocardiographie, soit lors d’une autopsie [5], [10]. Elle se développe sur l’endocarde, le plus souvent sur les valves cardiaques. Dans les quarante-deux observations de McAllister, il a été retrouvé 33 % de localisation sur les sigmoïdes aortiques, 20 % sur la tricuspide, 19 % sur les sigmoïdes pulmonaires, 15 % sur la valve mitrale, 9 % dans les cavités cardiaques droites et 4 % dans les cavités gauches [15]. Le fibro-élastome siège sur la face ventriculaire des valves sigmoïdes et sur la face auriculaire des valves auriculoventriculaires. Des thrombi peuvent se développer à la surface de la tumeur et être responsables d’embolies, notamment pour la localisation aortique.

Échocardiographie

L’utilisation de plus en plus fréquente de l’échocardiographie transthoracique et transœsophagienne a révélé de petites masses arrondies homogènes, assez bien limitées, mobiles avec la valve et sans dysfonction valvulaire [5], [10]. Le diagnostic différentiel avec les autres tumeurs ou des végétations est souvent difficile, il dépend du contexte. Le diagnostic est encore plus difficile pour les formes se développant sue l’endocarde cavitaire.

Traitement chirurgical

Ces tumeurs sont une source d’embolies (30 % embolisent) secondaires à la formation de thrombus à leur surface.

L’indication opératoire est formelle lorsque la tumeur est symptomatique récidivante ou qu’elle entraîne une insuffisance coronaire [9], [21]. En revanche, en cas de découverte sur une échographie ou pour prévenir une embolie, un traitement anticoagulant peut suffire dans un premier temps [5], [10].

Anatomopathologie

Le fibro-élastome valvulaire dérive de l’endocarde. Il ressemble à une anémone de mer et peut atteindre 3 à 4 cm de large. Son centre est constitué d’un stroma riche en protéoglycane avec des couches de fibres élastiques et de collagène notamment à la base de la tumeur. Les cellules endothéliales qui couvrent la surface expriment la vimentine, antigène de facteur VIII et CD34. L’origine du fibro-élastome est discutée. Certains ont voulu l’assimiler à un hamartome ou à une excroissance de Lambl. La première hypothèse peut être éliminée du fait de la rareté du fibro-élastome chez l’enfant. La seconde est écartée par la taille du fibro-élastome et son siège possible sur toute valve ou surface endocardique.

Rhabdomyomes

Clinique

C’est la tumeur la plus fréquente du nourrisson et de l’enfant (avant 15 ans) [13], [19]. Le rhabdomyome survient dans la première année chez près de 80 % des enfants et les garçons sont 2 fois plus souvent atteints que les filles. Les localisations cardiaques sont multiples dans la majorité des cas. Cette tumeur est associée à une sclérose tubéreuse de Bourneville dans près d’un tiers des cas.

On peut individualiser trois tableaux cliniques d’égale fréquence :

– il s’agit d’enfants mort-nés ou décédant dans les premières 24 heures de la vie. La tumeur obstrue une cavité cardiaque ou bien crée une gêne majeure au fonctionnement valvulaire. La sclérose tubéreuse est peu fréquente dans ce cas ou du moins le diagnostic clinique est difficile à cet âge ;

– il s’agit de la découverte fortuite d’une tumeur cardiaque au décours d’un bilan clinique complet pour une sclérose tubéreuse de Bourneville. Les rhabdomyomes sont généralement petits et restent asymptomatiques. Ils ne sont pas mortels dans la majorité des cas ;

– il s’agit de nouveau-nés après la 24heure de vie qui présentent une symptomatologie cardiaque. Celle-ci est directement en rapport avec la localisation tumorale : insuffisance cardiaque droite, gauche, ou globale, souffle systolique ou roulement diastolique faisant diagnostiquer une obstruction valvulaire. La sclérose tubéreuse est rarement associée à cette symptomatologie.

Examens complémentaires

Les modifications de l’ECG sont peu spécifiques : déviations axiales, hypertrophie ventriculaire droite ou gauche. Des troubles du rythme et de la conduction sont parfois rencontrés.

Il existe une cardiomégalie radiologique.

L’échocardiographie retrouve une ou plusieurs masses arrondies, plus brillantes que le myocarde, de taille variable, intramyocardique pouvant faire saillie au niveau de l’endocarde ou de l’épicarde. Cette tumeur siège électivement au niveau de l’apex et du septum interventriculaire. Elle peut être retrouvée aussi dans l’infundibulum pulmonaire ou dans l’oreillette gauche. Son retentissement obstructif est analysé.

L’IRM précise la localisation et l’extension de la tumeur. Le rhabdomyome donne un signal d’intensité intermédiaire à élevée sur les séquences pondérées en T1. Après injection, le rehaussement de la tumeur est identique au myocarde

Traitement

L’indication chirurgicale dépend du retentissement de la tumeur [12]. On opère habituellement les tumeurs intracavitaires entraînant une symptomatologie fonctionnelle. La présence d’une sclérose tubéreuse est a priori une contre-indication opératoire.

Anatomopathologie

Macroscopiquement, c’est une tumeur nodulaire, grisâtre ou jaunâtre dont la taille varie de 1 mm à plusieurs centimètres de diamètre. Elle peut être intramyocardique ou saillir à l’extérieur ou à l’intérieur du cœur [15]. Les localisations myocardiques sont souvent multiples sans jamais de point de départ valvulaire. Les localisations intraventriculaires droite ou gauche, septum inclus, sont les plus fréquentes. Enfin, 30 % des tumeurs ventriculaires sont associées à des localisations auriculaires.

Microscopiquement, c’est une tumeur circonscrite dans le myocarde sans capsule et qui contient de grandes cellules remplies de glycogène réagissant de façon positive avec le PAS. Ces cellules ont typiquement une forme d’araignée, avec une masse cytoplasmique centrale contenant le noyau, et de fins prolongements qui s’étendent jusqu’à la membrane cellulaire. Ces prolongements sont séparés par des vacuoles contenant du glycogène. En microscopie électronique, il existe des myofibrilles. On note la présence de multiples jonctions intercellulaires qui se répartissent sur tout le pourtour de la cellule tumorale, contrairement aux jonctions intercellulaires des cellules myocardiques normales, ou celles des cellules de Purkinje où les jonctions intercellulaires sont localisées aux deux pôles de la cellule.

Fibromes

Clinique

Le fibrome est une tumeur du tissu conjonctif qui représente moins de 4 % des tumeurs cardiaques primitives. On l’observe chez l’enfant dans 70 % des cas. C’est la deuxième tumeur la plus fréquente de l’enfant. Sa rareté chez l’adulte s’explique probablement par le fait que ces tumeurs se compliquent souvent de mort subite. Le fibrome est généralement unique, siégeant dans le myocarde ventriculaire, et en particulier dans le septum interventriculaire. À ce niveau, il est responsable de troubles du rythme et de la conduction. Dans la série de dix-sept patients de McAllister, le fibrome était situé 10 fois dans le septum et il était responsable 2 fois de fibrillations ventriculaires et 6 fois de morts subites [8]. D’autres observations rapportées dans la littérature font état de pseudo-sténose pulmonaire ou de rétrécissement ou d’insuffisance tricuspide.

Examens complémentaires

La radiographie de thorax n’apporte pas de renseignement spécifique en dehors de la cardiomégalie et d’éventuelles calcifications intratumorales.

L’ECG montre fréquemment des anomalies non spécifiques telles que des troubles du rythme ou de la conduction lorsque la tumeur est située dans le septum interventriculaire. Les signes d’hypertrophie ou de dilatation des cavités cardiaques dépendent du siège de la tumeur qui peut être un obstacle à l’éjection ou au remplissage ventriculaire.

À l’échocardiographie, le fibrome a souvent la même échogénicité que le myocarde. Lorsque la tumeur est plus grosse, elle est responsable d’un comblement d’une cavité ou d’une obstruction intraventriculaire. Sa taille, habituellement de 4 à 7 cm, sa forme, et sa localisation seront précisées. L’échocardiographie 3D peut aider pour préciser cette localisation [16].

En IRM après injection, la prise de contraste est hétérogène avec une zone centrale hypo-intense et une périphérie hyperintense [4]. La région centrale correspond probablement à une zone fibreuse pauvrement vascularisée.

Traitement

L’indication opératoire est habituelle, sauf pour les fibromes qui se développent dans le septum et qui compriment les voies de conduction. Actuellement, certains chirurgiens tentent avec succès une exérèse tumorale de ce type de tumeurs. L’efficacité d’un entraînement électrosystolique chez les patients atteints de trouble de la conduction n’a pas été testée, mais cela reste une solution thérapeutique valable chez ces malades.

Anatomopathologie

Macroscopiquement, le fibrome du cœur est une tumeur conjonctive dérivée de fibroblastes, elle est gris blanchâtre. C’est une tumeur bien limitée, mais non encapsulée, qui se développe dans le myocarde ventriculaire ou le septum interventriculaire. Elle est unique et parfois très volumineuse (plus de 10 cm de long sur plusieurs centimètres de large). Il existe souvent des calcifications au centre de la tumeur ainsi que des zones de nécroses hémorragiques.

Microscopiquement, les zones blanchâtres correspondent à des proliférations de cellules fusiformes à noyaux réguliers de type fibroblastique, dispersées dans un stroma fibreux riche en fibres de collagènes orientées. Dans la zone d’insertion de la tumeur, on peut retrouver des fibres myocardiques dégénérées emprisonnées par la prolifération tumorale. Il s’agit d’une tumeur très peu vasculaire avec très peu de capillaires.

En microscopie électronique, d’une part, l’examen confirme la nature fibroblastique des cellules qui élaborent du collagène et, d’autre part, on retrouve des cellules musculaires dégénératives nettement différentes des cellules en araignée du rhabdomyome.

Tumeurs cardiaques malignes

Clinique

Les sarcomes représentent la majorité des tumeurs malignes primitives du cœur [8], [23]. Il en existe plusieurs formes histologiques, comme pour tout sarcome des tissus mous : l’angiosarcome et le rhabdomyosarcome en sont les formes les plus fréquentes. Le diagnostic précis repose actuellement sur l’immunohistochimie associée à la biologie moléculaire. Les sarcomes se rencontrent aussi souvent chez l’homme que chez la femme et apparaissent généralement entre la troisième et la cinquième décennie. Ils se développent principalement au niveau du cœur droit et plus particulièrement dans le myocarde auriculaire droit. Ces tumeurs sont infiltrantes et il est parfois impossible de préciser le point de départ tumoral. Les tumeurs malignes du cœur peuvent être révélées par une extension locorégionale, comme un hémopéricarde ou bien par des métastases (adénopathies médiastinales, métastases pulmonaires, pleurales, cérébrales ou osseuses). La symptomatologie cardiovasculaire n’est pas spécifique de malignité. Le plus souvent, il existe une insuffisance cardiaque droite progressive, devenant rapidement irréductible malgré le traitement médical habituel. Il existe parfois des douleurs thoraciques qui peuvent être en rapport avec une péricardite. Ces péricardites sont souvent abondantes et compressives responsables, alors d’une tamponnade typique. Les troubles du rythme ou de la conduction sont moins souvent révélateurs de ce type de tumeur. Enfin, l’installation rapide d’un syndrome cave supérieur ou inférieur doit faire évoquer ce diagnostic. L’auscultation est variable, les souffles cardiaques dépendent du siège de la tumeur et sont souvent en rapport avec l’obstruction tumorale.

Examens complémentaires

La radiographie thoracique peut mettre en évidence une cardiomégalie avec des adénopathies ou des images pulmonaires suspectes. L’ECG retrouve parfois des troubles de la repolarisation non spécifiques.

L’échocardiographie met en évidence une masse hétérogène, hyper-échogène, sessile, siégeant le plus souvent dans l’oreillette droite. L’épanchement péricardique plus ou moins abondant est habituel, il peut donner des signes de compression échographiques.

L’IRM complétera le bilan en visualisant la tumeur atriale et son extension cardiaque, veines caves et péricarde, et extracardiaque [4]. L’angiosarcome a un aspect très hétérogène sur les séquences pré-injection pondérée en T1, les zones en hypersignal correspondant à des hémorragies intratumorales. Après injection, la prise de contraste est intense, mais très inhomogène (aspect en « chou-fleur »).

Formes cliniques

Angiosarcome

C’est le plus fréquent des sarcomes [15]. Il est rencontré 2 fois plus souvent chez l’homme que chez la femme. Ce sarcome siège habituellement dans l’oreillette droite et son extension péricardique se voit dans près d’un cas sur deux. Cette tumeur obstrue les cavités cardiaques dans près de 25 % des cas. Microscopiquement, il s’agit d’une prolifération de cellules endothéliales malignes qui forment des vaisseaux anastomosés.

Rhabdomyosarcome

C’est une tumeur cardiaque de novo, et non une dégénérescence d’un rhabdomyome. Elle peut se rencontrer chez l’enfant et siège aussi bien à droite qu’à gauche. Souvent, l’atteinte est multiple, très étendue et infiltrante. Une obstruction valvulaire ainsi qu’un envahissement valvulaire se voient dans près de la moitié des cas. Le diagnostic histologique est parfois difficile. Il repose sur la découverte de rhabdomyoblastes qui sont plus facilement identifiables en microscopie électronique. Les autres sarcomes sont exceptionnels, qu’il s’agisse des fibrosarcomes, lymphosarcomes, ostéosarcomes extrasquelettiques, léiomyosarcomes ou enfin liposarcomes. Tous ces sarcomes partagent, avec les deux précédemment décrits, leur pronostic effroyable en dépit de tous les traitements utilisés.

Traitement

Il est théoriquement chirurgical, mais l’exérèse est rarement possible du fait de l’extension tumorale. Le diagnostic est histologique avec une biopsie soit de la tumeur soit d’une localisation secondaire. Le pronostic de ces tumeurs reste dramatique.

Bibliographie

1. BASSON C, MACRAE C, KORF B, MERLISS A. Genetic heterogeneity of familial atrial myxoma syndromes (Carney complex). Am J Cardiol, 1997, 79 : 994-995.
2. BHAN A, MEHROTRA R, CHOUDHARY S et al. Surgical experience with intracardiac myxomas : long-term follow-up. Ann Thorac Surg, 1998, 66 : 810-813.
3. BOURDARIAS J, DUBOURG O, GROSGOGEAT Y. [Primary cardiac tumors]. Presse Méd, 1987, 16 : 335-337.
4. BRAGGION-SANTOS MF, KOENIGKAM-SANTOS M, TEIXEIRA SR et al. Magnetic resonance imaging evaluation of cardiac masses. Arquivos Brasileiros de Cardiologia, 2013, 101 : 263-272.
5. BROWN RJ, KHANDHERIA B, EDWARDS W. Cardiac papillary fibroelastoma : a treatable cause of transient ischemic attack and ischemic stroke detected by transesophageal echocardiography. Mayo Clin Proc, 1995, 70 : 863-868.
6. CASEY M, MAH C, MERLISS A et al. Identification of a novel genetic locus for familial cardiac myxomas and Carney complex. Circulation, 1998, 98 : 2560-2566.
7. CASEY M, VAUGHAN C, HE J et al. Mutations in the protein kinase A R1alpha regulatory subunit cause familial cardiac myxomas and Carney complex. J Clin Invest, 2000, 106 : R31-R38.
8. CENTOFANTI P, DI RE, DEORSOLA L et al. Primary cardiac tumors : early and late results of surgical treatment in 91 patients. Ann Thorac Surg, 1999, 68 : 1236-1241.
9. GOWDA RM, KHAN IA, NAIR CK et al. Cardiac papillary fibroelastoma : a comprehensive analysis of 725 cases. Am Heart J, 2003, 146 : 404-410.
10. KLARICH K, ENRIQUEZ-SARANO M, GURA G et al. Papillary fibroelastoma : echocardiographic characteristics for diagnosis and pathologic correlation. J Am Coll Cardiol, 1997, 30 : 784-790.
11. KUCUKARSLAN N, KIRILMAZ A, ULUSOY E et al. Eleven-year experience in diag-nosis and surgical therapy of right atrial masses. J Cardiac Surg, 2007, 22 : 39-42.
12. KUTLUK T, DEMIR HA, BUYUKPAMUKCU M et al. Cardiac rhabdomyomas in childhood : six cases from a single institution. Turk J Pediatri, 2013, 55 : 69-73.
13. LAM K, DICKENS P, CHAN A. Tumors of the heart. A 20-year experience with a review of 12,485 consecutive autopsies. Arch Pathol Lab Med, 1993, 117 : 1027-1031.
14. MANDEGAR MH, RAYATZADEH H, ROSHANALI F. Left atrial myxoma : the role of multisclice computed tomography. J Thorac Cardiovasc Surg, 2007, 134 : 795.
15. MCALLISTER H, FENOGLIO J. Tumors of the cadiovascular system, vol. 15, second series. Washington, Armed Forces Institute of Pathology, 1978.
16. MIGLIORANZA MH, LEIRIA TL, HAERTEL JC et al. The role of three-dimensional echocardiography in interventricular mass evaluation. Echocardio-graphy, 2013, 30 : E125-E127.
17. MOTWANI M, KIDAMBI A, HERZOG BA et al. MR imaging of cardiac tumors and masses : a review of methods and clinical applications. Radiology, 2013, 268 : 26-43.
18. RAJANI R, SARANGMATH N, MISHRA B. Massive right atrial myxoma. Intern J Cardiol, 2008, 128 : 121-122.
19. REY C, BOURGIN J, BOZIO A et al. [Echocardiography in the diagnosis of intracardiac tumors in the infant and child. A propos of 8 cases]. Arch Mal Cœur Vaiss, 1980, 73 : 472-482.
20. SEINO Y, IKEDA U, SHIMADA K. Increased expression of interleukin 6 mRNA in cardiac myxomas. Br Heart J, 1993, 69 : 565-567.
21. SUN JP, ASHER CR, YANG XS et al. Clinical and echocardiographic characteristics of papillary fibroelastomas : a retrospective and prospective study in 162 patients. Circulation, 2001, 103 : 2687-2693.
22. TUNA I, JULSRUD P, CLICK R et al. Tissue characterization of an unusual right atrial mass by magnetic resonance imaging. Mayo Clin Proc, 1991, 66 : 498-501.
23. VERKKALA K, KUPARI M, MAAMIES T et al. Primary cardiac tumours–operative treatment of 20 patients. Thorac Cardiovasc Surg, 1989, 37 : 361-364.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Dubourg O, Sirinelli A. Tumeurs cardiaques. In : L Guillevin, L Mouthon, H Lévesque. Traité de médecine, 5e éd. Paris, TdM Éditions, 2018-S05-P03-C12 : 1-6.

[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]